Par Gotson Pierre
P-au-P., 6 oct. 2023 [AlterPresse] --- Gant de velours, main de fer. Un coup politique inattendu. Au palais national, face aux journalistes, Mirlande Manigat, présidente du Haut conseil de la transition (Hct), met le premier ministre de facto Ariel Henry et son gouvernement dos au mur.
Évidemment la lecture au premier degré des images et des paroles d’une conférence de presse convoquée par le chef de gouvernement, le 4 octobre dernier, n’amènerait pas à une telle conclusion. Il faut prendre le temps du décryptage pour ne pas rater ce qui semble le principal.
La présidente du Hct, longtemps marginalisée, est invitée par Ariel Henry à « dire ce que nous pensons », un peu plus de 24 heures après le feu vert du Conseil de sécurité au déploiement d’une force internationale en Haïti pour faire face aux gangs.
Elle vient d’assister au Conseil des ministres spécial du jour. Mais elle préfère porter le chapeau de « citoyenne, actrice politique, mère (et) grand-mère ». « Vous avez la résolution et vous savez ce qu’il y a là-dedans », justifie-t-elle.
Empathique, elle évite de jouer au professeur et affiche la bienveillance et l’émotion de grand-mère (pour ratisser large ?), tout en portant un discours éminemment politique.
Elle confie sa tristesse à l’issue de 3 jours de siège de Marin en Plaine (périphérie nord), où elle habite, par les gangs. Autrement dit, elle ne serait pas mieux protégée que le reste de cette communauté. Elle constate : incendie de maisons, assassinat de personnes, viols de femmes, désarroi de mères déplacées accompagnées d’enfants...
Les affrontements entre gangs rivaux à partir du mercredi 27 septembre 2023 plongent la Plaine dans le chaos et la désolation, à l’image de plusieurs autres secteurs de la capitale.
« Le pays va mal », assène-t-elle, alors qu’Ariel Henry, par moment, baisse la tête. « C’est de notre faute si le Conseil de sécurité adopte une telle résolution », certainement très attendue par le premier ministre de facto.
Elle appelle à « faire quelque chose » pour changer la situation.
Le point d’orgue, c’est lorsque la présidente du Hct amorce la conclusion de son intervention en dénonçant de manière à peine voilée le peu de considération accordée à cet organe par le gouvernement, environ huit mois après son installation.
« Hct a gen yon kote yo ba l pou l lonje pou l pa peri ! » Autrement dit, à ce jour, le Hct ne dispose que d’un abri de fortune, qui ne saurait être un « vrai siège ».
Pourquoi doit-elle aujourd’hui servir de porte-parole du pouvoir, s’interroge probablement l’actrice politique, à la veille peut-être d’une évolution de la conjoncture ?
Estime-t-elle qu’aujourd’hui Ariel Henry aurait absolument besoin du Hct ?
Dans sa résolution, le Conseil de sécurité de l’Onu « exhorte les autorités haïtiennes et les autres parties prenantes » à « parvenir le plus rapidement possible à un compromis permettant de dégager le consensus le plus large possible ».
Un nouveau rôle « possible » pour le Hct maintenu jusqu’à présent comme un paravent ?
Contrairement à Manigat, pourquoi Ariel Henry parait-il quelque peu déstabilisé, au point de se tromper sur la date du vote de la résolution du Conseil de sécurité ? « 3 octobre », dit-il, avant de se reprendre grâce à un de ses ministres.
Quelques secondes plus tard, il parle de « force » au lieu de Mission multinationale d’appui à la sécurité, autorisée par la résolution. Un peu gêné, il trouve nécessaire de s’excuser du « vocabulaire ».
Ariel Henry, serait-il sous pression ? [gp apr 06/10/2023 14 :00]