Ouanaminthe (Haïti), 09 oct. 2023 [AlterPresse] --- Plusieurs citoyennes et citoyens de Ouanaminthe (Nord-Est) condamnent le comportement d’agents de la Police frontalière (Polifront), qui ont fait usage de gaz lacrymogènes pour les disperser, au moment où ils s’apprêtaient, dans l’après-midi du dimanche 8 octobre 2023, à verrouiller la barrière frontalière se trouvant du côté haïtien et construire un mur pour s’opposer à une éventuelle réouverture des frontières, selon les informations rassemblées par l’agence en ligne AlterPresse.
Ce mouvement citoyen fait suite à la déclaration du président de la République Dominicaine, Luis Rodolfo Abinader Corona, de revenir en partie sur les décisions adoptées le 15 septembre 2023.
Abinader a souligné la possibilité d’assouplir les mesures contre Haïti, lorsque le canal La Vigía commencera à extraire l’eau de la rivière Massacre.
« Je voulais voir et confirmer que nous disposions de ce canal pour cette situation et que cela nous permet de commencer à devenir plus flexibles. Ces mesures concerneront uniquement le commerce, car la frontière restera totalement fermée à la migration », a déclaré Abinader lors d’une visite, le vendredi 6 octobre 2023, dans la zone frontalière, en particulier dans la province de Dajabón, frontalière avec Ouanaminthe.
Les déclarations du président dominicain soulèvent la colère des citoyennes et citoyennes impliqués dans la construction d’un canal à Ouanaminthe (Nord-Est, frontière commune avec Dajabòn) sur la rivière Massacre.
Des images et des vidéos, devenues virales sur les réseaux sociaux, montrent, dans l’après-midi du dimanche 8 octobre 2023, des citoyennes et citoyennes, en train d’échanger, dans une atmosphère tendue, avec des policiers qui les empêchaient de verrouiller la barrière et ériger le mur.
Ces citoyennes et citoyens, qui étaient plusieurs dizaines, avaient à leur tête l’ancien sénateur Wanique Pierre et le pasteur Moïse Joseph, ce dernier se présentant comme le coordonnateur des activités liées à la construction du canal à Ouanaminthe.
« Les Dominicains ont des pions dans notre pays. Si des policiers nationaux peuvent lancer des gaz lacrymogènes pour empêcher le verrouillage de la frontière, c’est extrêmement grave », denonce un protestataire à Ouanaminthe.
« La Police nationale d’Haïti (Pnh) n’a pas le droit de se mettre en face des Haïtiennes et Haïtiens, qui manifestent contre le président dominicain », estime, pour sa part, avec le drapeau haïtien pendu à son cou, le pasteur Moïse Joseph, qui y voit un acte de trahison grave.
« Abinader n’est pas le président de l’île. Il est le président des Dominicaines et Dominicains. Nous autres Haïtiennes et Haïtiens, nous entendons prendre en main le destin de notre pays. Mais, nos propres frères de la police nationale ne doivent pas nous en empêcher », dit-il.
De son coté, l’ancien sénateur Wanique Pierre, qui est sur une liste de personnalités haïtiennes sanctionnées par le président dominicain pour leur implication dans la construction du canal à Ouanaminthe, affirme « désapprouver la décision du président dominicain Luis Abinader, qui envisage de rouvrir les frontières pour seulement faciliter l’exportation des produits dominicains à destination de notre pays ».
« Nous avons résisté sans les produits dominicains. Nous allons continuer à pérenniser cette résistance. Nous n’avons aucunement besoin de l’importation de produits dominicains, parce que, de jour en jour, les Dominicains ne cessent de nous humilier ».
C’est pourquoi « nous allons verrouiller les barrières de la frontière du côté haïtien. Nous allons construire un mur au niveau de la frontière pour dire au gouvernement dominicain, oui nous avons faim en Haïti. Mais, nous entendons continuer la résistance face à leur produits pourris ».
« Nous n’avons aucun problème avec un vrai dialogue entre les deux gouvernements pour la reprise des relations. Mais toute ouverture des frontières, pour seulement faciliter la vente sur le marché haïtien des produits dominicains, est inacceptable », avertit Wanique Pierre, qui a eu une conversation plutôt tendue avec les agents de la Polifront, suivant des images en circulation sur les réseaux sociaux.
« Ils disent qu’ils entendent rouvrir la frontière seulement pour vendre leurs produits. Nous disons Non. Ce n’est pas ça une relation bilatérale entre deux pays », balance l’ancien parlementaire, qui ne jure que par la poursuite des travaux de la construction du canal à Ouanaminthe.
Le gouvernement de facto rencontre les importateurs et industriels locaux
Alors que le gouvernement dominicain envisage de rouvrir les frontières seulement pour le commerce des produits dominicains, le gouvernement de facto en Haïti s’est entretenu, le jeudi 5 octobre 2023, avec les importateurs et les industriels produisant en Haïti.
Cette réunion visait à trouver la meilleure formule pour répondre aux besoins immédiats de la population haïtienne, face à la crise haïtiano-dominicaine depuis la fermeture, de manière unilatérale, le vendredi 15 septembre 2023, de la frontière par la république voisine, selon une note du Ministère de la culture et de la communication (Mcc).
Les discussions ont porté sur la volonté du gouvernement de facto « de travailler, afin, d’une part, de diversifier nos partenaires commerciaux et, d’autre part, de réfléchir sur les besoins nécessaires, en vue d’augmenter la capacité de production des industries locales ».
Une proposition des hommes et femmes d’affaires devrait être présentée au gouvernement de facto en Haïti sur les meilleures stratégies à adopter pour faire face à la crise.
Entre-temps, ce lundi 9 octobre 2023, les frontières entre les deux pays sont toujours fermées.
Des migrantes et migrants haïtiens en République Dominicaine continuent de revenir volontairement en Haïti.
Le vendredi 15 septembre 2023, en signe de protestation contre la poursuite des travaux de construction à Ouanaminthe d’un canal sur la rivière Massacre, le président dominicain Luis Abinader a annoncé la fermeture de toute la frontière haïtienne-dominicaine (terrestre, maritime et aérienne.)
« Haïti réaffirme le droit souverain du peuple haïtien d’utiliser les ressources hydriques binationales, comme le fait la République Dominicaine, et revendique une répartition équitable des eaux de cette rivière », a déclaré, le vendredi 22 septembre 2023, le premier ministre de facto Ariel Henry à la tribune de la 78e Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies (Onu).. [ppsf emb rc apr 09/10/2023 13:50]
Photo : Capture d’écran
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