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Haïti : L’enquête sur le meurtre de Jovenel Moïse bute sur « des problèmes politiques, de procédure, de sécurité et de compétences », selon le Cardh

P-au-P, 07 juil. 2023 [AlterPresse] --- Deux ans après (7 juillet 2021 - 7 juillet 2023), la justice en Haïti se retrouve limitée par « des problèmes politiques, de procédure, de sécurité, de compétences » dans l’enquête sur le « crime transnational », perpétré, le mercredi 7 juillet 2021, sur la personne de l’ancien président de facto Jovenel Moïse, par « des mercenaires colombiens et des ex-agents des services secrets américains, aidés par des unités de la sécurité présidentielle », considère le Centre d’analyse et de recherches en droits humains (Cardh), dans un rapport transmis à l’agence en ligne AlterPresse.

Le dossier d’enquête en Haïti serait fragilisé par l’enquête de la justice américaine, « une autre famille juridique (Common Law) disposant d’une grande machine pour exercer ses compétences extraterritoriales », analyse le Cardh.

Le dossier devrait être « traité par un tribunal spécial ou une chambre spéciale pour une justice efficace », préconise le Cardh, qui déplore la désignation de 5 juges d’instruction en moins de deux ans dans l’affaire en Haïti.

« Les quatre premiers avaient, chacun, une raison pour se dessaisir du dossier. Le dernier, Walter Wesser Voltaire, dont le délai d’instruction est arrivé à terme depuis le 30 octobre 2022, décide de garder le dossier, en violation de la loi sur l’instruction et au mépris du parquet, juridiction de la poursuite pour laquelle il instruit, et du doyen, administrateur du tribunal ».

De son côté, le Réseau national de défense des droits humains (Rnddh) dénonce le refus de Martine Joseph Moïse, veuve de l’ancien président de facto Jovenel Moïse, de comparaître par-devant le juge instructeur Walter Wesser Voltaire.

« Nous voulons que l’enquête se réalise dans la sérénité. Mais l’un des éléments clés du dossier, c’est la femme du défunt Jovenel Moïse, qui décide de faire obstruction à la justice », relève le Rnddh, dont le directeur exécutif, Pierre Espérance, a été auditionné le 5 juillet 2023 par le juge Walter Wesser Voltaire.

Le Rnddh estime « anormal que Martine Joseph Moise, qui était présente lors du crime du 7 juillet 2021 et qui connaît ce qui s’est passé une ou deux semaines avant l’assassinat, refuse de se présenter devant le juge ».

« Comment se fait-il que deux, parmi les trois personnes responsables de la sécurité de Jovenel Moïse, à savoir le commissaire divisionnaire Jean Laguel Civil, coordonnateur de la sécurité de Jovenel Moïse, et Dimitri Hérard, responsable de l’Unité de sécurité générale du Palais national (Usgpn) soient emprisonnés au Pénitencier national, alors que l’ancien directeur général de la Police nationale d’Haïti (Pnh), Léon Charles, continue d’occuper une fonction de diplomate à l’Organisation des États américains (Oea) ? Qu’est-ce que cela veut dire » ?

« Nous voulons que lumière soit faite dans ce dossier. Voilà ce qui explique ma présence au carré du juge, toutes affaires cessantes, après avoir reçu une convocation le 4 juillet 2023 (…) Aujourd’hui, c’est un grand jour pour nous de venir au bureau du juge, afin de dire ce que nous comprenons et lisons dans ce dossier comme défenseur des droits humains. Nous espérons que ce que nous avons dit au juge peut l’aider à mieux faire son travail ».

Le défenseur des droits humains affirme avoir fait état, devant le juge, des contenus des deux rapports, produits par le Rnddh, les 20 août 2021 et 6 janvier 2022, autour du dossier d’assassinat de Jovenel Moïse.

« Je pense que le dossier avance très timidement. Nous ne savons pas encore qui a financé le crime ».

Le Rnddh se félicite d’avoir contribué à la mise à pied du juge Garry Orélien, qui était chargé de ce dossier, soulignant combien il ne faisait que poser des actions de marchandage.

Pour une coopération internationale

Le Centre d’analyse et de recherche en droits humains appelle les autorité de la chaîne pénale en Haïti à s’inspirer des tribunaux hybrides pour faire avancer l’enquête, en fonction de la morale et de la solidarité internationale.

Le Cardh cite en exemples les cas des chambres extraordinaires au Cambodge, en Afrique, des chambres spécialisées pour le Kosovo, de la Cour pénale spéciale en République Centrafricaine, des tribunaux spéciaux pour le Liban et la Sierra Leone

Aux yeux du Réseau national de défense des droits humains, « les banques commerciales en Haïti devraient contribuer dans l’enquête, au même titre que la justice américaine devrait coopérer avec la justice haïtienne ».

Pendant que le dossier d’enquête sur l’assassinat de Jovenel Moïse semble piétiner en Haïti, la justice aux États-Unis d’Amérique a rendu un verdict, le 2 juin 2023, condamnant à perpétuité, pour son rôle dans la planification et l’exécution de l’assassinat, l’homme d’affaires haïtiano-chilien, Rodolphe Jaar, un des 11 suspects détenus sur le territoire américain.

Selon le verdict du juge fédéral, cité par Associated Press (Ap), « ...l’homme d’affaires haïtiano-chilien a aidé les mercenaires colombiens à obtenir des armes pour assassiner le président haïtien Jovenel Moïse en 2021 ».

Le procès des 10 autres suspects est programmé pour le mois de mai 2024 aux États-Unis. [ppsf rc apr 07/07/2023 11:00]