Par Emmanuel Marino Bruno
P-au-P, 31 déc. 2022 [AlterPresse] --- Les viols perpétrés, en toute impunité, sur un nombre indéterminé de femmes et filles, à travers Haïti, notamment dans la zone métropolitaine de la capitale, Port-au-Prince, dont une grande partie est contrôlée par les gangs armés, ont atteint des proportions de plus en plus alarmantes, au cours de l’année 2022, relève l’agence en ligne AlterPresse.
Depuis plusieurs années, avec un accent de plus en plus marqué à partir de 2018, il y a un effondrement provoqué des institutions publiques en Haïti, qui continue à mettre en danger les droits des femmes, déplore la sociologue Sabine Lamour, coordonnatrice de la Solidarite fanm ayisyèn (Sofa) dans une interview accordée à la plateforme AlterPresse/AlterRadio.
La Sofa cite des chiffres du Réseau national de défense des droits humains (Rnddh), qui fait état d’ au moins 102 femmes et filles victimes de viols collectifs et répétés, de 2018 à 2022, lors de 6 massacres sur 19 en Haïti.
De tels massacres, accompagnés de viols atroces sur de nombreuses femmes et filles, ont été perpétrés sous les yeux des autorités, qui font toujours montre de mépris et de laxisme face à de telles horreurs.
En plus de violer les femmes et les filles, les gangs armés vont jusqu’à les tuer à cause de leur sexe, s’indigne la Sofa.
Le viol est utilisé par ces groupes armés pour asseoir leur domination sur des pans de territoire national, un moyen pour déstructurer le tissu social et communautaire, dénonce-t-elle.
Quid de la responsabilité de l’État et de la communauté internationale ?
Le gouvernement de facto actuel reste indifférent par rapport aux violences de toutes sortes, subies par les femmes, de la part de gangs armés, fustige la coordonnatrice de la Sofa, Sabine Lamour.
Ce désintérêt total des autorités étatiques est observé depuis les émeutes, qui ont éclaté en Haïti, les vendredi 6 et samedi 7 juillet 2018, et ont contraint à la démission du premier ministre d’alors Jack Guy Lafontant (21 mars 2017 - 16 septembre 2018), suite à une tentative d’augmentation des prix des produits pétroliers, note la Sofa.
« Avec l’exacerbation de la crise multidimensionnelle, nous sommes devenus des citoyennes et citoyens de seconde zone ».
La Solidarite fanm ayisyèn pointe aussi du doigt l’attitude du Ministère à la condition féminine et aux droits des femmes (Mcfdf), qui agit comme une organisation de la société civile, se contentant uniquement de dénoncer, au lieu d’encourager des actions institutionnelles pertinentes pour stopper ces violences sexuelles.
L’un des plus grands drames réside dans le fait que les viols collectifs sont commis par des membres de gangs connus, dans une logique de contrôle de territoire, déplore-t-elle.
L’État n’ouvre aucune enquête sur les massacres, perpétrés en Haïti, accompagnés de viols sur des femmes et des filles, pour retracer les fils de qui s’est passé. Ce sont les organisations de femmes et des droits humains qui collectent seulement ces informations relatant les horreurs vécues par les femmes et filles, .
Ces actes, entretenus avec beaucoup de cruauté, par les gangs armés, dans ces différentes communautés, remettent irrémédiablement en question l’équilibre politique dans ces espaces, se désole-t-elle.
Comment ces femmes et filles vont-elles pouvoir s’intégrer et vivre dans ces lieux devenus symboles de barbarie ?, se demande la Sofa.
Elle fustige les actrices et acteurs externes, qui interviennent dans la crise, de manière paradoxale, sur des questions concernant les droits des femmes, notamment les violences sur les femmes.
La communauté internationale soutient simultanément des organisations, qui prennent en charge les femmes victimes de violences et des gouvernements corrompus, tout en sachant que ces derniers ont des liens avec les gangs armés qui commettent ces viols, dénonce-t-elle.
Les femmes et filles transformées en objets sexuels
Au moins 52 femmes et filles ont été victimes de viols collectifs et répétés dans les violences de gangs armés à Cité Soleil, du 7 au 17 juillet 2022, a souligné le Rnddh, dans un rapport en date du 16 aout 2022.
Beaucoup de femmes et filles ont aussi subi ces mêmes types de viols, puis ont été assassinées, lors des violences perpétrées par les gangs armés, du dimanche 24 avril au vendredi 6 mai 2022, dans la Plaine du Cul-de-sac.
« Dix-sept jeunes femmes, qui ont été surprises par le gang des 400 Mawozo dans un motel à Nan Galèt, zone Butte Boyer Prolongée, ont été assassinées, avant d’être jetées dans des puits d’eau et dans des latrines ».
Au moins 148 personnes ont été tuées, en 13 jours, par les gangs rivaux 400 Mawozo et Chen Mechan (« chiens méchants »), dans la Plaine du Cul-de-sac, selon un bilan du Rnddh.
Par ailleurs, plusieurs femmes ont été violées, dont certaines devant leur enfants et conjoints, dans l’attaque du mardi 29 novembre 2022, à Source Matelas, par les bandits armés en provenance de Ti Tanyen et de Lafiteau, villages proches de Cabaret, sur la route nationale No. 1.
Plus d’une vingtaine de morts y ont été dénombrés.
En seulement deux semaines, plus de 200 femmes et filles ont été violemment agressées, violées, à Cité Soleil (municipalité au nord de Port-au-Prince), au bas de Delmas, à Canaan et Source Matelas, a signalé, début décembre 2022, la Solidarite fanm ayisyèn (Sofa).
Des enfants âgés d’à peine 10 ans et des femmes âgées ont été soumis à des violences sexuelles, dont des viols collectifs pendant des heures devant leurs parents ou leurs enfants par plus de six éléments armés, a dénoncé un rapport, publié, conjointement le 14 octobre 2022, par le Bureau intégré des Nations unies en Haïti et le Haut-commissariat des Nations unies aux droits humains.
Le document est intitulé « Violence sexuelle à Port-au-Prince : une arme utilisée par les gangs pour répandre la peur ».
Des membres de gangs armés enlèvent et séquestrent nombre de femmes et filles pour les violer ensuite à de multiples reprises, individuellement ou en groupe, parfois pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines, selon le rapport onusien. [emb rc apr 31/12/2022 20:50]