Extrait de la résolution 2699, votée le lundi 2 octobre 2023 par le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (Onu), en faveur du déploiement d’une Mission multinationale d’appui à la sécurité (Mmas) en Haïti sous le commandement du Kenya
Repris par AlterPresse [1]
Le Conseil de sécurité,
(…)
1 . Autorise les États Membres qui ont informé le Secrétaire général de leur participation à constituer et à déployer, dans le strict respect du droit international, notamment du droit international des droits de l’homme, une mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS), dont un pays prendra la tête, en coopération et coordination étroites avec le Gouvernement haïtien, pour une période initiale de douze mois à compter de l’adoption de la présente résolution, autorisation qu’il réexaminera neuf mois après l’adoption de la présente résolution, étant entendu que l’exécution de cette opération temporaire sera financée au moyen des contributions volontaires des États Membres et des organisations régionales et avec leur appui, en vue de soutenir l’action menée par la Police nationale d’Haïti pour rétablir la sécurité en Haïti et créer les conditions de sécurité propices à la tenue d’élections libres et régulières et, à cette fin, de :
a) fournir un appui opérationnel à la Police nationale d’Haïti, notamment renforcer ses capacités par la planification et la conduite d’opérations communes d’appui à la sécurité, alors que celle-ci s’emploie à lutter contre les bandes et à améliorer les conditions de sécurité dans le pays, où règnent enlèvements, violences sexuelles et fondées sur le genre, traite des personnes, trafic de migrants, contrebande d’armes, homicides, exécutions extrajudiciaires et recrutement d’enfants par des groupes armés et des réseaux criminels ;
b) fournir un appui à la Police nationale d’Haïti pour que soit assurée la sécurité des infrastructures critiques et des lieux de transit comme l’aéroport, les ports, les écoles, les hôpitaux et les principaux points d’intersection ;
2 . Demande à la Mission multinationale d’appui à la sécurité de contribuer, dans le cadre de l’appui qu’elle apporte à la Police nationale d’Haïti conformément au paragraphe 1, à permettre aux personnes qui reçoivent une assistance d’accéder, sans entrave et en toute sécurité, à l’aide humanitaire ;
3 . Décide que, pour prévenir les pertes en vies humaines, la Mission multinationale d’appui à la sécurité peut, comme l’a demandé Haïti dans sa lettre datée du 22 septembre 2023, en coordination avec la Police nationale d’Haïti, adopter à titre exceptionnel, dans les limites de ses capacités et de ses zones de déploiement, des mesures temporaires d’urgence de portée limitée, assorties de délais, proportionnelles et compatibles avec les objectifs énoncés au paragraphe 1 ci-dessus, pour aider la Police nationale d’Haïti à maintenir l’ordre public et la sécurité publique, y compris en procédant si nécessaire à des arrestations et à des mises en détention, dans le strict respect du droit international, notamment du droit international des droits de l’homme, et prie les responsables de la Mission de l’informer de toute mesure qui pourrait être prise à ce titre ;
4 . Demande aux États Membres et aux organisations régionales de fournir d’urgence du personnel, du matériel et les moyens financiers et logistiques nécessaires à la Mission multinationale d’appui à la sécurité, compte tenu de ses besoins les plus pressants, et invite ceux qui voudraient apporter leur contribution à informer par écrit les responsables de la Mission et le Secrétaire général de leur intention de participer à la Mission et à l’en informer par écrit lui aussi, et prie Haïti et les responsables de la Mission de l’informer régulièrement, ainsi que le Secrétaire général, des progrès réalisés dans le déploiement du personnel et du matériel ;
5 . Autorise les États Membres qui participent à la Mission multinationale d’appui à la sécurité en Haïti à prendre toutes les mesures nécessaires à l’exécution de son mandat, dans le strict respect de l’ensemble des dispositions du droit international, notamment du droit international des droits de l’homme, selon qu’il convient ;
6 . Demande à la Mission multinationale d’appui à la sécurité de prendre pleinement en compte, dans tous les aspects de son mandat et lors de la planification et de la conduite de toutes ses opérations, la question transversale que constitue la protection de l’enfance et des autres groupes vulnérables ;
