Situation de vulnérabilité particulière des personnes déplacées à l’intérieur d’Haïti, découlant des effets des catastrophes naturelles et de la violence extrême par des groupes armés La multiplication des gangs armés en Haïti a entraîné une détérioration de la situation sécuritaire en Haïti, spécialement dans la zone métropolitaine de la capitale, Port-au-Prince, où de nombreux massacres ont été perpétrés, suivis de viols atroces sur des femmes et filles
Par Emmanuel Marino Bruno
P-au-P, 06 janv. 2023 [AlterPresse] --- La Commission interaméricaine des droits humains (Cidh) exhorte les autorités étatiques à adopter les mesures nécessaires, permettant de stabiliser le fonctionnement des institutions publiques, et à élaborer une politique publique de sécurité, en vue de faire face à la crise persistante en Haïti.
C’est ce qui ressort du premier rapport, depuis l’année 2008, de la Cidh, couvrant la période allant de 2018 à juin 2022, rendu public le 5 janvier 2023 et consulté par l’agence en ligne AlterPresse.
La Commission interaméricaine des droits humains encourage l’organisation d’élections libres et justes, en fonction d’un calendrier et de normes électorales transparentes, ainsi qu’un dialogue franc et inclusif avec la participation de toutes les parties intéressées.
Elle appelle à rétablir le fonctionnement du Conseil électoral provisoire et de l’organe électoral permanent, au moyen de l’allocation d’un budget et l’adoption de normes appelées à réglementer son fonctionnement viable.
Il convient aussi de garantir les mesures de sauvegarde de la sécurité et de la technologie nécessaires à la mise en œuvre d’élections périodiques, dans le respect du calendrier constitutionnel et légal à tous les niveaux et pour tous les pouvoirs.
Pour ce faire, il faut l’appui d’initiatives de coopération internationale, dans le respect du cadre normatif interne en Haïti.
Les élections, devant permettre de renouveler le personnel politique, sont bloquées depuis plusieurs années en Haïti, à cause de l’aggravation de la crise politique et du climat sécuritaire.
De plus, la Cour de Cassation demeure jusqu’à présent dysfonctionnelle, en dépit de l’installation, le mardi 22 novembre 2022, du magistrat Jean Joseph Lebrun comme nouveau président à la tête de ladite Cour.
De grandes mésententes persistent chez les protagonistes politiques, en dépit d’un accord, trouvé le 21 décembre 2022, entre le premier ministre de facto Ariel Henry, des représentants de partis politiques et d’organisations de la société civile.jugé insuffisant par plusieurs,
Un accord du 21 décembre 2022, jugé insuffisant et qualifié de démarche démagogique et partisane, par plusieurs secteurs
Impact de l’instabilité sur les institutions démocratiques
« Les enjeux, qu’affrontent actuellement Haïti, en ce qui concerne les institutions démocratiques, résultent de facteurs structurels d’instabilité politique et d’obstacles à la consolidation des institutions durant ces dernières décennies », lit-on dans le rapport de la Commission interaméricaine des droits humains.
La Cidh relève, à partir de 2018, deux phases interconnectées, qui caractérisent la dynamique institutionnelle et politique en Haïti.
« La première phase – entre 2018 et vers le milieu de 2021 – a été marquée par l’accroissement des mouvements de protestation sociale, motivée par le mécontentement économique social et politique, ainsi que par des efforts de consolidation d’élections institutionnelles au moyen de processus de contestation ».
Les mandats de 119 députés et de deux tiers des sénateurs ont expiré le 13 janvier 2020, une situation ayant privé le pouvoir législatif du quorum parlementaire l’habilitant à siéger, déplore la Cidh.
Avec ce vide parlementaire, la publication des décrets exécutifs a accru la polarisation dans le pays et a provoqué des critiques sévères sur la durée du mandat présidentiel, argue-t-elle.
La deuxième phase, en rapport à la dynamique institutionnelle et politique en Haïti, a débuté à partir du mercredi 7 juillet 2021, avec l’assassinat du président de facto de la république, Jovenel Moïse, résultat de l’aggravation de la crise politique, institutionnelle et économique du pays.
La Cidh demande de « mener, avec la diligence voulue, l’enquête sur l’assassinat du président Moïse, en vue de déterminer les motifs, identifier les responsables - matériels aussi bien que les auteurs intellectuels - et imposer les sanctions légales pertinentes aux auteurs des faits et aux autorités, qui, par action ou omission, pourraient être responsables ».
Elle recommande de renforcer les institutions, chargées de la protection des droits de la personne et de garantir, à travers des programmes et des politiques publiques, les espaces d’intervention et les services des organisations de la société civile, des groupes et personnes qui défendent les droits de la personne.
La multiplication des gangs armés en Haïti a entraîné une détérioration de la situation sécuritaire en Haïti, spécialement dans la zone métropolitaine de la capitale, de Port-au-Prince, où de nombreux massacres ont été perpétrés, suivis de viols atroces sur des femmes et filles.
Nécessité d’une politique publique de sécurité
« En ce qui concerne la sécurité citoyenne, on observe que celle-ci représente un défi historique et complexe : 1) les défis pour renforcer et consolider les institutions de sécurité ; 2) l’absence de processus systématisés pour la collecte de données ; 3) la présence et les conflits entre les groupes armés organisés ; 4) l’accès illimité aux armes à feu ; et 5) l’impunité en ce qui concerne la commission de crimes, en particulier ceux qui sont censés impliquer des membres des forces de sécurité.
Le rapport met en avant les besoins croissants de protection de la population haïtienne en situation de mobilité humaine, en raison de la grave et généralisée violation des droits humains dans leur pays d’origine. Dans le cadre des principes de solidarité et de coopération internationale, Haïti et d’autres États de la région doivent prendre des mesures pour mettre en place une réponse globale, immédiate, efficace et durable garantissant les droits des personnes en situation de mobilité.
La Cidh met en garde contre la situation de vulnérabilité particulière des personnes déplacées à l’intérieur du pays, qui est complexe et a de multiples causes, telles que celles découlant des effets des catastrophes naturelles et de la violence extrême par des groupes armés, souvent de manière récurrente et aggravée, ce qui entraîne des mouvements successifs.
Le rapport recense également les principaux défis pour le respect et la protection des droits économiques, sociaux, culturels et environnementaux dans le pays et les défis pour la protection de la liberté d’expression, en particulier en ce qui concerne la protection des personnes journalistes et communicantes dans le pays ».
Face à cette situation délétère, la Cidh recommande d’élaborer une politique publique de sécurité, axée sur une réponse intégrale aux enjeux territoriaux et de développement communautaire qui caractérisent la grave crise d’insécurité.
« Cette politique doit contenir des directives concernant la prévention, l’endiguement de la violence, l’assistance aux victimes et le renforcement des rapports sociaux et de la confiance publique des victimes et des communautés affectées par la violence. »
La Commission interaméricaine des droits humains propose de renforcer la Police nationale d’Haïti (Pnh) au moyen de l’allocation d’un budget adéquat, de la professionnalisation et de la formation aux droits de la personne, en tenant compte de la perspective homme-femme.
La Cidh plaide pour le renforcement de la présence des femmes à des fonctions de commandement et de direction des activités de sécurité. [emb rc apr 06/01/2023 15:00]