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Gangs armés : La cheffe du Binuh alerte sur les niveaux jamais atteints de violence, depuis plusieurs décennies en Haïti

P-au-P, 25 janv. 2023 [AlterPresse] --- L’Américaine Helen Meagher La Lime, représentante spéciale du secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (Onu) et cheffe du Bureau intégré des Nations unies pour Haïti (Binuh), signale les niveaux de violence, liée aux gangs armés, jamais atteints depuis plusieurs décennies en Haïti, lors d’une réunion du Conseil de sécurité de l’Onu, le mardi 24 janvier 2023, dont a pris connaissance l’agence en ligne AlterPresse.

La Lime souligne une augmentation des assassinats et enlèvements, pour une quatrième année consécutive en Haïti.

« Les meurtres ont également augmenté d’un tiers depuis l’année précédente (2021). Au total, 2,183 ont été signalés en 2022, touchant presque tous les segments de la société, y compris un ancien candidat à la présidence (Eric Jean-Baptiste) et le directeur de l’Académie nationale de police, le commissaire divisionnaire Harington Rigaud, », a-t-elle énuméré.

Le secrétaire général du parti politique Rassemblement des démocrates nationaux progressistes (Rdnp), l’homme d’affaires Eric Jean-Baptiste, a été tué, lors d’une attaque armée, dans la soirée du vendredi 28 octobre 2022, à Laboule (périphérie est de la capitale).

Le commissaire divisionnaire Harington Rigaud a été abattu, en milieu d’après-midi du vendredi 25 novembre 2022 à Frères, périphérie de Pétionville, à l’est de la capitale.

Environ 1,400 enlèvements ont été enregistrés en 2022, soit plus du double de 2021, une moyenne de quatre par jour, indique Helen La Lime.

« Les guerres de territoire, impliquant deux coalitions de gangs, à savoir la coalition (des gangs) G9 et G-Pep, ont atteint des niveaux sans précédent dans plusieurs quartiers de Cité Soleil. Cette violence s’inscrit dans des stratégies bien définies, visant à assujettir les populations et à étendre le contrôle territorial », a-t-elle poursuivi, citant un rapport conjoint du Binuh et du Haut-commissariat aux droits humains des Nations unies en Haïti (Hcdh), qui devrait être publié prochainement.

Les gangs armés ont de plus en plus recours au meurtre délibéré d’hommes, de femmes et d’enfants, avec des tireurs d’élite positionnés sur les toits, ajoute Helen Meagher La Lime.

L’initiative de fédérer les gangs, qui a accouché G9 an fanmi e alye, est l’œuvre de la Commission nationale de désarmement, démantèlement et réinsertion (Cnddr), formée par le feu président Jovenel Moïse, assassiné, le 7 juillet 2021, en sa résidence à Pèlerin 5 (Périphérie est de Port-au-Prince).

Helen La Lime, cheffe du Binuh, a félicité cette fusion à l’époque qui, selon elle, pourrait aider à réduire la criminalité dans le pays.

« Des dizaines de femmes et d’enfants âgés d’à peine dix ans ont été brutalement violés, dans le cadre d’une tactique visant à semer la peur et à détruire le tissu social des communautés sous le contrôle de gangs rivaux », a dénoncé la représentante du Binuh.

« En assiégeant et en déplaçant des populations entières vivant déjà dans l’extrême pauvreté, les gangs ont délibérément bloqué l’accès à la nourriture, à l’eau et, au milieu d’une épidémie de choléra, aux services de santé ».

La cheffe du Binuh propose trois pistes de solution

Pour faire face à la situation de crise actuelle, Helen Meagher La Lime propose trois paramètres à prendre en considération : le déploiement d’une force internationale spécialisée, comme demandé par le gouvernement de facto en octobre 2022, la poursuite du régime des sanctions des Nations unies (Onu) contre des personnalités soupçonnées d’implication dans des activités criminelles, entre autres, 2022 et la signature dudit « Consensus national pour une transition inclusive et des élections transparentes », communément appelé accord du 21 décembre 2022.

Les deux derniers éléments – s’ils sont correctement soutenus – pourraient aider à tracer la voie du retour à la responsabilité, à l’état de droit et à la restauration des institutions démocratiques, soutient-elle.

Ledit « Consensus national » identifie un calendrier pour l’installation d’un gouvernement élu d’ici février 2024 et énumère les mesures immédiates à prendre pour la promotion de réformes fiscales, visant à accroître la collecte des recettes de l’État et à restaurer les services publics, fait valoir la cheffe du Binuh.

« L’accord n’est en aucun cas conclu, et il reste fondamentalement ouvert. Une série de tables rondes, qui incluront des discussions sur l’établissement d’une feuille de route électorale inclusive et d’un plan de sécurité nationale, offrent des opportunités à ceux qui sont intéressés, mais ne se sont pas encore engagés, à s’engager dans l’effort ».

L’accord du 21 décembre 2022, signé entre le premier ministre de facto Ariel Henry et plusieurs représentants de partis politiques et d’organisations de la société civile, est qualifié de démarche démagogique et partisane par plusieurs secteurs politiques.

Sans un déploiement international, « fonctionnant de manière intégrée avec la Police nationale d’Haïti (Pnh), les effets très positifs du processus politique et des sanctions jusqu’à présent resteront fragiles et susceptibles d’être inversés », estime, par ailleurs, Helen Meagher La Lime.

« Les Haïtiens souhaitent massivement cette assistance, afin de pouvoir vaquer à leurs occupations quotidiennes en paix. La population vit dans la peur et n’est que trop consciente des limites des forces de police. En ce mois du souvenir, le peuple d’Haïti compte sur vous », a conclu Helen Meagher La Lime. [wm emb rc apr 25/01/2023 10:20]