7 . Demande aux États Membres qui participent à la Mission multinationale d’appui à la sécurité en Haïti de prévoir des compétences spécialisées dans les domaines de la lutte antigang, de la police de proximité, de la protection des enfants et des femmes et de la prévention et de la répression des violences sexuelles et fondées sur la genre selon une approche centrée sur les victimes, de prendre les mesures permettant d’assurer une bonne conduite et la discipline et de prévenir l’exploitation et les atteintes sexuelles, notamment en vérifiant les antécédents de tous les membres du personnel et en prenant les autres précautions d’usage lors du recrutement, en encourageant la représentation des femmes à tous les niveaux de la Mission et en dispensant des formations de sensibilisation aux droits humains, à la protection de l’enfance et aux violences sexuelles et fondées sur le genre avant et pendant le déploiement, de repérer les incidents qui se produisent et, lorsqu’ils sont le fait des membres de leur personnel, de veiller à ce que priorité soit donnée aux victimes et rescapés et à leur sécurité, notamment en mettant en place des mécanismes de plainte sécurisés et accessibles et en diligentant promptement des enquêtes sur toutes allégations de faute, d’amener les auteurs de fautes à en répondre et de rapatrier les unités lorsqu’il existe des preuves crédibles de leur mauvaise conduite, notamment si elles ont commis des actes d’exploitation ou des atteintes sexuelles de manière généralisée ou systématique ;
8 . Demande aux responsables de la Mission multinationale d’appui à la sécurité de lui communiquer, en coordination avec le Gouvernement haïtien et les États Membres participant à la Mission, avant le déploiement complet de la Mission, des informations concernant notamment le concept des opérations élaboré en consultation et en coopération avec le Gouvernement haïtien et les États Membres participant à la Mission, le calendrier du déploiement, les buts de la mission et le résultat final recherché, les règles d’engagement, une estimation du montant des ressources à financer au moyen de contributions volontaires et l’effectif qu’il est prévu de déployer ;
9 . Rappelle que les règles d’engagement et toute directive sur l’emploi de la force doivent être établies par les responsables de la Mission multinationale d’appui à la sécurité en consultation avec Haïti et les autres États Membres participant à la Mission et qu’elles doivent pleinement respecter la souveraineté d’Haïti et être strictement conformes au droit international, notamment au droit international des droits de l’homme, selon qu’il convient ;
10 . Prie les États Membres participant à la Mission multinationale d’appui à la sécurité en Haïti d’appliquer les normes les plus élevées de transparence, de déontologie et de discipline à leurs contingents affectés à la Mission et d’établir un cadre réglementaire solide pour prévenir toute violation des droits humains ou atteinte à ces droits en rapport avec la Mission, enquêter, prendre des sanctions ou rendre compte à ce sujet ;
11 . Demande à la Mission multinationale d’appui à la sécurité de mettre en place un mécanisme de contrôle visant à prévenir les violations des droits humains et les atteintes à ces droits, en particulier l’exploitation et les atteintes sexuelles, et à veiller à ce que la planification et la conduite des opérations pendant le déploiement soient conformes au droit international applicable ;
12 . Prie les États Membres qui participent à la Mission multinationale d’appui à la sécurité en Haïti de prendre les mesures de gestion des eaux usées et de protection de l’environnement qui s’imposent pour éviter l’apparition et la propagation de maladies transmises par l’eau, conformément au document publié en 2001 par l’Organisation mondiale de la Santé et intitulé « Water Quality. Guidelines, Standards and Health : Assessment of risk and risk management for water-related infectious disease » (Qualité de l’eau. Lignes directrices, normes et santé : évaluation et gestion des risques liés aux maladies infectieuses transmises par l’eau), en coopération avec les autorités haïtiennes, auxquelles il incombe également de prévenir les maladies transmises par l’eau ;
