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Haïti-Criminalité : Sur le qui-vive… dans différents quartiers à Port-au-Prince

Inquiétudes grandissantes chez des milliers de familles

P-au-P, 04 mars 2023 [AlterPresse] --- « Je n’arrive à avaler absolument rien. Je suis extrêmement sous le choc de ces crépitements d’armes, qui résonnent presque sans arrêt, depuis 6 jours. Je suis en alerte. J’essaie d’obtenir des informations des quartiers avoisinants, pour avoir le pouls de la situation. J’ai déjà rempli un petit sac avec de menus effets personnels. Le cas échéant, je serais contraint de partir avec le reste de la famille. Ma famille et moi, nous restons les yeux ouverts »…

Tel est le témoignage, à AlterPresse, d’une famille riveraine, dans un des quartiers sous le feu trépidant des gangs armés depuis 6 jours.

Un nombre important de personnes voient leurs membres qui tremblent, leurs mains moites, des suites de ces tirs d’armes incessants et de l’angoisse qui les taraude sur ce qui va avoir lieu, les jours à venir.

Le niveau d’incertitude et d’inquiétudes tend à prendre des proportions démesurées.

Il n’y a aucune institution de recours, ni d’autorités qui prennent cas de ce que ces milliers de personnes sont en train de subir, la mort dans l’âme.

Au terme d’une semaine d’attaques répétées de gangs armés, les rues de plusieurs quartiers sont désertes, selon les témoignages obtenus par AlterPresse de riveraines et riverains du centre-ville de la capitale, Port-au-Prince.

Un nombre indéterminé de familles ont abandonné leurs demeures pour aller se réfugier ailleurs, dans des endroits moins exposés aux assauts des bandes criminelles.

Est-ce qu’il existe vraiment des lieux moins exposés aux gangs armés, aujourd’hui en Haïti ?

La plupart des activités régulières, incluant le petit commerce de biens les plus essentiels à la consommation, sont paralysées.

A côté des difficultés sécuritaires, l’accès à l’eau reste déterminant.

Personne ne sait jusqu’à quand il sera possible de mettre fin à cette réalité de terreur, totalement ignorée par les autorités de facto.

Des assaillants ont mis le feu dans plusieurs maisons à Bélo, dans la zone de Sans Fil, selon les informations parvenues à AlterPresse.

Les dégâts psychologiques et matériels sont difficiles à mesurer.

Celles et ceux, qui y résidaient, ont été ainsi contraints de se déplacer… vers d’autres endroits.

Nou p ap kite zòn lakay nou yo pou bandi. N ap defann katye nou jis nan bout. (Nous ne laisserons pas nos maisons aaux mains des bandits. Nous continuerons de défendre nos quartiers jusqu’au bout).

Ainsi, les familles ont-elles essayé d’évacuer leurs enfants et d’autres personnes, plutôt de santé fragile.

Tout de même, elles sont nombreuses, les familles qui ont décidé, de rester dans leurs quartiers menacés par les armes, en essayant de mettre en place des dispositifs minima d’autodèfense.

Face à la terreur, qui les frappe davantage depuis le lundi 27 février 2023, beaucoup se sont concertés pour ériger des barricades de prévention.

Il se développe un début de mobilisation communautaire pour empêcher les gangs de pénétrer dans les quartiers. Avec des dispositifs de vigilance appropriée, les jeunes dans la plupart des quartiers se relaient pour contrôler les entrées et sorties dans plusieurs zones, comme Solino, Delmas 24, les avenues Poupelard et Martin Luther King (Nazon), etc.

Les impasses et corridors sont barricadés à l’aide de divers matériels collectés aux alentours.

Depuis plusieurs jours, les transports publics, incluant les motos-taxis, deviennent de plus en plus rares. La circulation piétonnière a aussi diminué considérablement. Les habitantes et habitants s’aventurent dans les rues pour des besoins pressants, qui ne peuvent pas attendre ni être différés, comme l’évacuation de leurs proches ou les efforts de se ravitailler en pain, eau et autres.

Ce serait une tentative d’extension, vers des quartiers jusque-là non contrôlés et non soumis aux rapines et rackets des bandes criminelles, de la guerre, mise en œuvre, depuis plusieurs mois, par la fédération de gangs G9 an fanmi e alye, qui s’est associée avec d’autres gangs comme Krache dife, selon les données disponibles.

Plus d’un évoquent une tentative de conquêtes de pans de territoires, orchestrées en toute impunité par les hordes criminelles…

Après les assauts sur Martissant (périphérie sud) depuis le 1er juin 2021, les gangs armés voudraient installer leurs bases d’extorsions dans toute la zone métropolitaine de la capitale, comme Croix des Bouquets et Tabarre (au nord-est), Torcelle, Pernier, Frères, Laboule, Fort Jacques (à l’est)…, Cité Soleil, Sarthes, Canaan (au nord).

La perpétration de ces nouvelles agressions armées dans l’ensemble des quartiers, dans la zone métropolitaine de la capitale, Port-au-Prince, survient dans un contexte de multiplication des manœuvres de gangs armés et des actes de kidnapping, comme devant des établissements scolaires, parallèlement à une mission expresse d’une délégation de la Communauté des Caraïbes (Caricom) et l’annonce d’une remplaçante, l’Équatorienne Maria Isabel Salvador, à l’Américaine Helen Meagher La Lime, à la tête du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (Binuh) très décrié sur le territoire national. [emb rc apr 04/03/2023 18:00]

Photo : capture d’écran