Ouanaminthe (Haïti), 13 oct. 2023 [AlterPresse] --- L’ambassadeur permanent d’Haïti auprès de l’Organisation des États américains (Oea), Léon Charles, condamne fermement l’utilisation de la menace, des manœuvres d’intimidation et de la désinformation du gouvernement dominicain à l’encontre de la population haïtienne, en rapport à la crise liée à la poursuite de la construction d’un canal à Ouanaminthe (Nord-Est) sur la rivière Massacre.
Léon Charles intervenait, le jeudi 12 octobre 2023, sur ce sujet, à une session extraordinaire au Conseil permanent de l’Oea, à laquelle a assisté l’agence en ligne AlterPresse.
De telles manœuvres ne sauraient se substituer au respect des engagements internationaux, dénonce l’ambassadeur haïtien, fustigeant l’intransigeance des autorités dominicaines sur la question du canal.
« La construction du canal ne va pas s’arrêter » a insisté, à plusieurs reprises, l’ambassadeur Léon Charles, lors de son intervention effectuée à la suite des propos du Ministre des affaires étrangères de la République Dominicaine, Roberto Alvarez.
La poursuite de la construction du canal a engendré la fermeture unilatérale, depuis le vendredi 15 septembre 2023, de la frontière du côté dominicain, la suspension de livraison des visas dominicains aux Haïtien.ne.s, entres autres mesures prises par les autorités dominicaines.
Comme annoncé, la République Dominicaine a décidé de rouvrir partiellement, le mercredi 11 octobre 2023, ses frontières avec Haïti, à des fins commerciales, alors que, du côté haïtien, la frontière demeure encore fermée.
Le gouvernement haïtien s’engage à travailler avec toutes les parties prenantes locales pour la réalisation des travaux du canal suivant les normes techniques, par les entités qui ont les compétences techniques et légales, pour le faire, indique Léon Charles.
Adopter des mesures concrètes pour une désescalade
La situation actuelle, caractérisée par la fermeture des frontières et la mobilisation de troupes dominicaines du côté dominicain, n’est profitable ni à la République Dominicaine ni à Haïti, met en garde l’ambassadeur haïtien, soulignant une urgente nécessité de calmer les esprits et de prendre des mesures concrètes pour une désescalade.
« Haïti en a assez des crises. Ce n’est pas le moment d’en alimenter d’autres avec notre voisin ».
Le gouvernement de facto en Haïti condamne la récente décision des autorités dominicaines d’agrandir le canal de la Vigia, avec l’intention, officiellement affirmée, de dévier complètement les eaux de la rivière Massacre, afin d’en priver les utilisatrices et utilisateurs haïtiens, rapporte l’ambassadeur.
Cette tentative de déviation est une violation flagrante du traité de paix, d’amitié et d’arbitrage du 20 février 1929, conclu entre les deux pays et qui prévoit les voies de résolution « claires et précises », rappelle-t-il.
L’ambassadeur permanent d’Haïti auprès de l’Oea appelle la République Dominicaine à reconnaitre le droit des deux pays d’utiliser, de manière juste et équitable, les ressources en eau partagée de la rivière.
« Le problème actuel concernant la rivière Massacre, sans sous-estimer les conséquences de sa gestion irrationnelle, paraît être un dossier mineur et une distraction par rapport aux grands défis communs, auxquels doivent faire face les deux pays ».
Tout en lançant un appel à la sérénité et à la poursuite des discussions entre Haïti et la République Dominicaine, Léon Charles réaffirme la volonté de l’équipe de facto au pouvoir en Haïti de continuer à travailler, afin d’arriver à une solution définitive au différend opposant les deux pays.
Le gouvernement dominicain continue d’exiger l’arrêt des travaux
Lors de son intervention, le ministre dominicain des affaires étrangères, Roberto Álvarez, a présenté ce qu’il qualifie de « risques » liés à la construction du canal, « qu’il juge illégal », dans la rivière Masacre.
Pour qu’un dialogue soit propice, Roberto Álvarez demande d’arrêter la construction du canal, en raison des lacunes techniques et des menaces de dommages environnementaux et naturels, dit-il.
Ce canal risque d’inonder l’usine binationale, la Compagnie de développement industriel (Codevi), située à environ 200 mètres du chantier, argue-t-il, sans convaincre.
Le ministre dominicain des affaires étrangères a renouvelé la volonté de la République Dominicaine de dialoguer et d’utiliser des voies diplomatiques, en vue d’un règlement du conflit.
Il est important de résoudre le conflit d’une manière qui profite aux deux parties et garantit le respect du droit et des traités internationaux, estime le secrétaire général de l’Oea, l’Uruguayen Luis Leonardo Almagro Lemes (secrétaire général de l’Oea depus 2015), qui intervenait par visio-conférence.
Luis Almagro a tenu à saluer la bonne volonté, manifestée par les deux gouvernements en acceptant la proposition de l’Oea visant à faciliter une résolution.
Il a proposé une rencontre entre les délégations de la République Dominicaine et d’Haïti, pour faciliter les discussions concernant la construction du canal sur la rivière Dajabón et envoyer une mission technique pour évaluer le projet. [emb rc apr 13/10/2023 12:15]