13 . Prie la Mission multinationale d’appui à la sécurité de coopérer avec le BINUH et les organismes compétents des Nations Unies, dont notamment l’ONUDC et le Haut-Commissariat aux droits de l’homme, afin d’aider la Police nationale d’Haïti à rétablir la sécurité dans le pays et notamment à combattre le trafic et le détournement d’armes et de matériels connexes et à améliorer la gestion et le contrôle des frontières et des ports ;
14 . Décide de remplacer le paragraphe 11 de la résolution 2653 (2022) par ce qui suit :
« Décide que tous les États Membres doivent, pour une période initiale d’un an à compter de l’adoption de la présente résolution, prendre les mesures nécessaires pour empêcher la fourniture, la vente ou le transfert directs ou indirects à Haïti, à partir de leur territoire ou à travers leur territoire ou par leurs ressortissants, ou au moyen de navires battant leur pavillon ou d’aéronefs immatriculés chez eux, d’armes légères et de petit calibre et de leurs munitions, et décide également que cette mesure ne s’applique pas :
a . À la fourniture, à la vente ou au transfert d’armes légères et de petit calibre et de leurs munitions à l’Organisation des Nations Unies, à toute mission autorisée par l’Organisation des Nations Unies et aux unités de sécurité opérant sous le commandement du Gouvernement haïtien, dès lors qu’elles sont destinées à être utilisées par ces entités ou en coordination avec elles et dans le seul but de promouvoir les objectifs de paix et de stabilité en Haïti ;
b . À la fourniture, à la vente ou au transfert d’armes légères et de petit calibre et de leurs munitions à Haïti ayant été autorisés au préalable par le Comité créé par la résolution 2653 (2022) afin de favoriser les objectifs de paix et de stabilité en Haïti ; »
15 . Demande à toutes les parties présentes en Haïti de coopérer pleinement avec la Mission multinationale d’appui à la sécurité dans l’exécution de son mandat et de respecter la sécurité et la liberté de circulation de la Mission ;
16 . Prie le Secrétaire général de créer un fonds d’affectation spéciale pour que des contributions volontaires puissent être versées à la Mission multinationale d’appui à la sécurité afin de permettre la bonne exécution du mandat ;
17 . Déclare que le Secrétaire général peut fournir à la Mission des moyens d’appui logistique, lorsque la Mission et ses donateurs en font la demande, dans le plein respect de la politique de diligence voulue en matière de droits de l’homme en cas d’appui de l’ONU à des forces de sécurité non onusiennes, à condition que ces moyens soient remboursés en intégralité à l’Organisation des Nations Unies à l’aide des contributions volontaires disponibles ;
18 . Prie les responsables de la Mission multinationale d’appui à la sécurité d’appliquer les normes de transparence et de déontologie les plus strictes et, une fois que la Mission sera opérationnelle sur le terrain, à l’occasion des rapports que le Secrétaire général lui fera régulièrement, de rendre compte tous les trois mois de l’exécution de la présente résolution, notamment de la composition de la Mission, des mesures prises pour assurer une bonne conduite et la discipline et prévenir l’exploitation et les atteintes sexuelles et des enquêtes menées en cas d’allégations de faute et d’emploi excessif de la force ;
19 . Prie le Secrétaire général de lui présenter, à l’occasion des rapports qu’il lui fera régulièrement et au plus tard neuf fois après l’adoption de la présente résolution, des recommandations concernant une éventuelle adaptation du mandat de la Mission ou, si nécessaire, sa transformation ;
20 . Prie les responsables de la Mission multinationale d’appui à la sécurité d’élaborer une stratégie en vue de l’achèvement et du retrait de la Mission et de faire figurer des informations à ce sujet dans les rapports qui lui seront régulièrement présentés ;
21 . Souligne que les États Membres, les organes, organismes et institutions des Nations Unies et d’autres organisations internationales, dont les institutions financières internationales, doivent redoubler d’efforts pour favoriser le développement institutionnel, social et économique d’Haïti, en particulier à long terme, afin que le pays puisse retrouver et conserver sa stabilité et faire reculer la pauvreté ;
22 . Exhorte les autorités haïtiennes et les autres parties prenantes à coopérer pleinement avec la CARICOM et le BINUH dans l’exercice de leurs bons offices afin de parvenir le plus rapidement possible à un compromis permettant de dégager le consensus le plus large possible ;
23 . Décide de rester saisi de la question.
[1] Source : https://press.un.org/fr/2023/cs15432.doc.htm