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23 septembre 2013 - 23 septembre 2023, 10 ans depuis l’Arrêt TC/168-13 en République Dominicaine

Haïti-R.D. : Amnesty international appelle les autorités dominicaines à garantir le droit à la nationalité aux personnes d’ascendance haïtienne

P-au-P., 22 sept. 2023 [AlterPresse] --- L’organisation Amnesty international demande à la République Dominicaine de garantir le droit à la nationalité aux personnes d’ascendance haïtienne, à l’occasion du 10e anniversaire de l’Arrêt TC/168-13 [1] du tribunal constitutionnel dominicain, qui avait dénationalisé des dizaines de milliers de personnes d’ascendance haïtienne, dans une note dont a pris connaissance l’agence en ligne AlterPresse.

En plus de différentes organisations internationales, la Commission interaméricaine des droits humains (Cidh) avait dénoncé les effets discriminatoires de la sentence 168-13.

10 ans après, Amnesty international appelle la République Dominicaine à « mettre un terme au racisme structurel, qui touche, de manière disproportionnée, des dizaines de milliers de personnes d’ascendance haïtienne, victimes de la politique raciste et discriminatoire qui leur est imposée de longue date par l’État dominicain ».

Amnesty International exhorte de nouveau l’État dominicain « à rétablir la nationalité dominicaine de toutes les personnes nées en République Dominicaine avant le 26 janvier 2010, indépendamment de la situation de leurs parents, au regard de la législation en matière d’immigration ».

L’organisation internationale de droits humains invite le gouvernement dominicain « à prendre toutes les mesures nécessaires, pour veiller à ce qu’aucune personne née dans le pays (République Dominicaine) ne se retrouve apatride ».

« Dix ans après cette décision absolument rétrograde, les autorités dominicaines n’ont pris presque aucune mesure pour remédier à ses effets néfastes et reconnaître les droits des milliers de personnes touchées », a déclaré Ana Piquer, directrice pour les Amériques à Amnesty International.

Ni le système de racisme structurel ni la politique de déchéance de nationalité, imposée aux personnes dominicaines d’ascendance haïtienne, n’ont été démantelés par les autorités dominicaines, déplore-t-elle.

Le droit à la nationalité des personnes d’ascendance haïtienne continue d’être bafoué par la République Dominicaine, qui recourt « à un discours stigmatisant, des pratiques administratives, des modifications juridiques, des décisions de justice et la force publique, pour persécuter, décourager et expulser des personnes haïtiennes et des personnes dominicaines d’ascendance haïtienne », dénonce Amnesty International.

La directrice pour les Amériques à Amnesty International, Ana Piquer, y voit une mesure de discrimination à caractère raciste.

Elle fustige l’État dominicain, qui « a continué d’imposer des procédures d’exclusion, fondées sur l’origine ethnique et sur l’ascendance réelle ou perçue ».

Survol historique des dispositions juridiques en territoire voisin touchant les personnes d’ascendance haïtienne

Depuis les années 1990 au moins, les fonctionnaires de l’état civil en République Dominicaine compliquent la déclaration des naissances d’enfants de personnes migrantes en situation irrégulière, souligne Amnesty international.

« En 2004, l’État dominicain a légalisé cette pratique, qui était jusque-là contraire à la loi, par une réforme de sa législation relative à l’immigration. En 2010, une réforme constitutionnelle, mettant un terme à l’octroi automatique de la nationalité aux personnes nées en République Dominicaine et dont les parents sont en situation irrégulière, est entrée en vigueur ».

Toute personne, née sur le territoire dominicain (jus soli), obtenait la nationalité, à quelques rares exceptions près, prévoyait jusque-là la Constitution dominicaine.

Depuis la modification de la Constitution de la République Dominicaine en 2010, les personnes nées sur le territoire dominicain et dont les parents sont en situation irrégulière n’obtiennent plus la nationalité dominicaine.

La réforme constitutionnelle de 2010 a été interprétée par la décision 168-13, adoptée le 23 septembre 2013 par le tribunal constitutionnel dominicain, qui a officialisé la déchéance de nationalité des enfants de personnes migrantes en situation irrégulière et privé des milliers de personnes dominicaines d’ascendance haïtienne de leur nationalité, les laissant apatrides, explique Amnesty international.

A travers une interprétation rétroactive de cette réforme, le tribunal constitutionnel dominicain a imposé l’application des dispositions de la réforme aux personnes nées de 1929 à 2010 sur le territoire dominicain.

Après la décision 168-13, les autorités administratives ont procédé à l’annulation massive d’actes de naissance et de documents d’identité.

La décision du tribunal constitutionnel dominicain a été sévèrement critiquée par beaucoup de militantes et militants ainsi que plusieurs organisations de défense des droits humains de République Dominicaine, par la communauté internationale et par des organes de défense des droits humains.

La Cour interaméricaine des droits humains a condamné, à deux reprises, la République Dominicaine, en raison de la déchéance arbitraire de nationalité imposée à des personnes dominicaines d’ascendance haïtienne.

Cette disposition judiciaire « bafouait les obligations de la République Dominicaine au titre de la Convention américaine relative aux droits humains ...Elle devait être déclarée sans effet juridique », a conclu, en 2014, la Cour interaméricaine des droits humains, citée par l’organisation Amnesty international. [emb rc apr 22/09/2023 12:00]


[1Le 23 septembre 2013, la Cour constitutionnelle dominicaine décide de dénationaliser toutes les Dominicaines et tous les Dominicains d’origine étrangère, nés sur le sol dominicain à partir de 1929.