P-au-P., 06 mars 2023 [AlterPresse] --- Le Dr. Jean William Pape, directeur et fondateur des centres du Groupe d’étude haïtien sur le sarcome de Kaposi et les infections opportunistes (Gheskio), professeur de médecine à l’université Cornell (USA), lance, ce 6 mars 2023, un cri d’alarme face à l’éventualité d’un « massacre à la Rwanda » [1] en Haïti, apprend l’agence en ligne AlterPresse.
Le Dr. Pape appelle à l’action citoyenne face au nouveau cran, franchi, ces derniers jours, par la violence et l’insécurité en Haïti, alors que la communauté internationale joue « au Ponce Pilate ».
Le médecin, internationalement connu, s’est exprimé dans un message, adressé en réponse à un courriel reçu d’une femme travaillant dans la santé, lui informant de l’attaque d’un gang armé sur un membre de sa famille dans sa résidence, de son kidnapping, des actes horribles (œil crevé…) et de sa disparition depuis l’incident.
AlterPresse a obtenu l’autorisation de publication (ci-dessous) des extraits du message en question, qui souligne, en outre, la nécessité d’une prise de conscience et d’une mobilisation de la diaspora haïtienne, face à la « descente aux enfers » d’Haïti.
Les violences armées ne cessent point de s’intensifier, depuis plus d’une semaine (depuis le lundi 27 février 2023), dans divers quartiers de la capitale, assiégés par les bandes armées, et les actes de kidnappings montent en flèche, dans le silence et l’apparente inaction des autorités.
En plus d’être directeur et fondateur des centres Gheskio en Haïti, le Dr. Pape enseigne la médecine au Weill Cornell Medical College de l’Université Cornell, aux États-Unis d’Amérique.
Depuis 2021, le Dr. Jean William Pape est membre du Conseil scientifique de l’Organisation mondiale de la santé (Oms/Who), aux côtés de huit autres experts internationaux, dont 2 prix Nobel.
Extraits du message du Dr Jean William Pape
« Il est plus que temps pour nous de réagir, car ces crimes vont se multiplier et nous serons tous victimes.
Il est plus que temps d’arrêter cette descente en enfer.
Il faut faire clairement
1) faire savoir à l’international qu’en jouant au Ponce Pilate, ils seront responsables d’un massacre à la Rwanda en Haïti. Ils ont, comme nous, leur part de responsabilité et doivent nous aider à résoudre cette crise sans nom. Cette descente aux enfers s’est faite pendant que le pays était « sous occupation ».
2) Il faut informer vos parents et amis de la Diaspora, des États-Unis et du Canada en particulier, de se solidariser avec nous, qui vivons, jours et nuits, dans l’insécurité la plus totale. Jusqu’ ici, notre Diaspora, qui s’était manifestée sur le pont de Brooklyn, quand le CDC nous avait mis dans la catégorie des 4H, est restée silencieuse. Cette fois, c’est plus grave que les 4H, c’est la disparation d’un pays : la capitale est encerclée et isolée, les talents fuyant l’insécurité et facilités par la loi Biden quittent le pays en nombre considérable, les écoles ferment leurs portes ou fonctionnent par Internet, le commerce se meurt, tous les jours les femmes sont humiliées et violées, les gens tués ou kidnappés, même à l’intérieur de leurs maisons et sont forcés d’abandonner leurs lieux de résidence.
Cessons d’être des hypocrites et des zombies ! L’international a pris comme prétexte, pour ne pas intervenir, nos divergences sur l’arrivée d’une force internationale en appui à la Pnh. L’enquête d’Agerca a révélé que 69% des Haïtiens supportent l’envoi d’une force internationale. Comme ils ne peuvent plus prendre cette excuse, ils demandent un plus large consensus politique national sur cette question.
3) Il faut mettre la pression sur les politiciens, qui préfèrent laisser mourir ce pays plutôt que d’avoir une force internationale, tout en étant incapable de proposer une alternative à cette force. Leur réponse est que toute force internationale viendra en appui au PM Ariel Henry. On a dépassé ce stade. Il en va de la mort d’Haïti.
Nous avons besoin d’une force internationale, pour contribuer à réduire l’insécurité. Il est plus évident que la Pnh, a elle seule, ne peut pas régler ce problème, auquel nous sommes tous confrontés. C’est d’ailleurs le rôle d’une armée bien entrainée et bien équipée, que nous n’avons pas.
Aujourd’hui, il s’agit de porter assistance à un pays en danger. Il ne s’agit pas d’une force d’occupation.
Cependant, en mettant notre tête dans le sable, pour ne pas voir le danger imminent qui nous menace tous, nous allons tout droit vers un carnage national, qui forcera, cette fois, l’international à venir avec une force d’occupation, ce qu’aucun de nous n’aurait souhaité.
Il semble évident que nous avons oublié notre devise !
Il faut agir vite, avant qu’il ne soit trop tard.
C’est un appel au réveil citoyen ! »
[apr 06/03/2023 22:00]
[1] Ndlr : Le génocide des Tutsis au Rwanda, du 7 avril au 17 juillet 1994. Un million de victimes ont été recensées en 3 mois.