P-au-P., 09 oct. 2023 [AlterPresse] --- Le Bureau de suivi de l’accord du 30 août 2021 (Bsa), appelé accord de Montana, exprime ses doutes quant aux velléités de la mission multinationale, prévue pour être déployée en Haïti, de combattre la criminalité et de soulager la population, dans une note dont a pris connaissance l’agence en ligne AlterPresse.
A l’appui de son argumentation, le groupe Montana met en avant le fait que cette force multinationale accepte de collaborer avec un pouvoir de facto, « qui a précipité le démantèlement des institutions étatiques, aggravé le chaos et provoqué la désespérance de la population ».
« L’entêtement à soutenir à bras le corps un régime de facto honni, de connivence avec des gangs qui terrorisent la population, héritier d’un coup d’État sanglant, fortement suspecté de crimes contre l’humanité, entache de doutes légitimes, voire de suspicion, même les meilleures dispositions contenues dans la résolution ».
Le Bsa considère la résolution « inédite », adoptée le lundi 2 octobre 2023 par le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (Onu) pour le déploiement d’une force multinationale en Haïti, à la demande, le 7 octobre 2022, du gouvernement de facto, comme le résultat de tractations laborieuses et de compromis entre les puissances internationales ».
La mission multinationale doit fournir un appui opérationnel à la Police nationale d’Haïti (Pnh), notamment renforcer ses capacités par la planification et la conduite d’opérations communes d’appui à la sécurité, souligne la résolution 2699, votée le lundi 2 octobre 2023 par le Conseil de sécurité de l’Onu, en faveur du déploiement d’une Mission multinationale d’appui à la sécurité (Mmas) en Haïti sous le commandement du Kenya.
Elle s’emploiera « à lutter contre les bandes et à améliorer les conditions de sécurité dans le pays, où règnent enlèvements, violences sexuelles et fondées sur le genre, traite des personnes, trafic de migrants, contrebande d’armes, homicides, exécutions extrajudiciaires et recrutement d’enfants par des groupes armés et des réseaux criminels », selon la résolution adoptée avec 13 voix pour et deux abstentions (la Chine et la Fédération de Russie).
Ce vote, intervenu dans un contexte marqué par une grave criminalité en Haïti, est qualifié « d’historique » par plusieurs pays membres, alors qu’ un goût amer persiste à propos des diverses missions étrangères déployées dans le pays durant les dernières décennies.
Entre les 1er janvier et 9 septembre 2023, trois mille homicides, plus de 1,500 victimes d’enlèvements contre rançons et quelque 200 mille personnes déplacées, à cause des violences, ont été enregistrées en Haïti, selon un nouveau rapport des Nations unies.
Le titulaire de facto du Ministère haïtien des affaires étrangères et des cultes, Jean Victor Généus, a salué « un geste de solidarité des ambassadeurs pour leur soutien et pour avoir déposé la résolution historique ».
La résolution constitue une lueur d’espoir pour le peuple haïtien, qui a subi depuis trop longtemps les conséquences d’une crise à plusieurs volets, a-t-il ajouté.
Jeffrey DeLaurentis, représentant des États-Unis d’Amerique, a déclaré que le Conseil de sécurité de l’Onu a « fait l’histoire », en autorisant la Mission multinationale de soutien et en intensifiant ses efforts pour « créer une nouvelle façon de préserver la paix et la sécurité mondiales ».
« Le déploiement de cette mission aidera à répondre aux besoins critiques d’Haïti à court terme et à favoriser les conditions de sécurité nécessaires au pays, pour faire progresser la stabilité à long terme ».
Les représentants de la Russie et de la Chine, qui se sont abstenus, ont expliqué leur position par le fait que le texte ne prend pas en compte leurs préoccupations, insistant notamment sur le fait que la mission ne doit pas empiéter sur la souveraineté du pays.
Le groupe Montana indique avoir toujours dénoncé « la volonté de certains acteurs locaux et internationaux de bloquer la démarche de reconquête de notre souveraineté et de notre dignité de peuple ».
Il continue de plaider en faveur de l’avènement préliminaire d’un gouvernement de sauvetage national, issu d’un consensus suffisant et « formé de personnalités honnêtes, crédibles, compétentes, non partisanes, jouissant de la confiance de la population, capables de mobiliser la réserve inépuisable d’énergie patriotique et civique du peuple haïtien, pour le relèvement du pays et de la société ».
La criminalité pour se maintenir au pouvoir
La criminalité, « dans cette forme invivable, aggravée », constitue une construction politique permettant aux dirigeants actuels de perdurer au pouvoir et de prévenir toute velléité de la population d’exprimer ses revendications, fait remarquer le groupe Montana, se référant aux massacres, assassinats, crimes de toutes sortes et à l’impunité de ce pouvoir de facto.
L’équipe au pouvoir, qui demeure inactive face à la descente aux enfers du pays, ne jouit d’aucune crédibilité pour engager l’avenir de la Nation, critique-t-il, tout en réitérant sa position fondée sur la recherche d’une solution haïtienne à la crise multidimensionnelle que subit le pays.
« Ce pouvoir en place ne pourra jamais se déprendre de ses accointances traditionnelles, en vue de neutraliser les gangs de toute obédience, traquer leurs fournisseurs locaux et internationaux de tous bords, rassurer les acteurs politiques et conduire le pays vers des réformes préalables à des élections non contestées ».
Le groupe Montana déplore le fait qu’« aucune sanction, prise par l’internationale contre des membres du pouvoir en place ou des membres des secteurs économiques, politiques ou de groupes armés, n’a fait l’objet de poursuites judiciaires sur le plan national ».
« La fin de l’impunité, que suppose le divorce de l’appareil d’État, du personnel politique, des institutions d’avec ce secteur mafieux, constitue le préalable indispensable à la réussite de toute entreprise tendant sérieusement à sortir Haïti du chaos ». [emb rc apr 09/10/2023 11:10]