Par Judite Blanc, Ph.D
Soumis à AlterPresse
L’Association Haïtienne de Psychologie (AHPsy) est la plus grande association d’intervenants et intervenantes en psychologie en Haïti depuis 2011. Son rôle est de promouvoir la psychologie auprès du grand public et de protéger la population contre les abus et mauvaises pratiques déontologiques. Ces derniers mois, en plus de la ligne d’écoute (CIPUH) gratuite offerte par AHPsy ; les internautes haïtiens ont commencé à voir défiler dans leur fil d’actualité, une série d’annonces concernant un événement appelé Somè Sikoloji pou Lapè (Sommet de Psychologie de la Paix).
Construire une paix durable en Haïti : le rôle de la psychologie dans l’action ! C’est le thème retenu par les organisateurs. Ce sommet de trois jours se propose d’explorer et promouvoir le rôle de la psychologie dans la construction de la paix en Haïti. Les organisateurs veulent débuter l’année 2023 en sensibilisant les professionnels de la santé mentale et les autres disciplines liées à la santé à leur rôle dans le redressement et la transformation pacifique du pays. L’activité semble piquer la curiosité de plus d’un. Certaines personnes s’interrogent sur les rapports entre psychologie et la consolidation de la paix. Les réactions varient entre l’espoir et le scepticisme. Je suis une promotrice des questions de réparations psychologiques qui développe une étude de cohorte à l’École de Médecine de l’Université de Miami, pour investiguer les effets sanitaires à long termes de la crise socio-politique en Haïti (The Haitian Well-Being Study). Je suis experte dans l’étude du stress intersectionnel, du trauma intergénérationnel et de leur prise en charge. Dans cette tribune, je discute avec le président de l’AHpsy de la pertinence d’un tel événement et, pourquoi un mouvement haïtien de consolidation de la paix s’avère capital dans le contexte d’exposition traumatique que vivent les populations haïtiennes quotidiennement.
1. JB : Bonjour Pascal, les communautés noires traversent une période difficile à travers le monde. C’est le cas d’Haïti, dont les fils et les filles sont laissés pour compte face à la violence inhumaine des gangs armés. Comment allez-vous ?
Pascal Nery : On peut essayer d’appréhender la situation en Haïti sous différents angles. Mais quel que soit l’angle d’analyse, nous devons arriver à la conclusion que tout changement doit provenir d’un changement de comportement haïtien. Que veut dire être Haïtien ? C’est une question à laquelle nous devrions pouvoir répondre. Comme le changement doit venir du comportement, la psychologie a son rôle à jouer. C’est une science qui s’intéresse au comportement et aux processus mentaux. Notre comportement s’est construit par rapport à notre histoire de peuple, aux situations traumatisantes liées aux catastrophes humaines et naturelles. En outre, en Haïti, beaucoup de gens ne s’aiment pas, il y a beaucoup de rejet de notre culture, de nos valeurs et de nos croyances. Ce qui n’est pas sans répercussions sur le développement identitaire. Nous avons besoin d’un groupe de spécialistes des sciences sociales pour aborder le sujet de manière scientifique. D’où l’importance de ce sommet.
2. JB : Parlez-nous du travail de l’AHPsy avec Rebati Sante Mantal (RSM) ? Quels sont leurs rôles au sein de la communauté ?
Pascal Nery : AHPsy est l’Association Haïtienne de Psychologie. C’est la plus grande association professionnelle en psychologie en Haïti depuis 2011. Son rôle est de promouvoir les différents domaines d’interventions de la psychologie auprès du grand public. AHPsy existe pour protéger la population contre les psychologues qui abusent. Dans sa mission, AHPsy organise régulièrement des activités scientifiques (congrès, colloques, sommets et autres), et encadre les professionnels de santé mentale en Haiti.
3. JB : D’où est venue l’idée d’organiser cet événement ? Selon le document de justification, vous voulez lancer une campagne pour consolider une paix durable en Haïti tout en montrant le rôle de la psychologie sur le terrain. Pouvez-vous expliquer ce que la "Paix" représente pour vous ? Qu’est-ce que la psychologie a à voir là-dedans ?
