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Port-au-Prince : situation politique confuse

P-au-P., 24 nov. 02 [AlterPresse] --- Les rumeurs les plus folles courent à Port-au-Prince, qui a retrouvé un calme apparent, après la journée chaude du 22 novembre. A l’ordre du jour, il y aurait la démission de plusieurs personnalités proches du Chef de l’Etat, Jean Bertrand Aristide, notamment des ministres et le rappel des membres du corps américain de sécurité rapproché du président. Il serait même question de l’imminence d’un éventuel abandon du pouvoir par le Président.

Tout cela relève de rumeurs persistantes qui circulent de bouches à oreilles et les téléphones n’arrêtent pas de sonner. Le Secrétaire d’Etat à la Communication, Mario Dupuy a fait savoir cependant le 23 novembre qu’il n’était nullement question de démission du Président Aristide qui doit accomplir son terme de 5 ans. Le responsable d’une organisation de base de Fanmi Lavalas, ayant son siège dans le quartier populaire du Belair (Nord de Port-au-Prince) a même déclaré à la presse que le Chef de l’Etat n’irait nulle part et resterait au pays pour mourir avec ses partisans.

Un flou demeure sur les informations faisant état de démission de la Ministre de l’Education Nationale, Myrtho Celestin, et d’une possible fuite du Ministre de l’Intérieur, Jocelerme Privert. Mario Dupuy a confirmé que Privert se trouve en République Dominicaine, mais en mission pour le gouvernement. Cependant Dupuy n’a pu ni confirmer ni démentir la nouvelle de la démission de Myrtho Celestin.

Evans Paul, responsable de la Confédération Unité Démocratique (KID), membre de la coalition d’opposition Convergence Démocratique, a refusé de commenter directement sur Radio Kiskeya les rumeurs qui circulent autour d’éventuels chambardements politiques en Haïti. Il a néanmoins noté que des signes témoignent de la fragilité du pouvoir : pressions populaires, mobilisation estudiantine, pressions internationales, pressions du secteur privé, répression politique, manœuvres d’intimidation, rumeurs de démission du Chef de l’Etat. Selon Evans Paul, historiquement, en Haïti, ces signes précèdent la chute des gouvernements.

Interrogé par AlterPresse sur les formules susceptibles d’être appliquées au cas où le gouvernement lavalas quitterait le pouvoir, Gérard Pierre Charles, Coordonnateur de l’Organisation du Peuple en Lutte (OPL), parti membre de la Convergence Démocratique, s’est référé à la constitution et à une proposition de la coalition Union Patriotique, qui prônait récemment la mise en place d’un gouvernement provisoire et l’organisation d’élections générales.

Ce sont quand même "des terrains extrêmement compliqués et dangereux", a affirmé Gérard Pierre Charles, des "perspectives hasardeuses", tenant compte de la situation économique très fragile et la réalité des tensions sociales. Pierre Charles estime que la perspective d’une sortie institutionnelle à travers des élections serait moins coûteuse pour le pays. Mais, a-t-il dit, participer à des élections dans les conditions actuelles, se révèle une "équation complexe", a ajouté Gérard P Charles.

Ceci dit, selon le Coordonnateur de l’OPL, Aristide se trouve désormais dans l’obligation de réaliser des élections dans des conditions régulières en respectant strictement la résolution 822 de l’Organisation des Etats Américains. Si non, a-t-il dit, il ne lui restera d’autre choix que partir.

Dans un communiqué en date du 23 novembre paraphé par 18 organisations patronales,
le secteur privé déclare élever "sa voix indignée pour dire au pouvoir lavalas, que le pays ne peut plus, ne veut plus supporter l’intolérable et l’inacceptable". Le communiqué a ainsi caractérisé le fait que "des groupes d’individus se réclamant du parti lavalas et agissant sous la haute protection d’autorités étatiques et de la police, prennent l’initiative de bloquer le pays et la vie nationale par l’instauration d’un climat de terreur", le 22 novembre dernier.

Les associations patronales exigent du pouvoir exécutif l’arrestation du fugitif Amiot Metayer, partisan du Président Aristide, et des autres évadés du 2 Août 2002. Le nom de Amiot Métayer a été cité dans les actes de violences du 17 décembre 2001 et dans les mouvements des derniers jours. Le secteur privé exige également l’arrestation de Paul Raymond et de René Civil, deux responsables de groupes proches du pouvoir, qui, "en plus de graves antécédents, ont revendiqué publiquement les violences et la paralysie de la capitale le 22 novembre".

Les associations patronales demandent, en outre, la révocation immédiate des fonctionnaires qui ont brillé par leur excès de zèle et ont failli à leur responsabilité. "De l’attitude du pouvoir, dépendra celle des autres partenaires engagés dans le processus initié par la Résolution 822 de l’O EA", a déclaré le secteur des affaires.

Au paravant, Le President de la Chambre de Commerce d’Haïti, Maurice Lafortune, s’etait interrogé sur l’opportunité de la participation du secteur privé à la formation du Conseil Electoral Provisoire (CEP).

Dans un communiqué émis ce week-end, la Plate des Organisations Haïtiennes de Defense des Droits Humains (POHDH) a également condamné les événements du 22 novembre et remis en question la participation du secteur des droits humains à la formation du CEP.

Au cours de la soirée du 24 novembre Télé Ti Moun, qui appartient à Aristide, a repris les déclarations menaçantes de partisans du pouvoir, annonçant d’autres mouvements de soutien au Chef de l’Etat pour les jours à venir.

Par ailleurs, des manifestations estudiantines ne seraient pas à écarter au cours de la semaine à venir, a-t-on appris de source proche des milieux universitaires.

Le Comité de Coordination de Plaidoyer pour les Droits des femmes, qui regroupe 9 organisations et institutions engagées dans la lutte des femmes, invite, pour sa part, la population a un rassemblement au Champ de mars ce 25 novembre, journée internationale contre la violence exercée sur les femmes. Le comité, qui a condamné "la terreur" qui s’est installé dans les différents quartiers de la capitale, a déclaré que les mouvements de femmes ne se laisseront pas intimidés. [gp apr 24/11/02 22:00]