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Justice/Criminalité : Plaintes des victimes de massacres à Carrefour Feuilles, Cité Soleil et à la Plaine du Cul-de-Sac contre l’État en Haïti

Par Le Réseau national de défense des droits humains (Rnddh)

Transmis à AlterPresse le 19 septembre 2023

Des victimes de violations massives des Droits Humains portent plainte par-devant les instances judiciaires haïtiennes

1. Vivement préoccupé par les différentes attaques menées à l’encontre de la population de Carrefour Feuilles depuis le début du mois d’août 2023, le Réseau national de défense des droits humains (Rnddh) a assisté certaines victimes, en vue de porter plainte par devant les autorités judiciaires.

2. En effet, depuis le 4 août 2023 et jusqu’à aujourd’hui encore, des bandits lourdement armés, membres du gang armé Team Ascenseur opérant à Grand-Ravine et dirigés par le chef de gang Renel DESTINA alias Ti Lapli, tuent impunément et mettent à feu plusieurs localités de Carrefour Feuilles, à savoir Savane Pistache, Saye, Fouchard, Decayette, Anba Figye, Ravine Zonyon, La Montagne, Rue Monseigneur Guilloux prolongée, Bò Nènè, Nan Tunnel, etc., occasionnant des pertes humaines et matérielles énormes.

3. Du 4 août au 12 septembre 2023 seulement, le Rnddh a dénombré à Carrefour Feuilles cent-quatre (104) personnes victimes d’assassinats et de disparitions forcées, deux (2) cas de viols collectifs perpétrés sur une mère et sa fille, quatorze (14) personnes blessées par balles et trente-cinq (35) maisons qui ont été systématiquement pillées avant d’être incendiées, détruites ou squattées.

4. Le 15 septembre 2023, soixante-dix-huit (78) parmi les victimes recensées ont porté plainte par devant le doyen près le Tribunal de première instance de Port-au-Prince, le magistrat Bernard SAINT-VIL pour assassinat, tentative d’assassinat, association de malfaiteurs, vol, destruction et incendie.

5. Numérotée 419-09/23 au greffe du Cabinet d’instruction, cette plainte dénonce l’assassinat de soixante-onze (71) personnes, la disparition de cinq (5) autres et la blessure par balles de dix (10) personnes. Trente-cinq (35) victimes y dénoncent aussi leurs maisons qui ont été pillées, incendiées, squattées ou démolies par les bandits armés.

6. Le Rnddh profite de la présente note pour informer l’opinion publique que, toujours avec son concours, deux (2) autres plaintes distinctes ont déjà été déposées respectivement par-devant le Parquet près le Tribunal de première instance de la Croix-des-Bouquets et par-devant le Tribunal de première instance de Port-au-Prince.

7. En effet, le 22 mai 2023, cent-treize (113) victimes et proches de victimes du massacre, qui avait été perpétré du 24 avril au 6 mai 2022 à la Plaine du Cul-de-Sac par des bandits armés membres du gang des 400 Mawozo et de la base Chen Mechan, ont saisi le Parquet près le Tribunal de Première instance de la Croix-des-Bouquets, requérant ledit Parquet d’engager des poursuites contre les gangs armés susmentionnés pour association de malfaiteurs, meurtre, tentative de meurtre, assassinat et tentative d’assassinat, déplacement forcé, disparitions, viols, incendies, pillages, destruction de biens d’autrui. Le dossier, numéroté 0100/2023, a été acheminé au Cabinet du magistrat instructeur André SAINT-ISERT.

8. De même, le 23 mai 2023, cent-cinquante-huit (158) victimes et proches de victimes du massacre de Cité Soleil, perpétré du 7 au 17 juillet 2022 par des gangs armés membres du G-9 an Fanmi e Alye – au cours duquel cinquante-trois (53) femmes et filles au moins ont été violées collectivement – ont déposé une plainte par-devant le Doyen du Tribunal de première instance de Port-au-Prince d’alors, le magistrat Chavannes ETIENNE pour vols, viols collectifs, coups et blessures et tentatives d’assassinat sur leur personne ; assassinat sur leur parents, progénitures et conjoints-es, association de malfaiteurs, pillage, incendie et destruction de leurs maisons. Le dossier numéroté 194-05/23 a été acheminé au Cabinet du magistrat instructeur Johnson SIMON.

9. Dans ces différentes plaintes, les victimes et proches de victimes de la Plaine du Cul-de-Sac, de Cité Soleil et de Carrefour Feuilles ont mis en cause la responsabilité de l’État haïtien qui n’est pas intervenu en vue d’éviter les massacres dénoncés, en dépit des nombreux appels au secours qui ont été lancés au Conseil supérieur de la Police nationale (Cspn) dirigé par le premier ministre de facto Ariel HENRY ; et en raison du nombre de jours, au cours desquels les bandits armés, protégés par les autorités étatiques, se sont attaqués aux populations de ces trois (3) zones.

10. Le Rnddh rappelle que les actes attentatoires aux vies et aux biens, enregistrés au cours de ces trois (3) massacres majeurs commis sous l’administration d’Ariel HENRY, constituent, d’une part, des infractions graves prévues et punies par le Code Pénal Haïtien. D’autre part, elles constituent aussi des violations massives de Droits Humains, perpétrées en transgression de la Constitution Haïtienne et du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques qui consacrent respectivement l’obligation de l’État de garantir l’ordre public et la protection des vies et des biens des citoyens-nes, de fournir assistance à personnes en danger et de garantir le droit à la propriété privée ; de respecter et de réaliser les droits à la vie, à la sécurité, à l’intégrité physique et psychique, à la libre circulation et à la propriété privée de tous les Haïtiens et Haïtiennes, sans distinction aucune.

11. Aujourd’hui, aux côtés des victimes et des proches de victimes, le Rnddh attend la distribution du dossier de Carrefour Feuilles par devant un magistrat instructeur et les conclusions des enquêtes judiciaires ouvertes et menées par les magistrats instructeurs qui avaient été choisis, pour les deux (2) précédentes plaintes relatives aux massacres de la Plaine du Cul-de-Sac et de Cité Soleil.

12. Pour que Justice soit faite et que Réparations soient accordées aux victimes et proches de victimes de ces massacres, l’État Haïtien a pour obligation de mettre fin à la protection des bandits armés et à l’impunité dont ils sont bénéficiaires. Et, l’appareil judiciaire Haïtien, régulièrement saisi, doit, de son côté, se prononcer, dans le respect des garanties judiciaires des plaignants-es, sur les graves violations des Droits Humains qui sont soumises à son appréciation.

Port-au-Prince, le 19 septembre 2023