Onu-Sanctions : Mise en garde contre toute éventuelle omission de noms de présumés financeurs de gangs en Haïti

« Des millions auraient été versés à des lobbyistes aux fins de supprimer de cette liste les noms de personnes, soupçonnées d’implication dans le financement, le blanchiment des avoirs et la corruption en Haïti »

P-au-P., 30 oct. 2023 [AlterPresse] --- Plusieurs organisations et personnalités haïtiennes [1] lancent une mise en garde contre toute éventuelle omission volontaire ou involontaire de noms de personnes, soupçonnées d’implication dans le financement, le blanchiment des avoirs et la corruption en Haïti, dans une lettre conjointe adressée à l’ambassadeur Michel Xavier Biang, président du comité des sanctions de l’Organisation des Nations unies (Onu), dont une copie a été transmise à AlterPresse.

« L’absence de leurs noms sur la liste n’aura d’autre effet que de saper la fiabilité de la liste, qui sera prochainement publiée », préviennent-elles.

Elles expriment leurs craintes face à la publication éventuelle d’une liste incomplète en ce qui a trait à ces personnes et entités, « du fait que des millions auraient été versés à des lobbyistes aux fins de supprimer leurs noms de cette liste ».

« Parmi ceux-là, qui auraient payé pour obtenir la suppression de leurs noms, figureraient certaines personnes ayant été déjà sanctionnées par les États-Unis et le Canada, deux États membres de l’Onu qui se sont empressés de publier des listes de sanctionnés sans attendre le résultat du travail d’enquête du Comité créé à cet effet », lit-on dans la lettre.

Ces organisations et personnalités souhaitent une mise en œuvre de la résolution 2653/2022 sans parti pris et sans voie libre aux lobbyistes.

Le Conseil de sécurité de l’Onu prévoit la publication imminente d’une liste des personnes impliquées en Haïti dans le financement des gangs, le blanchiment des avoirs, la corruption en vertu de la résolution 2653 adoptée le 21 octobre 2022.

Cette résolution impose un régime de sanctions sur Haïti, notamment un gel ciblé des avoirs, une interdiction de voyager et un embargo sur les armes.

Les individus, qui se livrent ou qui soutiennent les activités criminelles et la violence impliquant des groupes armés et des réseaux criminels, sont ciblés par ces mesures.

La résolution établit un comité des sanctions, soutenu par un panel d’experts, qui sera chargé d’identifier les individus et les entités qui devraient faire l’objet de sanctions.

Les sanctions de l’Onu ont imposé une interdiction sur les opérations à l’encontre du chef de gang haïtien, l’ex policier Jimmy Chérizier, mieux connu sous le nom de « Barbecue », pour des actes menaçant la paix, la sécurité et la stabilité d’Haïti.

Plus d’une soixantaine de personnes ont été déjà sanctionnées, depuis octobre 2022, par les États-Unis d’Amérique et le Canada, pour financement des gangs, corruption et blanchiment d’argent, issu, entres autres, du trafic de drogue.

Les organisations et personnalités haïtiennes, signataires de la lettre du 20 octobre 2023, recommandent au comité de sanctions de l’Onu de tenir compte des listes, déjà publiées par les États-Unis et le Canada, tout en vérifiant leur authentification ou en établissant la validité des critères de sélection des personnes indexées.

Trafic illégal d’armes et munitions en Haïti

Les organisations et personnalités haïtiennes, signataires de la lettre du 20 octobre 2023, demandent aussi au comité de sanctions de l’Onu de se prononcer sur les agissements des États membres, qui constituent un point d’alimentation du trafic illégal d’armes et munitions retrouvées en Haïti.

Il convient également de tirer conclusion du rapport de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (Onudc) paru en mars 2023 et qui révèle combien des armes à feu et des munitions de plus en plus sophistiquées et de gros calibre sont acheminées vers Haïti, frappée par la crise.

« Haïti reste un pays de transbordement pour les drogues, principalement la cocaïne et le cannabis, qui entrent par bateau ou par avion dans les ports publics, privés et informels, ainsi que par les nombreuses pistes clandestines », selon le rapport.

La plupart des armes à feu et munitions en Haïti proviennent des États-Unis, en particulier de Floride, indique cette étude.

Des armes de calibres de plus en plus élevés, parfois des mitrailleuses lourdes, sont aujourd’hui importées illégalement, a alerté l’Onudc.

Par ailleurs, ces organisations et personnalités, signataires de la lettre du 20 octobre 2023, déplorent le silence du rapport des experts de l’Onu sur la responsabilité des acteurs internationaux dans la situation d’insécurité planifiée actuelle et sur les graves soupçons, évoqués par le Réseau national de défense des droits humains (Rnddh) concernant l’actuel premier ministre de facto Ariel Henry.

Le comité de sanctions face à l’implication présumée d’Ariel Henry dans l’assassinat de Jovenel Moïse

En se basant sur le rapport d’enquête du Rnddh, elles exigent au comité des sanctions de l’Onu de faire la lumière sur les soupçons légitimes, quant à l’implication du premier ministre de facto dans l’assassinat de Jovenel Moïse le 7 juillet 2021 et à l’implication du Core Group dans la fabrication du présent chaos.

Dans un rapport publié le 6 janvier 2022, le Rnddh a accusé Ariel Henry d’avoir eu plusieurs appels téléphoniques avec Joseph Félix Badio, au moins 12 fois, dont les deux derniers appels ont été passés entre eux la nuit-même de l’assassinat de Jovenel Moïse.

La Police nationale d’Haïti (Pnh) a confirmé, l’arrestation, le jeudi 19 octobre 2023, à Pétionville (municipalité à l’est de Port-au-Prince) de Joseph Félix Badio, « activement recherché par la Direction centrale de la police judiciaire (Dcpj), pour son implication présumée dans l’assassinat de l’ex-président, Jovenel Moïse, en juillet 2021 ».

« J’applaudis la Police nationale d’Haïti (Pnh), qui a fait un bon coup en ce qui concerne l’arrestation de Joseph Félix Badio. C’est un grand pas qui peut contribuer à l’avancement de l’enquête sur l’assassinat de Jovenel Moise », a déclaré Ariel Henry, lors d’une conférence de presse, donnée après sa participation au premier sommet Canada-Caricom, tenu du mardi 17 au jeudi 19 octobre 2023 à Ottawa, et celui sur le développement et la migration réalisé dans la ville de Palenque, dans l’État de Chipas au Sud du Mexique, le dimanche 22 octobre 2023. [emb rc apr 30/10/2023 11:00]