P-au-P, 31 août 2023 [AlterPresse] --- Au moins 64 femmes ont été violées par des bandits armés, entre avril et juin 2023 en Haïti, relève le Bureau intégré des Nations unies en Haïti (Binuh), dans un rapport rendu public ce jeudi 31 août 2023 et consulté par l’agence en ligne AlterPresse.
Au cours du mois d’avril 2023, 49 femmes ont été violées par des bandits de la fédération des gangs G-9 et alliés, dans une zone dénommée Dèyè Mi, dans le quartier de Brooklyn, dans la commune de Cité Soleil (nord), alors qu’elles tentaient d’échapper à la violence armée, signale le Binuh.
Après avoir été violées, sept (7) des victimes ont été tuées et leurs corps jetés dans un site abandonné.
Le 15 mai 2023, 15 femmes ont été enlevées et violées dans la zone de Savien par des membres du gang Gran Grif, au moment où elles se rendaient à un marché dans la commune de Petite Rivière de l’Artibonite.
Les bandits armés continuent de recourir à la violence sexuelle, en particulier les viols collectifs et les mutilations, pour répandre la peur et punir les communautés sous le contrôle de leurs rivaux, dénonce le Binuh.
Au moins 1,860 personnes ont été tuées dans des actes de violences. Parmi ces assassinats, 238 cas de lynchage ont été répertoriés dans le cadre d’un mouvement de résistance populaire, connu sous le nom de Bwa Kale.
Au moins 298 personnes ont été enlevées, a recensé la mission onusienne.
Dans ce rapport du jeudi 31 août 2023, qui relate les points saillants de la terreur des gangs pour le deuxième trimestre de l’année 2023 en Haïti, le Binuh dit constater une augmentation de 14%, au second trimestre 2023, du nombre de blessures et d’enlèvements impliquant les gangs, par rapport au trimestre précédent (janvier- mars 2023).
Le niveau de violence des gangs armés n’a toutefois pas été linéaire tout au long de la période considérée.
Le plus grand nombre de victimes a été recensé en avril et en mai 2023 (48 % et 34 % des cas signalés), en raison d’une augmentation des activités des gangs et des « groupes d’autodéfense » en particulier le mouvement Bwa Kale, précise-t-il.
Avec 82% des cas, le département de l’Ouest, où se trouvent les communes de Cité Soleil, Croix-des-Bouquets, Pétionville et Port-au-Prince, a été particulièrement le plus affecté par le plus grand nombre de personnes tuées, blessées et enlevées.
Dans la zone métropolitaine de la capitale, Port-au-Prince, les gangs continuent de prendre pour cible les habitantes et habitants vivant dans les zones sous le contrôle de gangs rivaux, rapporte le Binuh.
A Cité Soleil, au moins 288 hommes, femmes et enfants ont été tués ou blessés par des tirs de snipers (tireurs d’élite), alors qu’ils tentaient pour la plupart de sortir ou d’entrer dans leurs quartiers.
« À la fin du mois d’avril (2023), les gangs de Canaan, Kraze Baryè et Village de Dieu, tous membres de l’alliance de gangs G-Pèp, ont mené des attaques simultanées contre les communautés de Source Matelas (commune de Cabaret) et de Meyotte (Pétionville)(...). En outre, au moins 31 personnes ont été tuées pour leur appartenance présumée à un « groupe d’autodéfense » opérant dans la zone de Source Matelas. Le déploiement immédiat d’unités de la police a permis de rétablir l’ordre dans les deux zones », mentionne le Binuh.
A côté du département de l’Ouest, le Bureau intégré des Nations unies en Haïti dit avoir noté une expansion de la violence des gangs au niveau du département de l’Artibonite, où 13% des cas pour le deuxième trimestre de l’année 2023 ont été commis par des bandits qui contrôlent les communes de L’Estère, Liancourt et Petite Rivière de l’Artibonite.
Dans l’Artibonite, des gangs et des « groupes d’autodéfense » ont attaqué des communautés sous l’influence de gangs rivaux, notamment dans les communes de L’Estère, Liancourt et Petite Rivière de l’Artibonite, tuant et blessant au moins 101 personnes.
Augmentation des actes de lynchage
238 cas de lynchage dans le cadre d’un mouvement connu sous le nom de Bwa Kale ont été commis sur le territoire national, toujours selon le rapport trimestriel du Binuh.
