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Port-au-Prince : les partisans du pouvoir lavalas forcent la population à rester chez elle

P-au-P., 22 nov. 02 [AlterPresse] --- Port-au-Prince a été une ville morte ce 22 novembre, suite à l’action des partisans du pouvoir lavalas qui ont barricadé les principales artères de la capitale pour apporter leur soutien au président Jean Bertrand Aristide.

La ville s’est réveillée sous une epaisse fumée de pneus enfammes, alors que des carcasses de voiture, grosses pierres et branches d’arbres jonchaient la chaussée. Des tirs nourris à l’arme automatique ont été entendus tout au cours de la nuit.

Les ecoliers, travailleurs, commercants, fonctionnaires publics et privés ont été contraints de rester chez eux. Ceux qui se sont aventurés tot dans les rues ont du rebrousser chemin sous la pression d’individus lourdement armés. Aucune présence de la police n’a été constatée. Des temoins ont affirmé avoir vu des vehicules de l’administration publique prendre part a l’operation.

Deux des principaux leaders des organisations de base du parti Fanmi Lavalas, René Civil et Paul Raymond, ont revendiqué le mouvement qui a paralysé la capitale ce 22 novembre. Selon eux, ce mouvement vise à bloquer "la violence de la Convergence Democratique, qui veut pietiner le vote du peuple".

Dans des interviews accordées aux médias de la capitale, Paul Raymond a denoncé "un secteur de la communauté internationale et de la société civile haitienne qui ont mis en œuvre un plan de destabilisation du gouvernement lavalas".

Les autorités lavalas ont gardé le silence sur les evenements du jour : aucun communiqué officiel n’a fixé la position du gouvernement et les responsables etaient generalement introuvables.

La police a affirmée qu’elle a été prise de cours par ce "mouvement spontané", ce qui expliquerait sa passivité.

Les partis et organisations politiques qui ont pris part a la manifestation du Cap Haïtien le 17 novembre dernier ont condamné les actes des partisans du pouvoir. Evans Paul de la Confederation Unité Democratique (KID) qui a présenté dans les médias un communiqué conjoint a imputé aux membres d’organisations de base de Fanmi Lavalas les rafales d’armes automatiques entendues durant la nuit du 21 novembre. Il a demandé au peuple de faire preuve de courage et de continuer a se mobiliser.

Le President de la Chambre de Commerce d’Haïti a également condamné le mouvement entrepris par les militants de base lavalas. Il en a profité pour s’interroger sur la participation effective du secteur privé, des eglises et du secteur des droits humains a la formation du CEP.

Des membres du secteur privé auraient tenu une reunion dans l’après-midi de ce 22 novembre afin d’évaluer la conjoncture et même revoir leur participation au CEP, a appris AlterPresse.

Le secteur des droits humains devrait se rencontrer durant le week-end autour des questions de conjoncture, sans ecarter l’idée d’examiner l’opportunité de leur participation au CEP, a confié a AlterPresse un responsable d’organisme de droits humains.

Le Comité de Coordination de Plaidoyer pour les Droits des femmes, qui regroupe 9 organisations et institutions engagées dans la lutte des femmes, a lui aussi condamné "la terreur" qui s’est installé dans les differents quartiers de la capitale. Olga Benoit qui intervenait a la radio au nom du comité a relevé les "faiblesses" du gouvernement lavalas.

"Nous avons ras le bol de la politique de corruption et de gaspillage", a declaré Olga Benoit. Invitant la population a un rassemblement au Champ de mars le 25 novembre, journee internationale contre la violence exercee sur les femmes, elle a fait savoir que les mouvements de femmes ne se laisseront pas intimidés.

Depuis le 21 novembre, la Ministre de l’Education Nationale, Myrtho Celestin, a demissionné de son poste, selon des informations qui ont circulé à travers la ville et qui ont pu être confirmées au cours de la journée du 22. Des rumeurs d’autres démissions ou défections au niveau du gouvernement vont bon train.

Les evenements du jours se produisent dans une conjoncture brumeuse, où la formation d’un nouveau Conseil Electoral Provisoire, en vue d’élections législatives et municipales l’année prochaine, fait face a des reticences et resistances, notamment à cause des questions de securite, evoquees par les secteurs concernés.

Ces derniers jours, des manifestations se sont multipliees contre le pouvoir en place. Le 17 novembre entre 15 et 25 milles personnes sont descendues pacifiquement dans les rues du Cap Haïtien, deuxième ville du pays (Nord). La manifestation a été convoquée par l’association socio-politique Initiative Citoyenne, d’un commun accord avec plusieurs responsables de l’opposition.

A Petit Goave (Ouest), plusieurs jours de suite, des milliers de personnes, notamment des ecoliers, ont également manifesté pour exprimer leur rejet d’Aristide et du pouvoir lavalas. Au cours de ces manifestations une dizaine de personnes a été blessée par balles, dont 7 écoliers.

Des manifestations pro-aristide de moindre ampleur ont également eu lieu au Cap Haïtien et aux Gonaives (Artibonite). Dans cette ville, les mouvements ont été conduits par le fugitif Amiot Metayer accompagné de civils lourdement armés, qui ont pourchassé ecoliers et journalistes. 7 correspondants de presse aux Gonaives ont été obligés d’entrer depuis le 21 novembre dans le maquis. (gp apr 22-11-02 18:00)