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L’expert indépendant des droits humains déplore la dégradation de la situation des personnes déplacées, dont les femmes et les enfants, en Haïti

P-au-P., 31 oct. 2023 [AlterPresse] --- L’expert indépendant de l’Organisation des Nations unies (Onu) sur la situation des droits humains en Haïti, l’Américain William O’Neill, exhorte les autorités à accorder une attention prioritaire à la situation des personnes déplacées, particulierement les femmes et les enfants exposés à la violence des gangs armés, lors d’une conférence de presse, ce mardi 31 octobre 2023, à laquelle a assisté l’agence en ligne AlterPresse.

« Je continue d’être alarmé par la situation préoccupante qui s’étend rapidement dans d’autres départements, notamment l’Artibonite et le Nord-Ouest. Les meurtres, blessures et kidnappings sont l’apanage quotidien de la population ».

Depuis la mi-août 2023, au moins 200 mille personnes sont déplacées à travers Haïti, à cause de la terreur des gangs armés. Beaucoup de ces personnes déplacées se trouvent dans des conditions de vie inhumaines, sans accès aux services de base, survivant dans des camps de fortune.

« Des enfants et des personnes âgées dorment à même le sol, près de monticules de déchets et sans accès à l’eau potable. J’ai aussi entendu des témoignages de femmes et de filles, qui sont victimes de viols à répétition, sans accès aux soins. La violence sexuelle envers les femmes et les filles demeure endémique et aucune avancée concernant l’accès aux services et à la justice pour les survivantes n’a été enregistrée depuis ma dernière visite », du lundi 19 au jeudi 29 juin 2023.

« Un défi majeur concerne le fait que beaucoup de membres de gangs sont des enfants », souligne O’Neill, considérant nécessaire de mettre en œuvre des programmes de réhabilitation et de réinsertion pour la grande majorité d’entre eux

« Plus de 500 mille jeunes n’ont pas accès à l’éducation. Ce qui constitue un véritable tremplin pour les gangs armés qui recrutent des enfants faute d’opportunités, ou par peur des représailles », signale O’Neill, « particulièrement préoccupé par l’impact de l’insécurité et de la violence sur les enfants. Les témoignages reçus sont édifiants. C’est une génération entière qui semble sacrifiée par la violence et l’avenir d’un pays qui est menacé par la situation dramatique de sa jeunesse ».

Les enfants continuent de subir de graves violences et violations de leurs droits. Ils n’ont pas accès à la santé, à l’eau, à l’alimentation et à l’éducation sévèrement entravées, en particulier pour celles et ceux des quartiers défavorisés sous contrôle des gangs et désertés par l’État, dénonce-t-il.

Le 18 septembre 2023, le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) a exhorté les autorités à redoubler leurs efforts, en vue de garantir la protection des enfants et de mettre fin à la violence des groupes armés en Haïti.

Des dizaines d’enfants de l’école salésienne ont été pris en otage pendant trois jours, à cause des affrontements des gangs armés à La Saline, puis libérés et évacués dans l’après-midi du dimanche 15 octobre 2023.

Un système de justice incapable de protéger les enfants en danger

Au terme de sa deuxième visite, qui a débuté le dimanche 22 janvier 2023 en Haïti, O’Neill recommande de rendre fonctionnel le système judiciaire, afin de protéger les enfants en conflit avec la loi.

L’expert indépendant de l’Onu sur l situation des droits humains en Haïti déplore une situation catastrophique alarmante, notamment pour les enfants incarcérés au Centre de rééducation des mineurs en conflit avec la loi (Cermicol) à Delmas 33.

« Le système de justice haïtien demeure dysfonctionnel et non adapté pour protéger les enfants en danger ou pour juger les mineurs en conflit avec la loi. Le Tribunal pour enfants est paralysé ».

William O’Neill affirme avoir relevé, au Cermicol, « une surpopulation carcérale, avec un taux d’occupation dépassant les 350%, mais aussi de l’insalubrité et du manque d’accès à l’eau potable exposant les enfants aux maladies ».

Parmi ces enfants en conflit avec la loi, « 99% n’ont pas été condamnés. La plupart sont en situation de détention préventive prolongée. Ils sont incarcérés depuis des années pour vol d’une poule, de chaussures ou de téléphone, sans avoir vu un juge ».

« Il nous faut des résultats rapidement », souhaite William O’Neill, se disant encouragé par la mise en place d’une commission intergouvernementale devant permettre de désengorger les prisons.

Des dispositions institutionnelles contre les violations et les abus des droits humains

William O’Neill exhorte l’État à assumer ses responsabilités pour prévenir les violations et les abus des droits humains, mais aussi pour protéger la population dont les plus vulnérables en Haïti.

« Tous les droits sont bafoués en Haïti », avait critiqué, le 28 juin 2023, l’expert indépendant sur la situation des droits humains en Haïti, William O’Neill, à l’issue d’une visite d’évaluation de 10 jours dans le pays.

« La situation des droits humains est dramatique, tous les droits y sont bafoués. Les gangs continuent de faire régner la terreur, en particulier dans plus de la moitié de la capitale, Port-au-Prince, devenue une zone de non-droit. Les femmes et les jeunes filles continuent de se faire violer par les gangs, souvent collectivement, pour asseoir leur contrôle sur la population ».

4 mois plus tard, au moment de boucler sa deuxième visite dans le pays, rien ou presque n’est changé note William O’Neill, qui dit espérer une contribution de l’Organisation des Nations unies (Onu), dans l’objectif de changer la dynamique... dans un délai pas lointain en Haïti. [ppsf emb rc apr 31/10/2023 17:00]