Par le Regroupement des Haïtiens de Montréal contre l’Occupation d’Haïti (Rehmonco)
Transmis à AlterPresse le 16 mai 2023
Depuis plusieurs mois, les travailleuses et travailleurs dénoncent la situation de misère abjecte, dans laquelle les classes dominantes et l’État les obligent à vivre. Aggravé par la violence des gangs, leur quotidien se caractérise par un long processus violent de spoliation, au cours duquel elles/ils arrivent à peine à reproduire leur force de travail.
En dépit de l’ambiance de terreur, les travailleuses et travailleurs continuent de lutter pour exiger du patronat, des secteur public et privé, de meilleures conditions de travail, l’ajustement de leurs salaires proportionnellement au niveau de l’inflation, le rétablissement de la sécurité dans les différents quartiers de l’aire métropolitaine de Port-au-Prince et des villes secondaires du pays.
À titre d’illustration, ce vaste mouvement social se développe à travers la grève du personnel de la santé publique depuis plusieurs mois. En effet, suite à plusieurs décennies de coupures budgétaires, les hôpitaux publics sont réduits à une peau de chagrin. Dépourvus de matériels, les hôpitaux sont délabrés à vue d’œil. Par ailleurs, le salaire des médecins et des autres membres du personnel est réduit de plus de moitié, sous l’effet conjugué de l’inflation et de la dépréciation programmée de la monnaie locale, la gourde.
En dépit de l’urgence des revendications de ces travailleuses et travailleurs, le pouvoir public ne s’empresse pas d’entamer des négociations pour rehausser leurs salaires, doter les centres hospitaliers publics d’intrants et de matériels nécessaires à leur fonctionnement. La situation demeure stationnaire, alors que les pauvres, c’est-à-dire la grande majorité de la population, n’ayant pas les moyens de se procurer des soins dans le privé, sont dépourvus d’assistance médicale dans un contexte d’épidémie de choléra et d’insécurité.
Malgré la combativité des syndicats, le même cas de figure se développe dans plusieurs autres domaines de la fonction publique. Dans la branche de l’éducation, les syndicats sont à leur troisième semaine de grève générale, alors que le ministre de facto Nesmy Manigat utilise la procédure du dilatoire. Celui-ci se sert de la politique de l’usure pour casser la mobilisation des enseignantes et enseignants. Alors que les enfants des écoles publiques sont privés de cours à l’approche des examens officiels, le gouvernement de facto tarde à entamer des négociations pour répondre aux revendications des syndicats des enseignantes et enseignants. Cette attitude criminelle s’inscrit dans le prolongement de la tradition obscurantiste de l’État bourgeois haïtien, notamment dans le cas des gouvernements duvaliéristes et néoduvaliéristes consistant à priver les classes populaires des services et d’infrastructures de base.
En outre, la semaine du 8 mai 2023 a été marquée par la forte mobilisation des travailleuses et travailleurs du secteur industriel. Après avoir présenté leurs revendications dans plusieurs conférences de presse, suivies de manifestations et de grèves d’avertissement, le syndicat Batay Ouvriye (B.o.) et ses alliés ont manifesté, massivement, dans les zones de l’aire métropolitaine de Port-au-Prince, pour exiger de meilleures conditions de travail, l’ajustement de leurs salaires à la hauteur de l’inflation. Ils réclament 2,500.00 gourdes (Ndlr : US $ 1.00 = + 150.00 gourdes ; 1 euro = 157.00 gourdes ; 1 dollar canadien = 108.00 gourdes ; 1 peso dominicain = 2.70 gourdes aujourd’hui) comme salaire minimum journalier pour les travailleuses et travailleurs de la sous-traitance, tout en apportant leur appui aux revendications des syndicats de la fonction publique.
La mobilisation a commencé à l’entrée du bâtiment du Parc industriel métropolitain de la Société nationale des parcs industriels (Sonapi), où plusieurs milliers d’ouvrières et d’ouvriers, munis de banderoles et pancartes, se sont rassemblés tôt en matinée. Leur espace de travail s’est transformé symboliquement en lieu de contestation. Avec l’appui de la population, ces travailleuses et travailleurs ont défilé dans les rues de Port-au-Prince, en mettant en avant leurs revendications. Par le truchement de slogans éloquents et incisifs, ils dénoncent le pillage de leur force de travail par les firmes transnationales et les bourgeois locaux, dans un contexte de répression syndicale. Ils assimilent au vol les frais prélevés sur leurs salaires pour la police d’assurance, alors qu’ils n’ont pas droit aux moindres services.
En lançant ce vaste mouvement revendicatif, les syndicats des travailleuses et travailleurs ont déjoué la stratégie du gouvernement de facto, consistant à miser sur l’ambiance de terreur instaurée par les gangs criminels pour réduire les classes laborieuses au silence, en dépit de la répression économique et politique.
Ce réveil a surpris le pouvoir, à un point tel qu’il a dû mobiliser les forces policières pour empêcher les manifestantes et manifestants de se rendre devant la résidence officielle du premier ministre de facto néoduvaliériste Ariel Henry. À plusieurs reprises, les policiers, qui sont toujours incapables de neutraliser les gangs, orchestrant plus d’une vingtaine de massacres dans plusieurs zones du pays, se sont révélés efficaces dans la répression des travailleuses et travailleurs. À coup de matraques, de balles létales et de gaz lacrymogènes à bout portant, ils ont blessé et ont procédé à l’arrestation arbitraire de plusieurs manifestantes et manifestants.
Solidaire à la lutte des travailleuses et travailleurs haïtiens, le Rehmonco dénonce et condamne la répression sanguinaire de la police contre les manifestantes et manifestants. Il réclame la libération sans condition des travailleuses et travailleurs arrêtés. Une fois de plus, le gouvernement néoduvaliériste d’Ariel Henry s’est mis du côté de la bourgeoisie haïtienne et des firmes transnationales, qui exploitent les travailleuses et travailleurs dans les ateliers de misère du Parc industriel à Port-au-Prince et dans les autres villes du pays.
Le Rehmonco en profite pour lancer un appel de solidarité, aux classes laborieuses du Canada, aux plateformes syndicales de l’Amérique du Sud et des Caraïbes, à la lutte des travailleuses et travailleurs haïtiens.
Pour authentification,
Renel Exentus,
Frank W. Joseph
Montréal, le 16 mai 2023
Contact : rehmoncohaiti1915@gmail.com