Par Pierre Philor Saint-Fleur
P-au-P., 29 août 2023 [AlterPresse] --- L’enseignant-militant et écrivain Rodolphe Mathurin exprime son indignation et sa colère à la suite de l’assassinat d’un nombre indéterminé de personnes, samedi après-midi 26 août 2023, par le gang armé de Canaan, lors d’une manifestation organisée par « l’église évangélique piscine de Bethesda », dirigée par le pasteur Marcorel Zidor alias Marco.
L’enseignant-militant et écrivain Rodolphe Mathurin dénonce un massacre prévisible et évitable, à l’émission Tichèzba, animée par le journaliste Gotson Pierre et prévue pour être diffusée le mercredi 30 août 2023 à 7:00AM, sur AlterRadio 106.1 FM et en ligne (Rediffusion à 11:00AM, 7:00-11:00PM).
« C’est une question de vie humaine. C’est dommage que la vie des citoyennes et des citoyens n’importe plus » dit-il, déplorant « combien nous ne sommes pas en mesure de dénombrer jusque-là les victimes ».
« Depuis des années, personne ne prend le pays et la vie des citoyennes et citoyens au sérieux. N’était-ce pas cette banalisation de la vie, le pasteur Marcorel Zidor, alias Marco, ne saurait inviter ses fidèles à une telle initiative mortifère, résultant d’un cumul de dérives et d’irresponsabilité des autorités vis à vis des hommes et des femmes d’église agissant au nom de Dieu qui ne cessent point de manipuler la population ».
Il s’agit d’une catastrophe annoncée, fait remarquer Mathurin, dénonçant l’attitude des autorités qui, au lieu de garantir la sécurité de la population et d’assumer leurs responsabilités, se contentent de jouir des privilèges de leurs fonctions.
Il faut fixer les responsabilités
« La responsabilité du gouvernement et de la police est manifeste dans cette tuerie, puisque c’était une action annonce et planifiée en public », explique Mathurin.
Vu la longue distance séparant l’église et le lieu de destination, la police avait tous les moyens pour empêcher les manifestantes et manifestants d’aller exposer leur vie, insiste-t-il.
Ce n’est pas la première grande mobilisation que la police devrait sécuriser, analyse Rodolphe Mathurin, faisant notamment référence aux manifestations anti-gouvernementales et celles organisées par les ouvrières et ouvriers de la branche de la sous-traitance pour exiger une augmentation du salaire minimum journalier.
Personne ne peut oublier la rapidité et la mobilisation de la police pour disperser violemment, le lundi 14 août 2023, à Port-au-Prince, la manifestation des citoyennes et citoyens de Carrefours Feuilles, qui dénonçaient la terreur des gangs armés, évoque-t-il.
Il y avait un ordre, en ce sens.
« Pourquoi n’y a-t-il pas eu cette même velléité pour empêcher les fidèles de l’église d’aller se livrer à la fureur des gangs » ?, se demande-t-il.
« A mon avis, les autorités ont décidé volontairement de laisser les gens aller à la boucherie ».
Sans donner de détails sur les actions de dissuasion qu’elle aurait faites, la Pnh a déclaré « avoir pris des dispositions en établissant des périmètres de sécurité pour empêcher les participantes et participants d’atteindre leur destination ».
La manifestation visait à déloger le gang de Canaan, dirigé par le nommé Jeff Larose, dans un contexte de multiplication des violences armées dans le pays, notamment dans la zone métropolitaine de la capitale, Port-au-Prince.
Rodolphe Mathurin exige des explications de la part des autorités et du pasteur Marcorel Zidor, alias Marco.
Sinon, toute action en justice contre le pasteur sera immorale et démagogique, dit-il.
La banalisation de la vie par l’État
La situation de terreur généralisée, que connaît Haïti, est née d’elle-même. C’est le résultat du comportement d’un État, qui ne s’intéresse pas à la vie de ses citoyennes et citoyens, note Rodolphe Mathurin.
Si un pasteur peut s’arroger le droit de mobiliser ses fidèles pour partir à la trousse des bandits, c’est tout simplement parce que l’État n’a pas su assumer ses responsabilités de garantir et de protéger la vie et les biens de ses citoyennes et citoyens, regrette-t-il.
L’existence d’un pasteur comme Marcorel Zidor est la conséquence même de l’irresponsabilité des autorités, qui n’ont pris aucune disposition pour réguler la question des églises dans le pays, critique-t-il.
« C’est aussi la résultante d’un système de corruption, de mensonge des autorités et d’une série de pratiques marchandes et corrompues de soi-disant leaders pour parvenir et s’accrocher au pouvoir, en se servant des ressources de l’État, afin de manipuler et d’utiliser notamment les jeunes à leurs propres fins ».
Dommage ! ce sont des pratiques qui tendent vers la pérennisation, déplore Mathurin.
Le grand banditisme est une construction émanant de la classe politique et de ses alliés du secteur des affaires, qui se servent toujours de la précarité et de la misère des citoyennes et citoyens pour arriver au pouvoir et se maintenir aux affaires, analyse-t-il.
Une dynamique communautaire axée sur la solidarité populaire pour s’en sortir
La situation de terreur, dans laquelle se trouve Haïti, est très grave et ses conséquences sont multiples.
Pour s’en sortir, Rodolphe Mathurin suggère de donner la priorité à la vérité, tout en créant une dynamique communautaire axée sur la solidarité populaire.
Il appelle à une grande campagne de désarmement sur le territoire national, pour la tenue des élections, afin de redynamiser les institutions républicaines.
D’autre part, les jeunes, qui s’intéressent à la politique, devraient développer de intelligence pour construire un pays différent de celui légué par les hommes et femmes qui se sont succédé au pouvoir ces dernières années, avec une nouvelle pensée basée sur l’éthique, au regard d’une redéfinition des rapports entre les humains entre eux, les relations entre les citoyennes/citoyens et l’État, souligne-t-il.
Rodolphe Mathurin recommande de mettre à la tête de l’État des dirigeantes et dirigeants bénéficiant de la confiance de la population, afin de prendre des décisions appropriées aux défis historiques du temps. [ppsf emb rc apr 29/08/2023 14:15]