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Droits humains : Le lourd calvaire des Madan Sara, victimes de violences armées et de viols collectifs en Haïti

Par Jean Élie Paul

Vallée de l’Artibonite (Haïti), 10 déc. 2022 [AlterPresse] --- Véritables pivots de l’économie en Haïti, les Madan Sara (les commerçantes grossistes) sont, depuis plusieurs mois, l’objet de violences de gangs armés, qui, non seulement les rançonnent sur les routes et dans les marchés publics, mais aussi les violent, en toute impunité, lors de leurs voyages pour acheminer les produits agricoles destinés à des millions de consommatrices et consommateurs en différents marchés, selon les témoignages recueillis par la plateforme médiatique AlterPresse/AlterRadio.

Cette situation est devenue, malheureusement, le lot de celles qui font la navette entre Port-au-Prince et la Vallée de l’Artibonite, plus précisément Pont Sondé et Petite Rivière de l’Artibonite, où (sur les routes desquelles) elles sont livrées à elles-mêmes, dépourvues de sécurité institutionnelle.

« Le niveau de terreur et d’autres formes de criminalité, perpétrées par les gangs armés, tend à compliquer de plus en plus les conditions de vie des Madan Sara dans l’Artibonite. Plusieurs cas de viols collectifs sur des habitantes de la zone ont été recensés récemment », relate la coordonnatrice départementale de la Plateforme des femmes organisées pour le développement de l’Artibonite (Plafoda), Louisette Vertilus Jean Pierre.

Entre septembre et décembre 2022, un nombre indéterminé de commerçantes dans la Vallée de l’Artibonite ont été souvent maltraitées, rançonnées, violées, durant différents jours de marché (quand les paysannes et paysans amènent beaucoup de leurs récoltes), par des bandits armés, qui ont établi différents points de « contrôle » (points de rançonnage) sur les passages des transports en commun pour commettre leurs forfaits.

Ces derniers mois, les marchandes sont très souvent rançonnées, violées, et leurs marchandises volées par les bandits armés, en divers points du territoire national.

Les problèmes socio-politiques ont un impact direct sur les Madan Sara.

Dans les moments de troubles provoquant la paralysie des activités, les Madan Sara, qui ont emprunté de l’argent auprès des banques commerciales, se retrouvent décapitalisées, incapables, avec la terreur des bandes armées, d’aller écouler les produits agricoles, périssables dans bien des cas.

La Plateforme des femmes organisées pour le développement de l’Artibonite fustige le laxisme des autorités de l’État face à ces cascades de violences, incluant des viols, sur les Madan Sara et plusieurs autres commerçantes.

Beaucoup se voient contraintes d’abandonner leurs maisons, pour se réfugier ailleurs, à la recherche de lieux plus sûrs, qui seraient moins exposés aux assauts des gangs armés.

La Plafoda demande aux autorités de prendre des dispositions institutionnelles, visant à désarmer les bandits dans la Vallée de l’Artibonite et faciliter une reprise normale des activités dans la zone.

Les bandits armés imposent leurs violences en toute impunité

Plusieurs communes du bas Artibonite subissent les assauts répétés des bandits armés.

Le vendredi 21 octobre 2022, un groupe d’individus armés ont fait irruption au centre-ville de Petite Rivière de l’Artibonite. Ils ont incendié, pillé et tué…

Lors de cette attaque, plusieurs moulins de riz, se trouvant à l’entrée de la ville de Petite Rivière de l’Artibonite, ont été pillés et brûlés, décapitalisant au passage plusieurs dizaines de femmes, qui avaient comme principale activité le commerce de riz national.

Le mercredi 9 novembre 2022, une dizaine de personnes, qui se rendaient au marché de Pont-Sondé, ont été attaquées. Plusieurs d’entre elles ont été tuées, sous prétexte qu’elles allaient écouler les produis détournés par des bandits du gang armé de Savien.

En représailles, le gang armé de Savien a perpétré un massacre, au cours de cette même journée du 9 novembre 2022, dans les zones de Préval, de Mogé, de Bayè Léon et de Jean Denis.

Entre les jeudi 9 et vendredi 10 novembre 2022, au moins quatorze personnes ont été exécutées à Petite-Rivière de l’Artibonite.

Angoisse chez les Madan Sara violentées

Plusieurs Madan Sara, victimes de viols collectifs, souffrent en silence.

Très peu d’entre elles osent se manifester et révéler ce qu’elles ont subi, confie Jocelyne Jean Louis, présidente du Rasanbleman Madan Sara d Ayiti (Ramsa), une organisation de défense des droits des Madan Sara d’Haïti, créée en 2019 et comptant plus de 48 mille membres répartis sur tout le territoire national.

Un nombre indéterminé de Madan Sara ont subi différents types de violences, durant ces derniers mois, suite à la détérioration du climat sécuritaire, souligne Ramsa, tout en alertant les autorités sur l’aggravation des conditions d’existence des commerçantes, avec la guerre des gangs dans plusieurs zones en Haïti.

De nombreuses femmes et filles sont victimes de viols individuels et collectifs dans les zones sous contrôle de gangs armés, a révélé un rapport du bureau du haut-commissariat aux droits humains des Nations unies.

En seulement deux semaines, plus de 200 femmes et filles ont été violemment agressées, violées, à Cité Soleil (municipalité au nord de Port-au-Prince), au bas de Delmas, à Canaan et Source Matelas (dans la commune de Cabaret, à environ 37 km au nord de Port-au-Prince), rapporte, début décembre 2022, la Solidarite fanm ayisyèn (Sofa).

Par ailleurs, plus d’une dizaine d’organisations féministes, de droits humains et autres se sont positionnées contre les violations systématiques des droits des femmes et personnes transgenres, à l’occasion des 16 jours d’activisme contre les violences basées sur le genre, une campagne internationale annuelle qui a débuté le vendredi 25 novembre 2022, journée internationale contre la violence faite aux femmes, et pris fin le samedi 10 décembre 2022, journée internationale des droits humains. [jep emb apr 10/12/2022 17:40]

Photos transmises par Rasanbleman madan sara d Ayiti (Ramsa)