P-au-P, 21 sept. 2023 [AlterPresse] --- Le gouvernement de facto en Haïti affiche une posture « molle » et « insuffisante », dans la crise découlant des travaux de construction à Ouanaminthe (Nord-Est d’Haïti, sur la frontière commune avec Dajabón) d’un canal sur la rivière Massacre, critique l’ancien ambassadeur d’Haïti en République Dominicaine, Smith Augustin (août 2020 à mai 2022), dans une interview accordée à la plateforme AlterPresse/AlterRadio.
Seulement trois actes pour le moins insuffisants ont été posés par le gouvernement de facto en Haïtien dans ce dossier, relève Smith Augustin.
Il s’agit, d’abord de la rencontre inaboutie entre une délégation haïtienne avec des représentants de la République Dominicaine, ensuite de la note du gouvernement de facto prenant acte de la fermeture des frontières et de celle relative à la convocation de l’ambassadeur dominicain en Haïti, Farouk Miguel Castillo, énumère le diplomate.
A côté de ces trois actes, le gouvernement de facto en Haïti garde plutôt une posture « molle » jugée « insuffisante » dans cette crise qui perdure entre les deux pays de l’Ile.
Le gouvernement de facto en Haïti n’a fait aucune réaction sur la position des autorités dominicaines, selon lesquelles ce serait des instances privées qui s’engagent dans la construction du Canal sur la rivière Massacre, souligne le spécialiste en relations haïtiano-dominicaines.
Il n’ a eu « jamais une déclaration sur la prise en charge des travaux », déplore-t-il.
La ville de Ouanaminthe est considérée comme un nouveau territoire perdu, comme c’est le cas d’autres espaces du territoire haïtien contrôlés par des gangs armés, à cause de cette absence de positions claires et responsables du gouvernement de facto en Haïti sur la construction du canal, compare le diplomate, tout en se demandant sur quoi vont dialoguer les autorités haïtiennes avec leurs homologues dominicains.
Il signale un manque d’information et d’implication des autorités haïtiennes dans le dossier.
« Le fait pour le gouvernement dominicain de fermer, de manière arbitraire, ses frontières avec Haïti, en pleine négociation avec les émissaires haïtiens, constitue un affront et une gifle. Le gouvernement en Haïti devrait faire preuve de plus de fermeté face à cela. Ne serait-ce que provisoire, le gouvernement en Haïti devrait rappeler le chargé d’affaires en République Dominicaine », considère Smith Augustin.
« Il faut faire respecter l’autorité de l’État et le prestige de la nation, d’une part. Le gouvernement doit cesser d’avoir une posture mi-figue mi-raisin sur la stratégie à adopter, pour irriguer la plaine de Maribahoux, qui doit être claire, d’autre part ».
Parlant de l’insuffisance des autorités haïtiennes face à l’inélégance du gouvernement dominicain, la mission diplomatique d’Haïti à Santo Domingo devrait sortir une note pour condamner et exiger la suspension de la décision raciste, de la Fédération nationale des travailleurs chrétiens des transports sociaux (Fenattransc) de la République Dominicaine, d’interdire à ses chauffeurs affiliés de transporter les migrantes et migrants haïtiens, sans papiers ou non, à partir de lundi 18 septembre 2023.
Cette disposition de la Fenattransc, qui visait à interdire le transport des Haïtiennes et Haïtiens, sans papiers ou non, sur toutes les routes de transport de passagères et passagers opérant en République Dominicaine, a été annulée face au tollé provoqué.
« Le manque d’assistance aux migrantes et migrants haïtiens, par rapport à cette décision arbitraire violant tous les droits des migrantes et migrants, est très grave », de l’avis de l’ancien ambassadeur Augustin, rappelant combien « les ambassades et les consulats sont les prolongements de l’État »
« Je suis pour le renforcement de l’État haïtien dans ce dossier. Si on va dialoguer, le dialogue doit être favorable au peuple haïtien ».
Face à l’euphorie et l’élan de solidarité et de patriotisme, générés par ce dossier du côté haïtien, le diplomate appelle à la création d’un comité de médiation, pour permettre aux deux pays de mieux traiter le dossier à travers la voie du dialogue.
L’État, à travers les Ministères de l’agriculture, des ressources naturelles et du développement rural (Marndr), de l’environnement (Mde), des affaires étrangères et des cultes (Maec), devrait développer des pourparlers avec les actrices et acteurs impliqués dans la construction du canal, pour une prise en charge étatique du dossier, et les convaincre sur la nécessité d’un bon aboutissement des travaux.
Smith Augustin recommande au gouvernement de facto d’utiliser des actrices et des acteurs de la société civile, pour éviter une récupération politique, et de bien organiser les négociations pour sauver le projet.
L’expert des Nations unies des droits humains en Haïti, l’Américain William O’Neill, a appelé les gouvernements dominicain et haïtien « à partager toutes les informations pertinentes sur la nappe phréatique, les études hydrologiques, les impacts environnementaux et autres informations décrites dans la déclaration commune de mai 2021, afin de parvenir à une fin pacifique et rapide » à la crise de la rivière Massacre.
La représentante spéciale du secrétaire général des Nations unies et cheffe du Bureau intégré des Nations unies en Haïti (Binuh), l’Équatorienne Maria Isabel Salvador, encouragerait les autorités haïtiennes à poursuivre le dialogue bilatéral, pour résoudre diplomatiquement la crise de la rivière Massacre, dans le cadre du droit international, selon une note du Ministère haïtien des affaires étrangères et de cultes.
Un vaste élan de solidarité, du côté haïtien, continue à s’exprimer en faveur de la poursuite de la construction d’un canal sur la rivière Massacre, en dépit de la décision unilatérale prise par le président dominicain Luis Abinader de fermer toute la frontière haïtienne-dominicaine. [ppsf emb rc apr 21/09/2023 13:25]