Español English French Kwéyol

Sans grand espoir, Haïti au sommet Ue-Amérique Latine et Caraïbes en Belgique

P-au-P., 16 juil. 2023 [AlterPresse] --- Une délégation officielle d’Haïti, conduite par le premier ministre de facto en place, Ariel Henry, participe les lundi 17 et mardi 18 juillet 2023, au sommet Union européenne (Ue), Amérique Latine et Caraïbes, qui se tient à Bruxelles, mais l’enjeu parait faible pour le pays en crise profonde, observe AlterPresse.

Rien qu’un projet dans le domaine de l’éducation concerne Haïti, là où 60 pays (dont 27 de l’Ue) tenteront de nouer des partenariats stratégiques à visées transformatrices pour leurs sociétés, en attirant une part importante des 300 billions d’euros que compte mobiliser la nouvelle stratégie « Global Gateway ».

« Proposer des investisseurs à Haïti est très difficile à cause des conditions de sécurité », estime l’ambassadeur de l’Union européenne en Haïti Stefano Gatto, dans une entretien accordé à plusieurs médias, dont la plateforme AlterPresse/AlterRadio.

« Ce n’est pas le moment de mener campagne en faveur d’investissements étrangers pour Haïti (…) à cause de sa situation conjoncturelle », ajoute-t-il.

Haïti connait une crise multidimensionnelle qui ne cesse point de s’aggraver depuis deux ans, suite à l’assassinat de l’ancien président de facto Jovenel Moïse,, le 7 juillet 2021 et l’installation au pouvoir d’un gouvernement de facto dirigé par Ariel Henry.

« Nous ne soutenons pas un gouvernement, nous soutenons l’État haïtien »

« Les régimes de facto, ce n’est pas quelque chose que nous acceptons facilement… », affirme le diplomate, en évoquant les orientations de l’Union européenne en lien avec la situation en Amérique latine et dans la Caraïbe.

Dans le cas d’Haïti, l’ambassadeur Gatto évite d’utiliser le terme « de facto » pour ne pas « entrer dans un débat sur la légitimité ou pas » du gouvernement haïtien, résultant d’une « succession d’évènements assez dramatiques et assez complexes ». Ce qui « oblige à tenir compte de ce gouvernement ».

Et le diplomate de préciser : « nous ne soutenons pas un gouvernement, nous soutenons l’État haïtien, forcément représenté en ce moment par le gouvernement actuel. Il n’y a pas de lecture politique, (mais) tout simplement une lecture institutionnelle ».

Le gouvernement d’Ariel Henry est « le seul qui existe », poursuit l’ambassadeur de l’Ue, regrettant qu’il n’y ait pas d’alternative.

Les élections, nécessaires, mais « pas comme ça »

« La seule alternative que nous voyons, c’est un consensus plus large, et c’est pour ça que ça fait deux ans que nous demandons un consensus plus large », auquel « les acteurs haïtiens n’ont pas été capables de parvenir jusqu’à présent ».

Sur ce point, le diplomate ne cache pas sa « frustration ».

Pour lui, l’accord du 21 décembre 2022, qui lie Ariel Henry et ses alliés, aurait dû être élargi, afin de mettre en place un Conseil électoral provisoire et tenir des élections générales « le plus tôt possible ».

Mais, nuance-t-il, « nous sommes aussi réalistes et savons que les élections ne peuvent pas se tenir comme ça », sous-entendu dans le climat sécuritaire actuel, où les gangs continuent d’occuper de vastes zones dans la capitale et les villes de provinces.

Les bandits armés ont assassiné 75 personnes et enlevées au moins 40 autres, du 1er mai au 12 juillet 2023, dénombre le Réseau national de défense des droits humains (Rnddh), dans un rapport rendu public le jeudi 13 juillet 2023.

Sur le premier trimestre de l’année 2023, on dénombre environ 400 enlèvements et plus de 1,600 agressions violentes, dont des meurtres et des viols à Port-au-Prince.

« Casse-tête sans solution » et « profil bas »

Pourtant, au moment où la guerre fait rage en Europe (Russie-Ukraine), « Haïti est un cas devenu périphérique dans les débats internationaux ».

Le pays donne l’impression « d’un casse-tête sans solution », note Stefano Gatto.

Précisément, selon l’ambassadeur, avec l’armée russe à 300 km des frontières de l’Ue, tout le débat sécuritaire porte sur ce conflit majeur et aucun engagement ne peut être prévu en Haïti, dont les actuels dirigeants réclament l’intervention d’une force internationale pour résoudre le problème de la sécurité.

L’Ue fait profil bas, dit l’ambassadeur.

« C’est pratiquement impossible d’aller demander aux 27 capitales européennes de dégager des ressources pour, par exemple, organiser une mission d’appui à la sécurité en Haïti, avec des contingents armés ou des ressources importantes de plusieurs dizaines de millions d’euros »...

Comment convaincre les responsables européens, « si les États-Unis, le Canada ou certains pays d’Amérique latine ne le font pas, s’interroge le chef de la Délégation de l’Ue en Haïti.

« Nous pourrons participer à toute initiative, mise en place sous un leadership du continent américain ».

D’autre part, l’Union européenne s’aligne sur les sanctions à l’étude aux Nations unies contre des personnalités impliquées dans le financement de la violence et le blanchiment d’argent, suivant la résolution adoptée par le Conseil de sécurité de l’Onu le vendredi 21 octobre 2022.

Mais, aucune sanction unilatérale n’est prévue, sur le modèle de celles, prises par les États-Unis, le Canada et la République Dominicaine contre des personnalités politiques et du secteur privé.

Le Canada et les États-Unis ont déjà sanctionné plus d’une soixantaine de personnes, depuis octobre 2022, et la République Dominicaine une quarantaine.

Une nouvelle résolution du Conseil de sécurité de l’Onu, réuni le vendredi 14 juillet 2023 à New-York, prévoit la prorogation du mandat du Bureau intégré des Nations unies en Haïti (Binuh).

70 civils et agents en détachement intègreront le groupe du Binuh, qui s’occupe des questions de police, sous la direction d’un chef de la police civile des Nations Unies.

Le Conseil de sécurité attend du secrétaire général des Nations unies, le Portugais Antonio Gutteres, un rapport écrit, en consultation avec Haïti, dans les trente jours (d’ici le 14 août 2023), décrivant toute la gamme des possibilités d’appui que pourrait fournir l’Organisation des Nations unies (Onu) pour améliorer l’état de la sécurité.

Ce rapport devrait explorer, entre autres, l’appui à une force multinationale non onusienne ou la possibilité d’une opération de maintien de la paix, dans le cadre d’un règlement politique en Haïti. [apr 16/07/2023 08:00]