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Haiti : Violence, impunité flagrante et non-respect de la légalité

Resumé d’un rapport publié par Amnesty International le 28 juillet 2005

Repris par AlterPresse le 30 juillet 2005

Les graves violences, l’impunité flagrante et le non-respect de la légalité restent généralisés en Haïti. Malgré la présence d’une force de maintien de la paix, la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH), peu de progrès tangibles ont été réalisés en matière de protection des droits humains depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement de transition début mars 2004, ainsi que dans l’année qui s’est écoulée depuis l’arrivée de la MINUSTAH dans le pays.

La prolifération des armes a exacerbé la crise politique et le désarmement est devenu le principal problème dans le pays, et le plus urgent.

La consolidation de la paix, de la sécurité et de l’état de droit dépendra du succès du désarmement, de la démobilisation et de la réinsertion (DDR) de tous les groupes armés. Depuis que le gouvernement de transition a pris ses fonctions début mars 2004, aucun effort sérieux n’a été fait pour s’attaquer au problème du désarmement, malgré une forte augmentation de la violence et des décès par armes à feu. Les activités criminelles des bandes armées restent généralisées. Le gouvernement de transition semble de plus en plus clément à l’égard des anciens militaires et des autres groupes illégaux liés à l’ancienne opposition, tandis qu’il poursuit avec acharnement les factions soupçonnées de soutenir l’ancien président Jean-Bertrand Aristide. Les activités de la MINUSTAH ont aussi été entravées par l’inertie politique du gouvernement de transition face aux groupes armés. Les autorités transitoires n’ont notamment pas empêchés ces groupes de s’engager dans des activités illégales ni de commettre des atteintes aux droits humains - homicides arbitraires, arrestations et détentions de prisonniers extralégales, actes d’intimidation contre la population et menaces de renversement du gouvernement de transition.

Les policiers ne sont pas assez nombreux, sont mal équipés et ne sont pas suffisamment formés, malgré les efforts soutenus de la communauté internationale pour favoriser la formation et la professionnalisation des forces de police depuis leur création en 1995. Les policiers haïtiens violent régulièrement les normes internationales réglementant le recours à la force meurtrière. Amnesty International estime qu’il existe un manque de volonté politique, de ressources et de mécanismes pour déterminer si les policiers sont responsables de violations des droits humains. Malgré les engagements pris par le Premier ministre du gouvernement de transition, Gérard Latortue, aucune commission d’enquête indépendante n’a été créée pour enquêter sur les violences policières. L’administration de la justice pénale en Haïti fonctionne toujours très mal. L’indépendance et l’impartialité du pouvoir judiciaire ont été mises à rude épreuve, en particulier dans les nombreuses affaires à caractère politique. La détention de longue durée et la détention préventive restent la règle, et non une exception. De ce fait, les prisons sont surpeuplées et remplies de détenus arrêtés arbitrairement et incarcérés pendant de longues périodes sans pouvoir contester la légalité de leur détention.

La MINUSTAH est partagée entre la protection des civils et le soutien qu’elle doit apporter à la Police nationale d’Haïti. Ce double rôle représente l’un des principaux sujets de préoccupation concernant la réalisation de son mandat. En outre, du fait de l’absence de rapports publics réguliers et exhaustifs, il a été difficile de savoir quelles mesures avaient été prises pour préserver et promouvoir les droits humains.

La violence contre les femmes est particulièrement répandue en l’absence d’état de droit. Les femmes sont victimes de violences aveugles dans les quartiers pauvres de la capitale, ainsi que de campagnes de terreur utilisant le viol, le meurtre, les incendies criminels et les pillages. Par ailleurs, une grande proportion des violations des droits humains commises contre des enfants, en particulier la torture et les homicides illégaux, sont commises par des policiers dans le cadre d’opérations prétendument destinées à lutter contre la criminalité.

Amnesty International est gravement préoccupée par l’indifférence à l’égard de la vie et de l’intégrité physique des personnes qui prévaut en Haïti. Elle appelle le gouvernement de transition et la MINUSTAH à mener des enquêtes indépendantes et exhaustives sur toutes les atteintes aux droits humains. L’organisation déplore que le gouvernement de transition n’ait fait aucun effort sérieux pour travailler avec la MINUSTAH à la mise en place d’un véritable programme de désarmement, de démobilisation et de réinsertion, une étape essentielle pour rétablir l’état de droit dans le pays.