« Le niveau extrême de violence signalée en avril (2023), ainsi que la tentative du gang de Village de Dieu de s’infiltrer dans les quartiers résidentiels de Canapé Vert, Cité Gabriel, Croix-des-Près, Debussy et Turgeau, ont conduit à un pic sans précédent de lynchages collectifs dans le cadre du mouvement de Bwa Kale ».
Ces actes, commis avec « des machettes, des pierres et des bidons d’essence » sont les conséquences de la frustration des citoyennes et citoyens, devant la faiblesse des institutions étatiques face à la terreur des gangs qui tentent de pénétrer dans leurs quartiers.
« Certaines victimes ont été lapidées ou mutilées. D’autres ont été brûlées vives dans les rues, tandis que la police assistait passivement à ces scènes. Des victimes ont aussi été soustraites à la garde de la police, avant d’être lynchées », écrit le Binuh.
Au niveau national, au moins 298 personnes ont été enlevées au cours du deuxième trimestre 2023, soit une baisse de 24% par rapport au trimestre précédent (janvier à mars 2023).
Si les zones touchées par le mouvement Bwa Kale, notamment Pétionville et Port-au-Prince, ont connu une baisse des enlèvements, d’autres quartiers ont continué d’en enregistrer.
Une escalade de la violence
De janvier à la fin du mois d’août 2023, 712 personnes ont été tuées soit par balles, soit calcinées, dans la zone métropolitaine de la capitale, Port-au-Prince, dans la terreur des gangs armés, a dénombré la Commission épiscopale nationale (catholique romaine) Justice et Paix (Ce-Jilap).
Du 1er au 25 août 2023, 94 personnes ont été assassinées, souligne la Ce-Jilap, relevant qu’au moins trois personnes sont tuées par jour dans des actes de violences, perpétrées par les bandits armés dans la zone métropolitaine de la capitale, Port-au-Prince.
Les mardi 15 et mardi 29 août 2023, au moins 71 morts et plusieurs blessés ont été recensés par le Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires en Haïti (Ocha) parmi les communautés de Canaan, Bel Air, Carrefour Feuilles, Savanne Pistache et Solino, quartiers situés dans la zone métropolitaine de la capitale, Port-au-Prince.
Le samedi 26 août 2023, à Canaan, un nombre indéterminé de personnes ont été froidement assassinées et blessées par balles par le gang de Jeff Larose, lors d’une manifestation organisée par « l’église évangélique piscine de Bethesda », dirigée par le pasteur Marcorel Zidor, alias Marco.
Des milliers de familles, qui résident dans le vaste quartier de Carrefour Feuilles (banlieue sud-est de Port-au-Prince) et à Tabarre (municipalité au nord-est), continuent de subir l’horreur imposée, en toute impunité, depuis plusieurs semaines, par les membres du gang de Gran Ravin et de Kraze Baryè, sous le regard impuissant des autorités étatiques.
Dans les départements de l’Ouest et de l’Artibonite, 73 personnes ont été assassinées, dont 54 à Carrefour-Feuilles, au cours des deux premières semaines du mois d’août 2023, a révélé le Réseau national de défense des droits humains (Rnddh), dans un rapport publié le 18 août 2023.
Dans leur dernier rapport trimestriel sur les droits humains, couvrant la période de janvier à mars 2023, le Binuh et le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits humains (Hcdh) ont documenté au moins 1,634 victimes qui ont été tuées, blessées ou enlevées en Haïti.
Face au climat de terreur des gangs armés, qui se poursuit sur le territoire national, le Binuh continue d’appeler la communauté internationale à maintenir Haïti sur l’agenda international et envisager d’urgence le déploiement d’une force d’appui spécialisée, dans des conditions conformes aux normes et standards des droits humains.
La mission onusienne exhorte le gouvernement haïtien à lutter contre la contrebande et le trafic illégal d’armes et de munitions, rétablir les services et les projets sociaux, en particulier dans les zones contrôlées par les gangs.
Elle demande de renforcer la disponibilité, l’accessibilité et la qualité des structures de soins médicaux et psychosociaux pour les survivantes de violences sexuelles ainsi que les capacités de la police et du système judiciaire pour lutter contre l’impunité en matière de violences sexuelles, la corruption et les crimes de masse, y compris ceux qui impliquent des violences sexuelles. [ppsf emb rc apr 31/08/2023 12:55]