P-au-P, 08 févr. 2023 [AlterPresse] --- Sanctionnés, le lundi 5 décembre 2022, par le gouvernement du Canada pour cause de corruption et de financement des gangs armés en Haïti, Gilbert Bigio et Sherif Abdallah, deux membres très en vue de l’élite économique en Haïti, auraient été aidés, pendant des années, par des avocats et banquiers de Floride (États-Unis d’Amérique), dans l’achat de sociétés offshore et de propriétés de luxe, révèle une enquête du Consortium international des journalistes d’investigation (Icij), dont a pris connaissance l’agence en ligne AlterPresse.
Gilbert Bigio et Sherif Abdallah étaient propriétaires, administrateurs ou actionnaires d’au moins 20 sociétés offshore (une société offshore est une société ayant établi son siège social dans un pays étranger, qui lui offre des avantages fiscaux), grâce à des avocats et des banquiers américains, selon l’enquête, citant les archives des Pandora Papers, une investigation mondiale menée en 2021 par le Consortium international des journalistes d’investigation (International consortium of investigative journalists / Icij) et des partenaires médiatiques.
Bigio et Abdallah n’ont pas répondu aux demandes de commentaires sur les faits les concernant, selon l’article de l’Icij.
Todd Rosenberg, cofondateur du cabinet d’avocats Packman, Neuwahl & Rosenberg, basé à Miami, et Richard Bajandas, associé fondateur d’un autre cabinet d’avocats de Floride, Perlman, Bajandas, Yevoli & Albright, avaient mis en avant l’intégrité des deux hommes d’affaires, pour justifier leurs collaboration avec eux, à l’époque.
Des avocats et des banquiers de Miami ont notamment fourni à ces hommes d’affaires des conseils fiscaux, des lettres de référence et d’autres services, selon l’Icij.
« Bigio était lié à au moins une douzaine de sociétés de ce type, dont beaucoup ont été créées aux Bahamas. Il a également créé deux fiducies [1], des entités secrètes, qui peuvent offrir des avantages fiscaux et qui, souvent, ne nécessitent pas une déclaration aux gouvernements ».
Une fiducie investit dans l’industrie du carburant, tandis que l’autre fiducie, le Deep Blue Trust, détenait une participation de 31 millions de dollars américains dans des entreprises haïtiennes et possédait une maison de 3 millions de dollars dans l’enclave de Bal Harbour dans le comté de Miami-Dade.
Elles auraient été utilisées au profit des membres de la famille de Bigio, vivant aux États-Unis, toujours selon les archives de l’Icij.
« Quant à Abdallah, il possédait au moins quatre sociétés, enregistrées aux Bahamas. En 2017, selon un document, Abdallah a créé une société, dans les îles Vierges britanniques, pour posséder un yacht d’un million de dollars, nommé Karisa », souligne l’enquête.
Sherif Abdallah a représenté l’Italie en tant que consul honoraire en Haïti, pendant plus d’une décennie, selon les archives des Pandora Papers, alors que Gilbert Bigio a été consul honoraire d’Israël en Haïti, pendant plus de vingt ans.
Suite aux sanctions du Canada à son encontre, Abdallah a démissionné de son poste de vice-président de la Sogebank en Haïti,.
Le 17 novembre 2022, le gouvernement du Canada a pris les mêmes sanctions contre l’actuel sénateur du Plateau central Rony Célestin, l’ancien sénateur du Sud Hervé Fourcand et l’ancien député Gary Bodeau, ainsi que contre l’ancien président Joseph Michel Martelly (14 mai 2011 - 7 février 2016) et deux anciens premiers ministres, Laurent Salvador Lamothe (16 mai 2012 - 14 décembre 2014) et Jean Henry Céant (17 septembre 2018 - 18 mars 2019), suspectés d’être de mèche avec les gangs armés en Haïti.
Le 3 novembre 2022, les gouvernements du Canada et des États-Unis ont aussi sanctionné le président du tiers restant du sénat, Joseph Lambert, et l’ex-président du grand corps, l’ancien sénateur Youri Latortue, qu’ils soupçonnent de trafic illicite de drogue et de financement d’activités criminelles, entre autres, en Haïti. [emb rc apr 08/02/2023 12:45]
[1] C’est une opération par laquelle une personne, appelée « constituant », confie la propriété de biens, de droits ou de sûretés présents ou futurs à un tiers appelé fiduciaire, agissant au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires, avec des conditions d’usage ou de durée.