Pascal Nery : L’idée du sommet de la paix remonte à 2021 lorsque nous avons eu notre assemblée générale à l’AHPsy. J’ai trouvé important qu’en 2022 nous puissions faire quelque chose lié à la consolidation de la paix. Rebati Sante Mantal est un partenaire de longue date de l’AHPsy. J’en ai parlé avec Guerda Nicolas, un membre fondateur de RSM. Elle a compris que c’était une bonne idée. Il est temps de découvrir pourquoi nous agissons ainsi. Le changement ne viendra pas tout seul si nous ne changeons pas notre mentalité et notre comportement.
4. JB : Peut-on parler du programme ? Est-ce gratuit et où aura-t-il lieu ?
Pascal Nery : Le programme du sommet est vaste. Nous aurons des intervenants dans les domaines de la sociologie, de l’économie, de l’histoire, et bien sûr des psychologues d’Haïti et des USA. Étant donné les contraintes budgétaires, l’inscription est payante. L’évènement prendra la forme de session plénière, d’ateliers, de causeries et de sessions de bien-être. Nous voulons que les participants puissent être en connexion avec notre culture, et réveiller leur conscience sur le traumatisme historique.
5. JB : Comment le public a-t-il réagi jusqu’à présent par rapport à cette annonce ?
Pascal Nery : Depuis le lancement des inscriptions au sommet, nous avons reçu beaucoup d’encouragements. Certaines personnes pensent qu’un événement pareil est d’importance. D’autres ne comprennent pas vraiment le rôle du psychologue dans la paix, car souvent les gens ont une façon de voir les psychologues et la psychologie dans le pays. Elle est généralement associée à la pratique clinique uniquement ou à une profession réservée aux personnes issues des classes aisées. A travers ce sommet, nous avons également voulu sensibiliser les gens à la nature de la psychologie, l’étude du comportement afin que les gens puissent comprendre ses domaines d’intervention, en particulier la consolidation de la paix.
La psychologie de la paix se concentre sur les aspects psychologiques de la formation, de l’escalade, de la désescalade et de la résolution des conflits. Un conflit existe lorsque les attentes, les intérêts, les besoins ou les actions d’au moins deux parties sont perçus par au moins l’une des parties comme incompatibles. La psychologie de la paix s’intéresse principalement aux conflits entre groupes sociaux (conflits intergroupes, tels qu’entre groupes ethniques, clans, groupes religieux, États) en lien au pouvoir, la richesse, l’accès aux matières premières et aux marchés, aux valeurs culturelles ou religieuses, à l’honneur, la dignité ou la reconnaissance.
6. JB : Pour ceux qui accueillent la nouvelle de l’événement avec scepticisme, quel message leur adressez-vous ?
Pascal Nery : Si toutes les professions organisaient des sommets pour discuter de la paix, si les universités réfléchissaient sur la paix en dehors de tout clivage politique, la situation serait tout autre. En osant parler de paix, on prend un gros mais beau risque ! J’encourage tout le monde à prendre le risque de créer un climat de paix dans le pays. Beaucoup d’Haïtiens quittent le pays, mais beaucoup d’autres restent, nous avons tous un parent et/ou un.e ami.e victime de l’insécurité. Cela affecte nos vies, nos activités et notre bien-être, que nous restions au pays ou que nous le quittions. Parler de paix nous concerne donc tous.
7 : JB : Avez-vous un dernier message à faire passer ?
Pascal Nery : Rejoignez-vous au Cap Haïtien du 12 au 14 Janvier 2022 à l’occasion du premier sommet de psychologie de la paix en Haïti. Notre pays peut changer, avec nos participants du sommet on explorera des pistes de solution !
JB : Merci d’avoir accepté de partager des informations sur cet événement symbolique qui se déroule dans une ville historique en Haïti. Je vous souhaite une joyeuse et paisible 2023 !
Pour plus d’informations, prière de visiter les liens suivants.
Formulaire d’inscription pour les francophones
Formulaire d’inscription pour les anglophones
Si vous avez des questions et commentaires, vous pouvez contacter par appel ou Whatsapp ou par email :
• Pascal Nery Jean Charles (Président de l’Association Haïtienne de Psychologie) :(509) 2813-0013 ; jpascal21@gmail.com
• Rodginie Dorcent (secrétaire générale du sommet) : (509) 3621-3903 ; rodgdorcent@gmail.com