P-au-P, 17 janv. 2023 [AlterPresse] --- Plusieurs organisations de droits humains et associations de magistrats saluent la décision du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (Cspj) d’écarter 28 juges, pour la plupart « très décriés », dans le système judiciaire en Haïti, pour « absence d’intégrité morale », entre autres, dans des interviews accordées à la plateforme AlterPresse/AlterRadio.
Tout en applaudissant le travail du Cspj dans le système judiciaire en Haiti, l’organisme Gardiens des droits humains (Gdh) exhorte l’organe judiciaire à aller au delà de la certification des juges, en sanctionnant aussi celles et ceux qui sont fautifs.
Il y a beaucoup plus de magistrats impliqués dans de graves cas de corruption, notamment au niveau des Cours d’appel, signale le coordonnateur Rovelson Apollon de l’organisme Gdh, se référant aux nombreuses plaintes portées par les justiciables.
Un nombre indéterminé de personnes perdent leurs biens, en complicité avec des juges qui font des jugements sans fondement, mettant en danger le patrimoine des citoyennes et citoyens, dénonce-t-il.
L’organisme Gdh encourage la section d’inspection du Cspj à continuer d’accomplir valablement son travail, pour avoir plus d’évidences sur des soupçons de corruption, concernant des magistrats, et prendre des sanctions appropriées contre eux, le cas échéant.
Parmi les magistrats non certifiés, figurent les noms de Jacques Lafontant, actuel commissaire du gouvernement près le tribunal civil de Port-au-Prince, Ramoncite Accimé - qui était en charge du dossier PetroCaribe de l’aide vénézuélienne à Haïti - Brédy Fabien, de Garry Orélien - qui était en charge, jusqu’au 18 janvier 2022, du dossier d’instruction sur l’assassinat le 7 juillet 2021, de l’ancien président de facto Jovenel Moïse -, Ikenson Édumé, président du Réseau national des magistrats haïtiens (Renamah), Jean Osner Petit-Papa.
Par contre, 31 magistrats ont été certifiés par le Cspj sur les 59 dossiers traités, qui ont été transmis par la Commission technique de certification (Ctc) pour la certification de magistrats.
C’est ce qui ressort de l’extrait du procès-verbal, acheminé par le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire à la titulaire de facto du Ministère de la justice et de la sécurité publique (Mjsp), Emmelie Prophète Milcé.
C’est une bonne décision d’épingler les magistrats très décriés dans le système, estime, pour sa part, la responsable de programmes au Réseau national de défense des droits humains (Rnddh), Marie Rosy Auguste Ducéna.
Le Rnddh souligne combien le mauvais comportement de plusieurs magistrats est responsable du dysfonctionnement de l’appareil judiciaire en Haïti.
Le mauvais fonctionnement de la justice, qui ne joue pas son rôle de dissuasion, serait l’une des causes d’une explosion des actes criminels en Haïti, déplore le Réseau national de défense des droits humains.
Réserves exprimées par l’Apm
Tout en saluant le processus, ayant abouti à la certification ou non des magistrats, l’Association professionnelle des magistrats (Apm) joue la carte de la prudence.
Le président de l’Apm, le juge Martel Jean Claude, exprime des réserves par rapport à certains magistrats, dont les noms figurent dans la liste des personnes non certifiées.
Même si l’Apm reconnait combien la loi ne permet pas de recours ordinaires, elle appelle, tout de même, le Cspj à voir, avec certains concernés, s’il n’y avait pas de légèretés et d’erreurs dans le traitement de leurs dossiers.
« La non certification peut avoir une conséquence extrêmement grave sur la carrière du magistrat, son honneur et sa dignité. La justice doit inspirer confiance. Pour cela, beaucoup de précautions doivent être prises pour éviter certaines légèretés », tente de nuancer l’Association professionnelle des magistrats.
L’Apm se dit étonnée de voir le nom du juge Yvelt Petit-Blanc figurer dans la liste des magistrats non certifiés, alors que, selon lui, c’est un magistrat qui jouirait d’une bonne réputation auprès de justiciables et avocats.
« Nous sommes convaincus que, dans son cas, il y a eu des erreurs d’appréciation. Il est nécessaire et indispensable que le Cspj permette un recours gracieux pour la révision de certains dossiers ».
Le juge Yvelt Petit-Blanc, secrétaire général adjoint de l’Apm, est indexé, par le Cspj, dans l’élargissement de présumés criminels notoires et écarté pour absence d’intégrité morale. [emb rc apr 17/01/2023 13:30]