P-au-P., 23 oct. 2023 [AlterPresse] --- La Commission épiscopale (catholique romaine) Justice et paix (Ce-Jilap) et l’Initiative de la société civile (Isc) exhortent les autorités judiciaires à profiter du rapport du Groupe d’experts des Nations Unies sur Haïti, pour traduire en justice toutes les personnes impliquées dans le financement des gangs armés et le détournement de fonds publics dans le pays, dans des déclarations à la plateforme AlterPresse/AlterRadio.
Le rapport du groupe d’experts de l’Onu a dévoilé la méchanceté des politiciens haïtiens vis-à-vis de la population ainsi que leur niveau d’implication en dehors et à l’intérieur du pays dans le trafic d’armes en Haïti, applaudit la Ce-Jilap.
La justice haïtienne doit montrer sa volonté à appliquer la loi envers les personnes qui ont trahi cette nation, souhaite la directrice nationale de la Ce-jilap, Jocelyne Colas, jointe au téléphone par la plateforme AlterPresse/AlterRadio.
La Ce-Jilap invite les autorités à combattre la violence des gangs armés, qui sévit notamment dans la zone métropolitaine de la capitale, Port-au-Prince, et dans le département de l’Artibonite.
« Après diverses sanctions infligées à plusieurs personnalités haïtiennes et le rapport dévoilant leur méchanceté, nous observerons encore l’évolution de la situation dans les prochains jours », déclare la Ce-Jilap.
Interrogé par AlterPresse/AlterRadio, le directeur exécutif de l’Isc, Rosny Desroches, demande au groupe experts de l’Onu de fournir des preuves aux autorités haïtiennes, concernant les chefs d’accusation à l’encontre des personnalités politiques et économiques, afin que l’appareil judiciaire haïtien soit en mesure de faire convenablement son travail.
Les autorités haïtiennes doivent aussi prendre en compte les trois rapports de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (Cscca) détaillant plus minutieusement les détournements de fonds, relatifs au programme PetroCaribe de l’aide vénézuélienne à Haïti, suggère l’Isc.
« Nos dirigeants haïtiens ont laissé se produire une grave dérive », reproche l’Isc, critiquant toutes celles et tous ceux qui ont leurs noms cités dans le financement des gangs armés et dans le détournement des fonds publics, notamment ceux de PetroCaribe.
L’ancien président Joseph Michel Martelly (14 mai 2011 - 7 février 2016), l’ancien sénateur Youri Latortue, ex-président du sénat (2017 à 2018), l’ancien député Prophane Victor (2016 à 2020) et le directeur général du groupe Deka, Reynold Deeb, sont impliqués dans le financement des gangs armés en Haïti, a indiqué le groupe d’experts de l’Onu sur Haïti, dans un rapport final rendu public le 18 octobre 2023.
Joseph Michel Martelly a financé les gangs de la Base 257, Village de Dieu, Ti Bwa et Gran Ravin, notamment en leur fournissant des fonds ou des armes à feu, révèle le groupe d’experts de l’Onu sur Haïti.
Par ailleurs, l’ancien sénateur Youri Latortue « exerce un contrôle considérable sur la vie politique et économique du département de l’Artibonite, notamment par le recours à des gangs, comme Raboteau, qu’il finance et arme », souligne le groupe d’experts de l’Onu sur Haïti.
L’ancien député de Petite Rivière de l’Artibonite, dans le département de l’Artibonite, Prophane Victor, a fourni des armes à des jeunes de sa circonscription, en vue d’assurer son élection en 2016 et de contrôler la zone, souligne le rapport du groupe d’experts des Nations unies sur Haïti.
Reynold Deeb financerait des membres de gangs pour protéger son entreprise et assurer l’importation de ses marchandises, selon le groupe d’experts de l’Onu sur Haïti.
Le groupe d’experts des Nations unies sur Haïti a encouragé les États membres à soutenir le renforcement de l’intégrité et des capacités du système judiciaire, afin de mettre fin à l’impunité des personnes qui menacent la paix et la sécurité en Haïti, notamment les gangs et leurs commanditaires, et des personnes impliquées dans le détournement de fonds publics.
Les pires détournements liés aux fonds Petrocaribe « ont eu lieu pendant le mandat présidentiel de Joseph Michel Martelly, de 2011 à 2016, qui a coïncidé avec le mandat de Laurent Lamothe en tant que Ministre de la planification et de la coopération extérieure et Premier Ministre, de 2012 à 2014 », note -t-il.
« Laurent Lamothe, qui était l’ordonnateur principal pour le décaissement des fonds133, a délivré des autorisations pour un montant total de 668,8 millions de dollars pour 149 projets » (Ndlr : US $ 1.00 = + 140.00 gourdes ; 1 euro = 144.00 gourdes ; 1 dollar canadien = 100.00 gourdes ; 1 peso dominicain = 2.60 gourdes aujourd’hui), poursuit le rapport onusien.
Les experts onusiens ont fait état des rapports d’enquête officiels haïtiens, qui « ont conclu que, sur le montant total de 1,738,691,909.00 dollars alloué aux projets, environ 92 % avaient été dépensés sur la base d’autorisations douteuses et que pratiquement aucun projet n’avait été réalisé ». [emb rc apr 23/10/2023 14:30]