P-au-P, 22 août 2023 [AlterPresse] --- Il faut établir à l’avance des garanties, des mesures, des mécanismes ainsi que « des paramètres clairs, obligatoires et exécutoires pour empêcher l’usage illégal de la force », avant d’approuver tout déploiement de forces de sécurité étrangères en Haïti, recommande l’organisation Amnesty international, dans une lettre ouverte adressée aux membres du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (Onu) et dont a pris connaissance l’agence en ligne AlterPresse.
De tels paramètres empêcheraient « la négligence causant des dommages aux populations locales et tout autre abus par des individus déployés dans le cadre de tout effort multinational », insiste-t-elle.
« Ceux-ci doivent également inclure des mesures claires pour protéger les individus contre l’exploitation et les abus sexuels... par des mécanismes de sauvegarde des droits des populations locales et offrant des recours accessibles et efficaces aux victimes ».
L’organisation Amnesty international exprime de profondes préoccupations concernant l’annonce, selon laquelle les forces de l’ordre kenyanes pourraient diriger une « force internationale spécialisée », comme demandé, le 7 octobre 2022, par le gouvernement de facto en Haïti, pour aider temporairement la Police nationale haïtienne (Pnh) à lutter contre l’insécurité causée par la violence des gangs.
Dans sa lettre ouverte, l’organisation Amnesty international relate l’« histoire troublante d’abus et d’impunité associés aux interventions multinationales ou étrangères passées en Haïti, y compris l’épidémie de choléra, l’exploitation et les abus sexuels sans responsabilité, et l’usage excessif de la force. »
Elle relève aussi combien le manque de responsabilité et d’accès à la justice pour les victimes de ces abus est alarmant.
Elle exhorte à évaluer de près le bilan en matière de droits humains de toute force de sécurité déployée pour aider à ramener la stabilité en Haïti.
En ce sens, Amnesty international demande d’examiner dans leur intégralité le bilan des forces de sécurité kenyanes en matière de droits humains avant d’approuver leur déploiement en Haïti.
« Toute considération concernant le déploiement éventuel d’un soutien à la stabilisation, en plus d’établir à l’avance les garanties proposées ci-dessus, devrait également au minimum passer par une consultation significative avec la société civile haïtienne et adopter des politiques et des pratiques, qui soutiennent une solution dirigée par les Haïtiens en vue d’une stabilité à long terme dans le pays ».
La situation des droits humains au Kenya
L’organisme international de droits humains indique avoir récemment condamné la poursuite de l’usage illégal de la force contre des manifestantes et manifestants par la police kényane dans le pays.
« L’utilisation excessive et inutile de la force, y compris la force létale, par les forces de sécurité au Kenya a entraîné une augmentation des décès et des blessures chez les adultes et les enfants ».
Lors des manifestations antigouvernementales des 20 et 27 mars 2023 (12 meurtres), des mouvements de protestations de Saba Saba (12 meurtres) et le 19 juillet (6 meurtres), au moins 30 cas de meurtres de manifestants, dus aux gaz lacrymogènes et aux tirs meurtriers, de la police kenyane ont été documentés depuis mars 2023 par Amnesty International.
La police kenyane avait eu recours à des passages à tabac, à des arrestations et détentions arbitraires de manifestants, ainsi qu’à l’utilisation aveugle et disproportionnée de gaz lacrymogènes et de canons à eau, entre autres violations graves des droits humains, pour contrôler les manifestations, ont révélé des enquêtes préliminaires.
En 2021 et 2022, un total de 371 personnes auraient été tuées ou auraient disparu sous la garde de la police, selon Amnesty International et 14 autres organisations partenaires au Kenya sous la bannière de Missing Voices, qui documentent l’histoire de la police kényane en matière d’exécutions extrajudiciaires et de disparitions forcées.
Échanges de la mission d’évaluation du Kenya en Haïti
Une délégation d’autorités du Kenya, comprenant de hauts gradés de la police, est en mission d’évaluation et de reconnaissance en Haïti, depuis le dimanche 20 août 2023.
Le lundi 21 août 2023, une « rencontre de travail » a eu lieu entre la délégation kenyane, les autorités haïtiennes et le corps diplomatique, informe le gouvernement de facto.
Les membres du commandement de la Police nationale d’Haïti (Pnh) se sont également entretenus avec la délégation, selon la même source.
La mission kenyane de reconnaissance en Haïti s’inscrit dans la perspective d’un déploiement d’une force multinationale.
Elle fait suite à l’aide sollicitée, depuis le vendredi 7 octobre 2022, par le gouvernement de facto auprès de la communauté internationale, en faveur de l’envoi d’une force armée spécialisée en quantité suffisante pour le soutenir dans la lutte contre les gangs armés en Haïti.
Le gouvernement du Kenya s’est dit, le 29 juillet 2023, prêt à assurer le commandement d’une force multinationale mandatée par l’Organisation des Nations unies (Onu), en vue de rétablir la sécurité en Haïti.
Il a proposé d’envoyer 1,000 policiers pour aider à former et aider la Police nationale d’Haïti (Pnh), à « rétablir la normalité dans le pays et à protéger les installations stratégiques ».
Plusieurs autres pays, comme Antigua et Barbuda, Jamaïque et Bahamas, ont emboîté le pas au Kenya, en proposant de déployer des troupes en Haïti.
Amnesty international encourage la communauté internationale à soutenir les efforts haïtiens pour s’attaquer aux causes profondes de la violence, tout en déplorant la crise des droits humains en Haïti ayant contraint des milliers d’Haïtiennes et d’Haïtiens à fuir le pays et à chercher refuge dans d’autres pays américains.
Il faudrait définir, au préalable, une feuille de route claire, avant tout éventuel déploiement d’une force internationale en Haïti, ont recommandé différents secteurs de la vie nationale, alors que d’autres fustigent le comportement du gouvernement de facto et la communauté internationale impliqués dans les démarches en cours.
Les démarches en cours ne constituent rien d’autre qu’un « complot d’invasion », a dénoncé le mouvement Montana, qui regroupe des partis politiques et des organisations de la société civile. [emb rc apr 22/08/2023 11:05]