P-au-P, 17 avril 2023 [AlterPresse] --- Des personnalités appellent la justice en Haïti à juger et sanctionner les personnes, ciblées par les sanctions prises par la République Dominicaine, après celles du Canada et des États-Unis d’Amérique, dans des interviews à la plateforme AlterPresse/AlterRadio.
« Il faut que la justice haïtienne prenne ses responsabilités pour sanctionner ceux qui méritent d’être sanctionnés. Je suppose aussi qu’elle a des données concernant certaines personnalités », considère le directeur exécutif de l’Initiative de la société civile (Isc), Rosny Desroches.
Jointe au téléphone par la plateforme AlterPresse/AlterRadio, l’Isc demande à la justice en Haïti de réagir face aux sanctions à l’égard de certaines personnalités en Haïti.
« Je pense aussi que la République Dominicaine possède un bon système d’information et de renseignement. Je ne souhaite pas qu’elle accuse ces gens sans preuve », espère l’Isc.
Les sanctions, prises par le Canada, les États-Unis et la République Dominicaine pourraient assainir la situation de crise pour nous sortir de l’atmosphère de criminalité en Haïti, considère l’initiative de la société civile.
L’Isc exhorte le prochain Conseil électoral provisoire (Cep) à sanctionner aussi les personnalités, ciblées par les autorités dominicaines, américaines et canadiennes, en les empêchant de participer au futur processus électoral, afin que le pouvoir législatif et exécutif puisse être doté de personnalités intègres, sérieuses pouvant sortir le pays dans cette situation de crise.
« Il faut démanteler aussi les gangs armés, qui sèment la terreur dans le pays. La Police nationale d’Haïti (Pnh) et les Forces armées d’Haïti (Fad’h) doivent faire en sorte qu’elles se séparent de tous les mauvais éléments, qui peuvent corrompre les institutions. Les autorités haïtiennes doivent s’assurer qu’elles détiennent la violence légitime ».
Après le Canada et les États-Unis, les autorités dominicaines ont, à leur tour, annoncé des sanctions contre 39 personnalités politiques haïtiennes et autres, qui représenteraient une menace aux institutions et intérêts dominicains, et seraient impliquées dans la violence en Haïti, selon les services de renseignements de la République Dominicaine.
Un ordre, signé du président dominicain Luis Rodolfo Abinader Corona, en date du 14 avril 2023, empêche désormais l’entrée dans son pays de plusieurs politiciens haïtiens, dont les anciens premiers ministres Laurent Salvador Lamothe et Evans Paul, en vue de « protéger la sécurité » de la population dominicaine.
Le titulaire de facto en fonction du Ministère de l’agriculture et des ressources naturelles (Marndr), Brédy Charlot, n’a plus le droit, non plus, de fouler le sol dominicain.
Le Canada et les États-Unis ont déjà sanctionné plus d’une soixantaine de personnes, depuis octobre 2022, pour financement des gangs, corruption et blanchiment d’argent, issu, entres autres, du trafic de drogue.
Une aide à la lutte contre la corruption, selon l’économiste et politologue, Joseph Harold Pierre
Les sanctions, infligées par le Canada, les États-Unis et la République Dominicaine peuvent aider à lutter contre la corruption, affirme, de son coté, l’économiste et politologue, Joseph Harold Pierre, dans une interview accordée à AlterPresse/AlterRadio.
Les personnes sanctionnées n’auront pas les mêmes influences dans le pays. Elles seront affaiblies. Elles ne pourront assurer aucune occupation politique, avance Joseph Harold Pierre, anticipant l’émergence d’une nouvelle classe politique, comme il l’a toujours souhaitée.
De plus, les sanctions devraient permettre l’émergence d’un autre secteur économique. En ce sens, les sanctions morales sont très importantes, ajoute-t-il.
Aau point de vue économique, les sanctions dominicaines peuvent être plus importantes que celles des États-Unis et du Canada, car ces deux pays sont concurrents pour attirer les investissements haïtiens, explique-t-il.
« La Banque centrale avait déclaré qu’Haïti a transféré environ 500 millions de dollars en République Dominicaine, l’année dernière (en 2022. De jour en jour, les Haïtiennes et les Haïtiens investissent en République Dominicaine ».
Le travail doit continuer à l’internationale, mais aussi au niveau de la justice en Haïti, qui doit s’y impliquer, suggère Joseph Harold Pierre.
Par conséquent, la communauté internationale devrait aider le gouvernement en Haïti à renforcer les forces de l’ordre, et la justice haïtienne à juger les personnes sanctionnées.
Un accompagnement doit également être fourni à la Police nationale d’Haïti (Pnh), pour combattre les gangs armés et lever l’embargo sur la rentrée d’armes en Haïti.
AlterPresse a essayé de contacter, mais, en vain, le directeur exécutif du Réseau national de défense des droits humains (Rnddh), Pierre Espérance, dont le nom figure paradoxalement sur la liste des 39 personnes sanctionnées par les autorités dominicaines.
La plateforme des organisations haïtiennes des droits humains (Pohdh), à laquelle fait partie le Rnddh, dit ne pas être en mesure d’opiner sur ce dossier.
Réactions de personnes ciblées
Figurant sur la liste des personnes sanctionnées par les autorités dominicaines, l’ancien sénateur Antonio Chéramy, de son nom d’artiste Don, Kato indique, d’un air ironique, qu’il n’a pas mis les pieds en terre voisine depuis plus de 10 ans, dans une vidéo circulant sur les réseaux sociaux.
Tout en minimisant cette sanction, Chéramy critique le fait que les autorités n’ont pas mentionné des noms connus, comme Gilbert Bigio (sanctionné en décembre 2022 par le Canada) et l’ancien président haïtien Joseph Michel Martelly (également sanctionné en novembre 2022).
« Cela ne me surprend pas beaucoup d’être sanctionné par la République Dominicaine. Je ne sais pas encore la motivation de cette sanction. Mais cela ne me dérange pas d’être interdit d’entrée en République Dominicaine, parce que je n’ai aucun bien en terre étrangère », déclare Evans Paul, l’ancien premier ministre (du 18 janvier 2015 au 28 mars 2016) de Joseph Michel Martelly, qui a fait circuler un audio.
« Depuis quelque temps, il y a un processus visant à exclure le peuple dans le choix et dans les décisions politiques. Cela prend plusieurs formes. L’une d’entre elles, c’est de former une liste pour reprocher et sanctionner des personnalités sans donner aucune explication », dénonce Evans Paul. [je emb rc apr 17/04/2023 16:55]