Par Pierre Philor Saint-Fleur
P-au-P, 06 juil. 2023 [AlterPresse] --- L’éventuelle force armée internationale, que l’Organisation des Nations unies (Onu) cherche à constituer, afin d’aider Haïti à démanteler les gangs armés et créer un climat de stabilité et de sécurité dans la perspective de l’organisation d’élections, pourrait consister en un mélange de militaires et de policiers internationaux.
C’est ce qui ressort d’un « document officieux », en circulation au niveau des membres du Conseil de sécurité des Nations unies, cité par le journal de la Floride (États-Unis d’Amérique), Miami Herald, dans un article consulté par l’agence en ligne AlterPresse.
Cette force devrait avoir les muscles, les moyens et les capacités de renseignement nécessaires pour combattre les gangs lourdement armés, qui opèrent sur le territoire d’Haïti, rapporte le journal floridien.
Toutefois, une telle force ne devrait pas se substituer à la Police nationale d’Haïti (Pnh).
« Une force internationale ne doit pas se substituer à la Pnh, mais la compléter, et lui fournir des capacités, des armes, des équipements et une expertise spécialisée adéquats. Une coordination et une division du travail élevées entre la force et la Pnh seront essentielles », indique le document.
Ce document, intitulé « Enhanced Security Support to Haiti, Non paper » (Soutien renforcé à la sécurité d’Haïti, document officieux ), circulant parmi les pays membres du Conseil de sécurité de l’Onu depuis juin 2023, entrevoit diverses options que les pays devraient considérer lorsqu’ils évaluent la demande du secrétaire général de l’Onu, le Portugais António Guterres, du gouvernement de facto en Haïti et de l’administration du président étasunien Joe Biden, de diriger une mission de sécurité en Haïti.
« Le document de sept pages, qui souligne que ce n’est pas à des fins de planification, donne un aperçu de la réflexion au siège de l’Onu, où les nations qui pourraient fournir des troupes et des policiers ont cherché à obtenir plus de clarté sur ce à quoi ressemblerait une mission de sécurité en Haïti », révèle Miami Herald.
Le secrétaire général de l’Onu, Antonio Guterres, a écrit pour la première fois au Conseil de sécurité, le 8 octobre 2022, afin de solliciter le déploiement rapide d’une force armée d’action rapide, en réponse à un appel à l’aide du premier ministre de facto en Haïti, Ariel Henry, qui a mis en garde contre « le risque d’une crise humanitaire majeure ».
À l’époque, une puissante fédération de gangs avait pris le contrôle du principal port maritime et terminal de carburant du pays, à Port-au-Prince, forçant les hôpitaux, les écoles et les entreprises à fermer au milieu d’une épidémie de choléra, qui s’aggravait.
Bien que le terminal de carburant ne soit plus sous le contrôle des gangs, la situation en Haïti reste instable.
Soulignant combien la Police nationale d’Haïti (Pnh) est mal équipée et sous-financée, le document de l’Onu indique clairement qu’à mesure que les gangs prennent le contrôle des écoles, les viols de femmes et d’enfants et la brutalité générale s’intensifient, la police ne peut pas faire face à la crise.
La Pnh fait face à des licenciements et à une vague de démissions. Ce qui laisse à peine 3,500 officiers en service permanent sur tout le pays, indique le document.
Le samedi 1er juillet 2023, le secrétaire général de l’Onu, Antonio Guterres, qui était en visite en Haïti, a appelé la communauté internationale à être prête à donner suivi à la décision du Conseil de sécurité, consistant à autoriser le déploiement immédiat d’une force de sécurité internationale robuste, qui viendrait assister la Police nationale d’Haïti dans la lutte contre les gangs armés.
« Ce n’est pas le moment d’oublier Haïti ou d’affaiblir notre solidarité envers son peuple », avait déclaré António Guterres.
Une résolution du Conseil des ministres de facto, prise le jeudi 6 octobre 2022, autorise Ariel Henry à « solliciter et obtenir des partenaires internationaux d’Haïti un support effectif pour le déploiement immédiat d’une force spécialisée armée, en quantité suffisante pour stopper, sur toute l’étendue du territoire, la crise humanitaire.
Cette crise est « causée, entre autres, par l’insécurité résultant des actions criminelles des gangs armés et de leurs commanditaires », selon la résolution du gouvernement de facto.
Antonio Guterres a exhorté la communauté internationale, y compris les membres du Conseil de sécurité de l’Onu, à examiner en urgence la demande du gouvernement de facto en Haïti de déployer, sans délai, une force armée spécialisée internationale pour faire face à la crise humanitaire.
Ce déploiement viserait, notamment, à assurer la libre circulation de l’eau, du carburant, de la nourriture et des fournitures médicales, depuis les principaux ports et aéroports jusqu’aux communautés et aux établissements de soins, selon les Nations unies.
Le dimanche 9 octobre 2022, Guterres a remis au Conseil de sécurité une lettre présentant des options pour un soutien renforcé à la sécurité en Haïti.
Pour sa part, le tiers restant du sénat haïtien d’alors a demandé un sursis à l’exécution de la décision, prise en conseil des ministres de facto, autorisant le déploiement de forces armées étrangères sur le territoire national, dans une résolution adoptée le 9 octobre 2022 et adressée à la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (Cscca).
La demande du gouvernement de facto s’apparente « à une tentative d’un gouvernement illégitime, impopulaire et de plus en plus contesté, de recourir à des forces étrangères pour se maintenir coûte que coûte au pouvoir et retarder ainsi le retour d’Haïti à l’ordre constitutionnel et démocratique », avait fustigé le tiers restant du sénat.
Cette demande d’intervention militaire étrangère en Haïti, formulée par le gouvernement de facto à l’endroit de la communauté internationale, constitue un acte criminel et une trahison, ont qualifié plusieurs organisations nationales.
Le 17 octobre 2022, à New York, la Chine et la Russie ont exprimé des réserves quant à la perspective de déploiement d’une force internationale armée en Haïti, en réponse à la demande du gouvernement de facto en Haïti, lors d’une réunion du Conseil de sécurité de l’Onu.
Les représentants des deux pays ont, durant cette réunion suivie par AlterPresse, pris note de la requête du gouvernement de facto en Haïti, mais aussi des positions exprimées par d’autres secteurs politiques et de la société, en général, contre une éventuelle intervention étrangère.
La Chine a fait part de ses préoccupations, quant au contexte dans lequel se déploierait cette force internationale, et a appelé à la « prudence », alors que des manifestations anti-gouvernementales se poursuivaient sans relâche en Haïti.
Même inquiétude exprimée par la Russie, dont le représentant, Dmitry Polyanskiy, a demandé de « peser toutes les conséquences » du déploiement éventuel d’une force internationale en Haïti.
La Russie a également critiqué des « interférences dans le processus politique haïtien » de la part d’« acteurs régionaux connus, qui considèrent le continent américain comme leur arrière-cour ». [ppsf emb rc apr 06/07/2023 12:20]