P-au-P., 14 déc. 2022 [AlterPresse] --- La plateforme Ensemble contre la corruption (Ecc) appelle à des procès exemplaires contre les personnalités frappées par les sanctions canadiennes et américaines durant les dernières semaines, pour corruption, blanchiment d’argent et pour leurs liaisons avec les gangs armés qui sèment la terreur en Haïti.
Édouard Paultre, secrétaire exécutif de ce regroupement d’organismes de défense des droits humains [1] salue ces sanctions internationales et anticipe un impact important de ces mesures, durant une interview accordée à la plateforme médiatique AlterPresse/AlterRadio.
Les sanctions ne suffisent pas
Cependant, les sanctions ne suffisent pas. Il faudra que les dossiers soient transmis à Haïti dans le cadre d’une « entraide judiciaire », afin que se tiennent « des procès exemplaires », préconise Édouard Paultre.
Entre novembre et décembre 2022, le Canada a pris des sanctions contre 11 personnalités politiques et hommes d’affaires de l’élite économique, soupçonnés d’implication dans le financement d’activités criminelles dans le pays.
De leur coté, les États-Unis d’Amérique ont aussi sanctionné des fonctionnaires et anciens hauts fonctionnaires de l’État, accusés de supporter de telles activités.
Pour Édouard Paultre, il n’est pas question de remettre les dossiers des personnalités punies au gouvernement de facto en place en Haïti. Il s’agit d’abord de trouver le consensus nécessaire pour une « transition », sur la formule proposée par le mouvement Montana. Ce sera, dit-il, au pouvoir de transition d’obtenir les dossiers et de mettre en branle le processus qui mènera au procès.
Entêtement international et mauvaise gouvernance
Au passage, Édouard Paultre critique « l’entêtement de la communauté internationale » qui, durant les dernières années, a contribué à l’approfondissement de la crise en appuyant sans réserve des administrations arbitraires et corrompues.
Cette attitude de la communauté internationale « ne favorise pas la bonne gouvernance en Haïti », fait-il remarquer.
Restitution
D’autre part, le secrétaire exécutif d’Ensemble contre la corruption ne cache pas ses réserves à propos du lancement, le 8 décembre, par le secteur privé, d’une « alliance pour le changement », au lendemain des premières sanctions internationales frappant trois hommes d’affaires en vue.
Le secteur privé appelle à un large accord politique pour une transition qu’il soutiendrait. Il s’engage en faveur de réformes de la législation et des pratiques commerciales, puis promet de se conformer aux règles et de s’acquitter de ses devoirs envers l’État.
Les intentions, exprimées par le secteur privé, sont de « belles paroles », juge Édouard Paultre.
« Combien les patrons sont-ils prêts à payer ? », lance-t-il en mettant l’emphase sur la nécessité de trouver des mécanismes de restitution des fonds accumulés irrégulièrement par ce secteur.
Rien qu’au niveau de la contrebande, ce sont plus de 600 millions de dollars qui échappent chaque année, depuis 10 ans, au trésor public, martèle-t-il.
Enfonçant le clou, il s’exclame : « Ils ne veulent s’associer à personne, mais se mettent ensemble pour tenter d’imposer leur volonté » ! [apr 14/12/2022 21:00]
[1] « Ensemble contre la corruption » (Ecc) comprend la Commission épiscopale nationale (catholique romaine) Justice et Paix (Ce-Jilap), le Centre d’analyse et de recherche en droits humains (Cardh), le Centre œcuménique des droits humains (Cedh), le Conseil haïtien des acteurs non-étatiques (Conhane), le Réseau national de défense des droits humains (Rnddh), le Centre de recherche et de formation économique et sociale pour le développement (Cresfed), le Programme pour une alternative de justice (Paj) et le Sant Karl Lévêque (Skl).