Ouanaminthe (Haïti), 28 sept. 2023 [AlterPresse] --- Le gouvernement dominicain déclare rester ouvert au dialogue avec les autorités haïtiennes à la seule condition que celles-ci décident d’arrêter la construction du canal sur la rivière Massacre à Ouanaminthe (Nord-Est), frontière commune avec Dajabòn, dans un communiqué en date du jeudi 28 septembre 2023 dont a pris connaissance l’agence en ligne AlterPresse.
Ce communiqué du Ministère des affaires étrangères de la République Dominicaine serait une réponse à celui du secrétaire général de l’Organisation des États américains (Oea), Luis Almagro, qui a appelé au dialogue face au différend avec Haïti au sujet de la construction d’un canal sur la rivière Massacre, jugée « unilatérale « et « illégale » par les autorités dominicaines.
Le dialogue est le mécanisme idéal pour résoudre tout différend, reconnait la République Dominicaine affirmant qu’« un dialogue efficace exige que les deux parties possèdent non seulement la bonne foi, mais aussi les capacités institutionnelles nécessaires et un contrôle effectif de leur territoire pour appliquer les solutions convenues ».
Les autorités dominicaines appellent l’Oea, par l’intermédiaire du secrétaire général, à user, de toute urgence, de ses bons offices, conformément au mandat établi dans sa charte, et en particulier dans son article 2, dans le but d’assurer une solution pacifique à la situation actuelle et empêcher une nouvelle détérioration des relations entre les deux pays.
Le gouvernement dominicain demande aussi au secrétaire général de l’Oea de visiter d’urgence la zone en question, de recueillir les informations pertinentes et de soumettre un rapport détaillé au Conseil permanent de l’Oea, pour son édification sur cette situation.
La Constitution dominicaine énonce que le territoire de la République Dominicaine est inaliénable, rappelle le ministère dominicain des affaires étrangères.
« Les rivières et autres cours d’eau ; la mer territoriale, le fond et le sous-sol marins ; l’espace aérien et le spectre électromagnétique constituent le territoire national. (…) Ainsi, le fleuve Dajabón qui a son embouchure qui prend sa source sur le territoire national, est-il inaliénable », insiste-t-il.
« Cette condition implique que son propriétaire, le peuple dominicain, ne peut en aucun cas se priver ou être privé de son usage ».
La construction unilatérale d’un canal de transfert, ayant la capacité de détourner le cours d’eau de son canal naturel, entraînerait la possible extinction du débit du fleuve en aval jusqu’à son embouchure, continue le communiqué.
Tout en soulignant la responsabilité des autorités dominicaines de garantir l’utilisation durable et la protection des rivières frontalières, le Ministère des affaires étrangères de la République Dominicaine estime donc nécessaire que l’homologue haïtien « arrête immédiatement la construction unilatérale et illégale du canal de transfert relié à la rivière Dajabón-Massacre, jusqu’aux études qui déterminent la portée, l’impact et les bénéficiaires des travaux ».
Le gouvernement haïtien aurait dû fournir, au moment opportun, les informations relatives aux études d’impact cartographiques, topographiques, géologiques, géotechniques, hydrologiques ou environnementales nécessaires pour pouvoir évaluer les bénéfices et les risques du projet, argue-t-il.
Depuis plusieurs semaines, la construction d’un canal sur la rivière Massacre continue de défrayer la chronique en Haïti, en République Dominicaine et même dans des réunions de haut niveau à l’échelle internationale.
Le mercredi 20 septembre 2023, à la Tribune de la 78e assemblée générale de l’Onu, le président de la République Dominicaine, Luis Rodolfo Abinader Corona, avait qualifié « d‘illégale » la construction du canal sur la rivière Massacre.
« Haïti réaffirme le droit souverain du peuple haïtien d’utiliser les ressources hydriques binationales, comme le fait la République Dominicaine, et revendique une répartition équitable des eaux de cette rivière (Massacre), a déclaré, pour sa part, le premier ministre de facto Ariel Henry, à cette tribune de l’Onu, le vendredi 22 septembre 2023.
Il intervenait sur la crise diplomatique qui affecte les relations entre Haïti et la République Dominicaine, depuis le lancement des travaux de construction (coté haïtien) d’un canal sur la rivière Massacre (Nord-Est).
Pour répondre à la position ferme des agricultrices et agriculteurs haïtiens, appuyés du moins officiellement par l’État haïtien, d’utiliser les eaux de la rivière Massacre pour l’arrosage de terres dans la plaine de Maribahoux, les autorités dominicaines ont remis en service le canal de la Vigie, situé sur la rive droite de la rivière Massacre.
Le canal de la Vigie, nouvelle consécration de l’hydro-hégémonie dominicaine
La remise en service du canal de la Vigie, situé sur la rive droite de la rivière, par la République Dominicaine constitue un risque d’escalade. Elle ne contribuera nullement à une résolution pacifique rapide du conflit, a prévenu, dans un document soumis à AlterPresse, l’enseignant-chercheur et vice-recteur à la recherche à l’Université publique du Nord-Est à Fort-Liberté (Upnef), Maismy-Mary Fleurant.
« Sa construction révèle une vision hégémonique et exclusiviste de l’utilisation d’une ressource en eau partagée »
Ce nouvel ouvrage a été entrepris par les autorités dominicaines sans consultation et sans notification préalable à l’État haïtien, explique Maismy-Mary Fleurant. [mff emb rc apr 28/09/2023 14:10]
Crédit photo : Jéthro Claudel Pierre Jeanty