Ouanaminthe (Haïti), 15 sept. 2023 [AlterPresse] --- « Le projet d’irrigation à Ouanaminthe, dans le Nord-Est d’Haïti, s’avère important pour diminuer la dépendance alimentaire du pays vis-à-vis de la République Dominicaine », analyse le porte-parole du Mouvement paysan de papaye (Mpp), Chavannes Jean-Baptiste, dans une interview accordée à la plateforme AlterPresse/AlterRadio.
« Le projet d’irrigation en cours à Ouanaminthe dans le département du Nord-Est est un projet visant à arroser 3 mille hectares de terre dans la vaste plaine de Maribahoux, qui produit du riz, du maïs et d’autres types de produits alimentaires », explique le Mpp.
« La plaine de Maribahoux peut produire tous les produits alimentaires que nous nous procurons en République Dominicaine ».
Les Dominicains ont l’habitude d’entrer à Maribahoux pour vendre aux paysannes et paysans haïtiens des engrais et leur prêter de l’argent pour l’achat de riz entre leurs mains, relate Chavannes Jean-Baptiste qui dit se souvenir qu’à l’époque les paysans ne pouvaient pas produire, en raison de l’absence d’eau dans le département du Nord-Est.
« Même des produits, comme les citrons et oranges, viennent en provenance de la République Dominicaine. Cela fait l’affaire des Dominicains, qui nous vendent de la nourriture pour environ 1 milliard de dollars (Ndlr : US $ 1.00 = + 140.00 gourdes ; 1 euro = 145.00 gourdes ; 1 dollar canadien = 101.00 gourdes ; 1 peso dominicain = 2.60 gourdes aujourd’hui),, chaque année. Quand nous ne produisons pas, cela profite aux Dominicains ».
Entamé, en 2018, sous l’ancienne administration du président Jovenel Moïse (2017-2021), le projet de construction d’un canal pour irriguer les champs agricoles dans le Nord-Est concerne l’un des besoins fondamentaux du pays, la production agricole, reconnait le Mpp.
Le Mouvement paysan de Papaye appelle les Haïtiennes et Haïtiens à s’élever pour défendre les droits des paysannes et paysans du département du Nord-Est, et à faire avancer ce projet d’irrigation.
Les Haïtiennes et Haïtiens veulent tirer une première prise à la rivière Massacre, alors que les Dominicains en ont déjà fait 11 prises, rappelle-t-il, déplorant combien l’État ne défend les droits des paysans.
Alors que les discussions entre les deux pays pour trouver une issue au conflit étaient en cours, les autorités dominicaines ont annoncé, le jeudi 14 septembre 2023, la fermeture de toute la frontière haïtienne-dominicaine (terrestre, maritime et aérienne), à compter du vendredi 15 septembre 2023, dès 6:00 am (10:00 gmt).
Le gouvernement dominicain envisage l’exécution d’un plan pour éviter les pertes aux commerçantes et commerçants dominicains, qui seraient dues à la fermeture de tous les points frontaliers avec Haïti, a relaté le journal dominicain Listin Diario.
A travers cette mesure, ordonnée par le président Luis Abinader lui-même, le gouvernement dominicain achèterait les produits périssables (les œufs, les poulets, les poivrons) destinés à l’exportation vers Haïti, signale le journal Listin Diario.
La situation à la frontière Ouanaminthe/Dajabón
La frontière de Ouanaminthe/Dajabón est véritablement fermée depuis plus d’une semaine, bien avant la décision formelle adoptée par le président dominicain, Luis Abinader, indique à AlterPresse, le journaliste Jéthro-Claudel Pierre Jeanty, le vendredi 15 septembre 2023.
Aucun Haïtien à Ouanaminthe n’arrive à pénétrer sur le territoire dominicain.
Toutefois, des ressortissants américains ont été autorisés, par les autorités dominicaines, à traverser la frontière, après des démarches, fait savoir Jéthro-Claudel Pierre Jeanty.
Quelques jours après, un groupe de Mexicains en mission humanitaire en Haïti a pu également traverser la frontière de Dajabón, après avoir été bloqués pendant plusieurs jours.
Les ressortissantes et ressortissants haïtiens dans le cadre des rapatriements et retours volontaires ont pu rentrer sur le territoire national.
En dépit de la présence des agents, les bureaux d’immigration à Ouanaminthe ne fonctionnement pas depuis une semaine, suite à la décision de fermeture de la frontière, prise par les autorités dominicaines.
Au marché binational de Dajabón, des commerçantes et commerçants dominicains sont venus à la ligne frontalière, au niveau des points non officiels, pour chercher, de manière informelle, à écouler quelques produits périssables, en quantité très restreinte.
Des habitantes et habitants à Ouanaminthe sont très hostiles vis-à-vis de leurs compatriotes, qui tentent d’entreprendre des activités en République Dominicaine. Les personnes qui réussissent à s’approvisionner sont victimes de propos injurieux, rapporte le confrère.
Une rareté de produits, comme le spaghetti, les figues-bananes et les choux, est observée sur le marché de Ouanaminthe, une réalité que la majorité des habitantes et habitants se résigne à subir jusqu’à la construction du canal sur la rivière Massacre, mentionne-t-il.
Les commerçantes et commerçants dominicains se plaignent des difficultés rencontrées pour écouler leurs produits, à cause de la fermeture de la frontière Ouanaminthe/Dajabón, selon les témoignages recueillis par Jéthro-Claudel Pierre Jeanty.
Dans un communiqué officiel, transmis à AlterPresse, le gouvernement de facto en Haïti a déclaré prendre acte de la décision de la République Dominicaine de fermer ses frontières avec la République d’Haïti, à partir du vendredi 15 septembre 2023.
« La République d’Haïti peut souverainement décider de l’exploitation de ses ressources naturelles. Elle a, comme la République Dominicaine, avec laquelle elle partage la rivière Massacre, l’entier droit d’y faire des prises, conformément à l’accord de 1929 », selon le communiqué.
Le gouvernement de facto en Haïti a indiqué qu’il prendra toutes les dispositions que de droit pour protéger les intérêts du peuple haïtien, tout en privilégiant toujours le dialogue. [je emb rc apr 16/09/2023 14:40]