P-au-P, 08 mai 2023 [AlterPresse] --- Des ingénieurs-agronomes expriment de vives inquiétudes face aux risques de plus en plus accrus d’une famine généralisée en Haïti, dans des interviews accordées à la plateforme AlterPresse/AlterRadio.
« Nous nous dirigeons vers une catastrophe, en termes de disponibilité de la production alimentaire. Ce qui veut dire vers une famine généralisée », avertit l’ingénieur-agronome Jean André Victor, par ailleurs un des dirigeants du parti politique Mouvement patriotique populaire dessalinien (Mopod).
Avec la croissance de la population, la situation risque de se détériorer si aucune amélioration n’est apportée dans le système, ajoute-t-il.
Il existe une grave insécurité alimentaire avec des chiffres, avoisinant les 5 millions d’habitantes et d’habitants, avait alerté la Coordination nationale de la sécurité alimentaire (Cnsa).
Le nombre de personnes, confrontées à une insécurité alimentaire aiguë et nécessitant une aide alimentaire nutritionnelle ainsi que des moyens de subsistance, a augmenté pour la quatrième année consécutive en 2022, avec plus d’un quart de milliard de personnes, exposées à un état de malnutrition aiguë, et de nombreux habitants/habitantes de sept pays au bord de la famine, selon le dernier rapport mondial sur les crises alimentaires (Global report on food crises), rendu public le 3 mai 2023.
Les habitantes et habitants de sept pays (Afghanistan, Burkina Faso, Haïti, Nigéria, Soudan du Sud et Yémen) font face à une situation de famine et de dénuement, ou à des niveaux catastrophiques de faim aiguë à un moment ou à un autre de l’année 2022.
Pour la première fois dans l’histoire du pays, Haïti fait partie des pays les plus affectés par la famine et le dénuement, selon le document de Global report on food crises.
D’après les chiffres disponibles, l’agriculture haïtienne, n’arrivait pas, en temps normal, à nourrir 10 à 12 millions d’habitantes et d’habitants, rappelle Jean André Victor, dans des propos à la plateforme AlterPresse/AlterRadio.
Les gens ne rendent pas clairement compte de l’état de la famine, à cause de l’aide en provenance de la diaspora et de la solidarité nationale. Les actions de la communauté internationale, visant à venir en aide à un nombre limité de personnes, ne dureront pas, car elles ne s’attaquent pas à la profondeur de la crise, souligne-t-il.
« La réponse nationale devrait venir des Haïtiennes et Haïtiens. Mais, malheureusement, nous ne sommes pas conscients de ce problème réel ».
« De 2012 à 2021, la situation s’est aggravée. De 2021 à date, nous nous trouvons au milieu de la catastrophe », déplore l’ingénieur-agronome Victor, se basant sur les dernières données du recensement, de 2012, du Ministère de l’agriculture, des ressources naturelles et du développement rural (Marndr).
Le Marndr se concentre plus sur l’aide humanitaire, regrette-t-il, tout en préconisant l’adoption de plans méthodiques et rationnelles, afin de permettre le bon fonctionnement des ministères.
Haïti remplit toutes les conditions pour assurer une production agricole équilibrée, estime, d’emblée, l’ingénieur-agronome Talot Bertrand, spécialiste en éducation relative à l’environnement et secrétaire général de l’organisation Promotion pour le développement (Promodev), interrogé par AlterPresse/Alterradio.
« Nous vivons sur une île. Nous pouvons trouver de l’eau. Nous pouvons aménager des canaux d’irrigation, réaliser des travaux de drainage ».
Une enquête, conduite en 2004 et publiée en 2008, a révélé combien Haïti possède 1 million 053 mille 105 carreaux de terres, favorables à la production de différents types de nourriture, dans les mornes et dans les plaines, signale Talot Bertrand.
Le secrétaire général de Promodev fustige le comportement négligeant des responsables politiques dans le pays ainsi que de celles et ceux qui ont des moyens financiers, face à l’état dans lequel se trouve la production agricole.
Les crises socio-politiques en Haïti, les phénomènes naturels et les changements climatiques entrainent également de graves conséquences sur le système de production, relève Talot Bertrand.
Il plaide en faveur de la mise en place d’une nouvelle vision au Ministère de l’agriculture, qui serait capable, à travers une politique agricole nationale véritable, d’impulser des signaux clairs, pour changer la donne dans l’agriculture en Haïti. [je mff emb rc apr 08/05/2023 11:45]