Español English French Kwéyol

Haïti : L’autorisation de voyager, exigée aux hauts fonctionnaires de l’État, un retour à l’ère duvaliériste, selon l’ex-ministre Camille Édouard Jr.

P-au-P, 07 déc. 2022 [AlterPresse] --- La décision, annoncée par la Direction de l’immigration et de l’émigration (Die), de réclamer de tout haut fonctionnaire de l’État, en partance pour l’étranger, une autorisation, dûment signée du premier ministre de facto, Ariel Henry, constitue un retour à l’époque de la dictature de François et Jean-Claude Duvalier (22 septembre 1957 - 7 février 1986).

C’est en ces termes qu’a réagi l’ancien titulaire (23 mars 2016 - 13 mars 2017) du Ministère de la justice et de la sécurité publique (Mjsp), Me. Camille Édouard Jr., lors d’un entretien accordé à la plateforme médiatique AlterPresse/AlterRadio.

Dans une circulaire en date du 6 décembre 2022, la Direction de l’immigration et de l’émigration a ordonné à toutes les agentes et à tous les agents de l’immigration, dans les différents ports, aéroports et postes frontaliers du pays, d’exiger une autorisation de départ aux hauts fonctionnaires de l’État.

« C’est un retour en arrière de 50 ans. C’est un coup de marteau, porté à la démocratie et aux droits de chaque Haïtienne et de chaque Haïtien », fustige l’avocat, appelant le premier ministre de facto à faire retrait de cette décision.

« La liberté de circulation est fondamentale, elle n’est pas laissée à la libre appréciation des autorités administratives et politiques. Cette liberté ne pourrait être suspendue que dans des situations exceptionnelles, comme des cas de siège, de couvre-feu ou par des mesures judiciaires conservatoires contre des personnes représentant un danger », argue-t-il.

Dans le cas de mesures judiciaires conservatoires, il incombe au juge d’instruction d’imposer une telle restriction, en vue de garantir la sérénité de son enquête et non au commissaire du gouvernement près le tribunal civil, souligne Me. Camille Édouard Jr.

La circulaire du 6 décembre 2022 intervient à un moment, où des sanctions sont prises contre plusieurs officiels du gouvernement de facto, des dirigeants politiques et hommes d’affaires, pour financements des gangs et trafic de drogue, entres autres.

Les visas de certains membres du gouvernement de facto, dont l’ancien titulaire (25 novembre 2021 - 14 novembre 2022) de facto du Ministère de la justice et de la sécurité publique (Mjsp), Berto Dorcé, et celui (20 juillet 2021 - 14 novembre 2022) de l’intérieur et des collectivités territoriales (Mict), Liszt Quitel, qui seraient ciblés par des sanctions, auraient été révoqués par le gouvernement des États-Unis d’Amérique.

Cette restriction aurait empêché Me. Berto Dorcé de voyager vers les États-Unis, au cours du mois d’octobre 2022.

Ariel Henry a été même contraint de révoquer Dorcé et Quitel.

Des questionnements fusent sur l’ambiance qui règnerait au sein du gouvernement en place, en cette période de crise multidimensionnelle qui ne cesse de s’aiguiser.

Camille Édouard Jr. met en garde contre la disposition annoncée par la Direction de l’immigration et de l’émigration, qui constitue, à ses yeux, un danger, « une violation qui fera tache d’huile et créera un précédent ».

« Les ministres ne sont pas domestiques du premier ministre, mais ils sont chargés de conduire la politique de leurs ministères respectifs », tient à rappeler l’ex-titulaire du Mjsp,

Il critique l’inélégance de la mesure, prise pour restreindre la circulation des femmes et des hommes d’État, membres du gouvernement au même titre qu’un premier ministre.

« Le premier ministre est un ministre comme les autres ministres. C’est ce qui explique que lorsqu’il y a une vacance présidentielle, ce n’est pas le premier ministre qui gouverne, c’est le gouvernement. Nous sommes dans une abysse infernale, parce que le pays devrait fonctionner avec un président, qui est l’émanation de l’État, et non un premier ministre ».

Il y a des membres de l’État, qui se font pas partie du gouvernement, insiste Camille Édouard Jr., citant le cas du recteur du l’Université d’État d’Haïti et celui des membres de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (Cscca), qui devraient plutôt relever du président, chef de l’État. [emb rc apr 07/12/2022 12:00]