P-au-P, 07 juin 2023 [AlterPresse] --- Le mouvement de résistance et d’auto-défense, auquel on attribue le nom de Bwa kale, pour contrer les actions criminelles des gangs armés, constitue un sursaut de la population, qui voudrait aider la police à retrouver et affronter les bandits, analyse l’anthropologue Laënnec Hurbon, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (Cnrs), dans une interview accordée au journal Libération, consultée par l’agence en ligne AlterPresse.
« Ce sont les Haïtiennes et Haïtiens, eux-mêmes, qui essaient de réagir pour s’en tirer », relève-t-il, soulignant que cette posture, « tout à fait nouvelle » d’autodéfense, « demande à être dirigée et contrôlée ».
« L’État n’est plus l’institution, qui s’occupe de la sécurité et du respect des uns et des autres. La population est livrée à elle-même. Elle n’a pas les moyens de comprendre le rapport entre les êtres humains. Haïti semble s’éloigner de l’État de droit ».
« Je suis comme un prisonnier libre, chez moi. »
Comme la plupart des Haïtiens, le professeur Hurbon ne peut plus vaquer normalement à ses activités et subit la loi des gangs. « Je suis comme un prisonnier libre, chez moi. »
Pour l’anthropologue, le premier pas à faire, est de sortir le pays de la criminalité.
« La priorité est de sortir de l’insécurité. On ne peut pas se contenter d’organiser de nouvelles élections, alors que la corruption bat son plein ».
Au-delà d’accords commerciaux, comme le dispositif PetroCaribe qui reliait Haïti et le Venezuela, avant de donner lieu à une gigantesque fraude, l’important, aujourd’hui, est d’asseoir la démocratie, soutenir la citoyenneté, lutter contre la corruption et compenser les dégâts liés à la dette de 1825 par un droit à la réparation, estime Laënnec Hurbon.
Depuis le lynchage, le lundi 24 avril 2023, à Canapé Vert, de 14 présumés bandits, soupçonnés de venir en renfort à un groupe d’individus armés, qui tentaient d’installer leur base à Debussy, non loin de Turgeau, on assiste à un mouvement de résistance et d’auto-défense à travers Haïti.
Dans une interview à la plateforme AlterPresse/AlterRadio, le Groupe de travail sur la sécurité (Gts) avait aussi salué un début de réveil civique.
Plus d’une centaine de bandits ont été lynchés dans le cadre de cette justice expéditive, a relevé le Réseau national de défense des droits humains (Rnddh), dans un rapport en date du mardi 9 mai 2023.
L’Organisation des Nations unies (Onu) parle d’au moins 165 lynchages.
Le Haut-commissariat aux droits humains (Hcdh) de l’Onu a dénombré plus de 600 personnes tuées, pour le seul mois d’avril 2023, dans la nouvelle vague de violence extrême, qui a frappé plusieurs quartiers, dans la zone métropolitaine de la capitale, Port-au-Prince. [mff emb rc apr 07/06/2023 11:45]