Ouanaminthe (Haïti), 10 oct. 2023 [AlterPresse] --- La Chambre de commerce, d’industrie et des professions du Nord-Est d’Haïti (Cci/Nord-Est) exprime son indignation après l’annonce faite par le gouvernement dominicain de la réouverture partielle de la frontière dominico-haïtienne pour le commerce de quelques produis agricoles.
« La République Dominicaine ne voit pas Haïti comme un partenaire commercial et tente de rabaisser le pays », déclare Albert Pierre-Paul Joseph, président de cette chambre régionale dans une interview accordée à la plateforme AlterPresse/AlterRadio.
La présidence dominicaine a annoncé l’établissement de corridors commerciaux provisoires, à compter du mercredi 11 octobre 2023, à 6:00 am (10:00 gmt), pour faciliter le commerce de produits dominicains essentiels, tels que la nourriture et les médicaments, en particulier pour les nourrissons.
Les produits électroniques et les matériaux de construction sont exclus du commerce avec Haïti, selon les dispositions annoncées dans les médias par le porte-parole de la présidence dominicaine, Homero Figueroa, précisant que le passage de personnes venant du territoire haïtien ne sera pas autorisé.
« L’attitude du président dominicain, Luis Abinader, demeure celle d’un chef d’État hégémonique, qui se croit président de toute l’île » que partagent Haïti et la République Dominicaine, s’insurge Albert Pierre-Paul Joseph.
Pour l’entrepreneur, les dirigeants dominicains jouent sur la conjoncture de crise en Haïti, où on assiste à « un effondrement total de l’État ».
Il se demande même si le gouvernement de facto en Haïti « n’est pas de mèche » avec celui de la république voisine, puisque les responsables haïtiens « n’opposent aucune véritable réplique proportionnelle » à leurs homologues dominicains.
La position du gouvernement de facto en Haïti est « dépassée »
Dans un communiqué publié le 9 octobre 2023, le gouvernement de facto en Haïti « félicite la population pour son calme, sa sérénité et son patriotisme face aux mesures disproportionnées prises par les autorités dominicaines ».
Il fait ainsi référence au canal en construction sur la rivière Massacre du côté d’Haïti, objet des protestations dominicaines et qui a amené à la fermeture unilatérale de la frontière par le gouvernement dominicain, le vendredi 15 septembre 2023.
« Le gouvernement continue de privilégier le dialogue » et souhaite « un dénouement convenable », permettant « le partage équitable des ressources hydriques, la normalisation des relations entre les deux pays et la circulation des personnes et des biens des deux côtés ».
« Ce communiqué du gouvernement de facto en Haïti ne cadre pas (avec la situation actuelle) et ne répond pas à l’ensemble des dispositions prises par la République Dominicaine », juge le président de la Cci/Nord-Est.
« Cette position est dépassée », estime-t-il, puisque pour les Dominicains, il n’est plus question du canal sur la rivière Massacre.
« Abinader s’est retiré de ce dossier », ajoute-t-il, et « c’est une victoire pour le peuple haïtien ».
Il rappelle combien le président dominicain avait menacé de maintenir la frontière avec Haïti fermée jusqu’à l’arrêt des travaux de construction du canal de Ouanaminthe.
Mais Abinader avait, analyse-t-il, minimisé les enjeux, pour les entrepreneurs de son pays, du marché haïtien qui génère annuellement pour eux entre 1,5 et 1,7 milliard de dollars américains (Ndlr : US $ 1.00 = + 140.00 gourdes ; 1 euro = 144.00 gourdes ; 1 dollar canadien = 100.00 gourdes ; 1 peso dominicain = 2.50 gourdes aujourd’hui).
Dimanche après-midi 8 octobre 2023, en prévision des nouvelles mesures dominicaines, plusieurs citoyennes et citoyens de Ouanaminthe ont tenté de verrouiller la barrière frontalière se trouvant du côté haïtien et de construire un mur pour s’opposer à une éventuelle réouverture des frontières.
Albert Pierre-Paul Joseph s’élève, par ailleurs, contre l’absence de consultations du gouvernement de facto en Haïti, avec les chambres de commerce départementales, pour adresser les défis posés par les mesures dominicaines.
Ces structures n’auraient pas été conviées à la rencontre du jeudi 5 octobre 2023, à Port-au-Prince, entre le gouvernement de facto et les importateurs et industriels produisant en Haïti, afin de trouver la meilleure formule pour répondre aux besoins immédiats de la population haïtienne, face à la crise haïtiano-dominicaine.
Le président de la Chambre de commerce, d’industrie et des professions du Nord-Est « dénonce cette tentative de réduire (une autre fois) le pays à la capitale Port-au-Prince », en ignorant les entrepreneurs qui investissent au niveau des départements. [gp apr 10/10/2023 00:20]