P-au-P, 11 avril 2023 [AlterPresse] --- Le Réseau national de défense des droits humains (Rnddh) déplore une banalisation des cas de viols et d’enlèvements, suivis de séquestration contre rançons, par des tribunaux de certaines juridictions du pays, dans un rapport, en date du lundi 10 avril 2023, sur la réalisation des audiences criminelles dans certaines juridictions de première instance du pays, dont a pris connaissance l’agence en ligne AlterPresse.
Les viols continuent d’être banalisés par certains doyens des tribunaux criminels, condamne le Rnddh.
« Dans la juridiction de première instance de Jacmel (Sud-Est), au moins six (6) cas de viol ont été fixés. Parmi eux, deux (2) ont abouti à la condamnation des accusés, trois (3) cas ont été renvoyés et pour un (1) cas, l’accusé a été libéré ».
Jugé coupable de viol sur une mineure, par le tribunal criminel de Jacmel, le 6 décembre 2022, Emmanuel Georges n’a été condamné qu’au temps déjà passé en prison, soit quatre (4) ans et neuf (9) mois, signale le Rnddh.
L’accusé avait perpétré ce viol le 9 février 2018.
L’autre cas de condamnation, qui retient l’attention du Rnddh, est celui de Simoné Josemond, jugé coupable, le 13 décembre 2022, par le tribunal criminel de Jacmel pour viol perpétré à Belle Anse, le 3 avril 2018, sur une mineure de quatorze (14) ans.
Josemond a été condamné à quatre (4) ans sept (7) mois et dix-sept (17) jours de prison.
Dans la juridiction de Jérémie (Grande Anse, une partie du Sud-Ouest d’ Haïti), le 15 décembre 2022, Rony Caze a été jugé coupable des faits d’agressions sexuelles par le tribunal criminel de ce ressort.
Rony Caze a été condamné à trois (3) ans d’emprisonnement avec bénéfice de la Loi de Lespinasse.
Selon l’article 2 du décret du 6 juillet 2005, « l’article 278 du Code Pénal se lit désormais comme suit : Quiconque aura commis un crime de viol, ou sera coupable de toute autre agression sexuelle, consommée ou tentée avec violence, menaces, surprise ou pression psychologique contre la personne de l’un ou l’autre sexe, sera puni de dix ans de travaux forcés », rappelle l’organisme de droits humains.
« Si le crime a été commis sur la personne d’un enfant au-dessous de l’âge de quinze ans accomplis, la personne coupable sera punie de quinze ans de travaux forcés », précise l’article 3 dudit décret.
En plus de ces cas de viols isolés, le Rnddh avait fait état d’au moins 102 femmes et filles victimes de viols collectifs et répétés, dans 6 massacres sur 19 en Haïti, de 2018 à 2022.
Dans un rapport en date du mardi 4 avril 2023, la Cellule d’observation de la criminalité (Coc) du Centre d’analyse et de recherche en droits humains (Cardh) évoque 389 enlèvements, recensés pour le premier trimestre de 2023 (janvier à mars 2023).
Banalisation des cas d’enlèvements
« L’un des rares cas d’enlèvement, suivi de séquestration contre rançon, a abouti à la condamnation à quatre (4) ans d’emprisonnement de l’accusé », rappelle le Réseau national de défense des droits humains, tout en soulignant une banalisation des cas d’enlèvements en Haïti.
Le Rnddh cite la condamnation, le 9 décembre 2022, de Jamesley François, par le Tribunal criminel de Jacmel pour association de malfaiteurs, enlèvement dans la nuit du 27 au 28 juin 2019 et séquestration contre rançon.
« Seront punis, de travaux forcés à perpétuité, ceux qui auront enlevé, détenu ou séquestré ou tenté d’enlever, de détenir ou de séquestrer des personnes quelconques, dans le but d’obtenir une rançon. Quiconque aura facilité l’enlèvement, prêté un lieu pour exécuter la détention ou la séquestration, ou aura été complice de tels actes subira la même peine », dispose l’article 1er du Décret du 4 mai 2005.
La justice haïtienne ne protège pas les mineurs en conflit avec la loi, critique, par ailleurs, le Rnddh, prenant en exemple le cas de Chespiter Israël.
Incarcéré, depuis 2016, à la prison civile de Jérémie pour le crime de viol, alors qu’il était âgé de dix-sept (17) ans, Israël n’a bénéficié d’aucune protection en raison de son statut de mineur.
Il n’a été jugé que le 14 décembre 2022, soit six (6) ans après son incarcération. Il a été condamné, par le tribunal criminel de Jérémie, à sept (7) ans d’emprisonnement, avec bénéfice de la loi de Lespinasse, mentionne le Rnddh.
« Or, les lois du 31 juillet 1952 et du 20 novembre 1961 tracent une procédure particulière en matière de délinquance juvénile, avec, pour objectif principal, la soustraction des mineurs des milieux carcéraux et leur préparation à la réinsertion sociale ».
Chespiter Israël a été jugé après avoir passé six (6) années en situation de détention préventive illégale et arbitraire, au cours de laquelle il a été, comme tous les autres détenus-es de la prison civile de Jérémie, soumis à des traitements cruels et inhumains, déplore le Réseau national de défense des droits humains. [emb rc apr 11/04/2023 12:30]