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Haiti-RD : La culture comme espace de dialogue, malgré la crise dans les relations entre les deux pays

De notre envoyé spécial Jean Élie Paul

Santo Domingo (République Dominicaine), 29 nov. 2022 [AlterPresse] --- La Fondation Haïti Jazz et l’Association Caracoli ont procédé, le samedi 26 novembre 2022, à l’inauguration d’une fresque murale, non loin de la station de Métro Mamá Tingó, dans la ville de Santo Domingo, en République Dominicaine, dans le cadre d’un projet de « dialogue culturel binational », a observé l’agence en ligne AlterPresse.

Cette initiative a lieu en pleine période de crise dans les relations entre Haïti et la République Dominicaine, marquées par une tension persistante depuis quelques mois, à cause des rapatriements massifs de ressortissants haïtiens par des autorités dominicaines, souvent sans aucun respect de leurs droits.

La station de Métro Mamá Tingó est située sur l’Avenue des sœurs Mirabal (Avenida Hermanas Mirabal) [1], du nom des trois sœurs dominicaines, qui s’opposèrent à la dictature de Rafael Leónidas Trujillo et furent assassinées le 25 novembre 1960.

A travers sa fresque, la jeune plasticienne haitienne Aude Cencia Villefranche, âgée de 27 ans, expose, avec une couleur vive, le visage d’une femme et des fleurs.

Cette peinture murale, réalisée par une Haïtienne, attire déjà l’attention de nombreuses passantes et de nombreux passants, dont commerçantes et commerçants ambulants, qui fréquentent la station de Métro Mamá Tingó à Santo Domingo.

« Il est très important de dessiner une femme, ainsi que des fleurs. Cela traduit la beauté de la femme dans son intégralité. Les couleurs traduisent elles-mêmes le modèle d’émotion, auquel sont confrontées les femmes dans leur vécu », explique Aude Cencia Villefranche.

« Cette fresque murale a vraiment apporté un changement dans le décor de la zone », se réjouit la plasticienne haïtienne, qui n’a pas caché sa fierté, dans ce contexte de conflit migratoire entre les deux peuples voisins.

L’art représente l’un des domaines, à travers lequel les deux peuples peuvent communiquer ensemble, tout en parlant le même langage artistique et partageant un code commun.

Cette communication facilitera une certaine convivialité entre les deux peuples partageant la même île, considère-t-elle.

Cet événement artistique urbain, du samedi 26 novembre 2022, s’est tenu autour de la thématique liée à la lutte contre les violences envers les femmes et les filles.

L’activité a été proposée en réponse à un appel à propositions, intitulé « Échanges entre citoyens dans les domaines de l’éducation, de la culture et du sport », lancé par l’Union européenne (Ue).

A cet effet, deux artistes féminines de « street art », l’une dominicaine et l’autre haïtienne, devraient dénoncer « sur les murs », la violence faite aux femmes et aux filles.

Chacune d’elle s’exprime à travers la réalisation de fresques murales en République Dominicaine et en Haïti, dans le cadre du projet « Dialogue culturel binational », qui vise à renforcer la collaboration binationale dans le domaine de la culture et de la communication.

L’inauguration de l’autre fresque murale est prévue le 2 décembre 2022, au Cap-Haïtien (Nord).

L’art et la culture au service de l’union des deux peuples

Ce message culturel devrait permettre de réduire la violence envers les femmes dans la zone. Parce que l’art public, ’cest un outil de communication, avance Samanta Oliviero, médiatrice culturelle en République Dominicaine.

Il y a beaucoup plus de femmes assassinées et maltraitées par leurs maris, dans la partie Nord de Santo Domingo.

« La thématique transfrontalière contribue à renforcer des liens entre les peuples et les nations par des activités communes. Cela donne beaucoup de résultats. Cela mène à une meilleure connaissance des uns des autres. Elle contribue également à l’élimination des préjudices, des barrières, des préjugés », déclare, pour sa part, l’ambassadeur de l’Union européenne en Haïti, l’Italien Stefano Gatto.

« La culture est, par définition, ce qui unit les peuples. L’art et la culture dépassent les nationalités. C’est une activité humaine et universelle ».

« Ce dialogue vise à renforcer la collaboration binationale dans le domaine de la culture et de la communication. Regards croisés de deux artistes féminines, l’une haïtienne, Aude Villefranche, et Lidisset Reyez Banks, Dominicaine, pour dénoncer la violence envers les femmes et les filles », a prononcé, l’air satisfaite, Milena Sandler, directrice générale de la Fondation Haïti Jazz, devant une pléiade de personnalités de la République Dominicaine et de l’Union européenne.

« Ces artistes ont pour mission, chacune dans le pays de l’autre, de travailler en collaboration avec une dizaine de jeunes, filles et garçons, pendant 4 jours, pour réaliser deux fresques murales, l’une dans la ville de Santo Domingo et l’autre au Cap-Haïtien », a-t-elle précisé.

L’art urbain constitue une expression culturelle commune aux deux pays, souligne-t-elle.

Ce dialogue, qui s’étendait sur 18 mois, sera clôturé dans les prochaines semaines par le volet musique, annonce Milena Sandler.

L’enregistrement d’une musique haïtiano-dominicaine, lors du prochain festival Papjazz, aura lieu, en janvier 2023, au Cap Haïtien. Cet événement accueillera un artiste de Jazz dominicain. [jep emb rc apr 28/11/2022 20:45]


[1Ndlr : Aída Patrie Mercedes Mirabal Reyes de González / Patria Mirabal, dactylo et militante dominicaine (27 février 1924 - 25 novembre 1960) ; Minerva Mirabal, avocate et militante dominicaine (12 mars 1926 – 25 novembre 1960), Antonia María Teresa Mirabal Reyes de Guzmán, géomètre et militante dominicaine (15 octobre 1935 - 25 novembre 1960) furent trois sœurs, assassinées par le dictateur Rafael Leónidas Trujillo, le 25 novembre 1960.

En 1999, l’Organisation des Nations unies (Onu) choisit le 25 novembre, date de l’assassinat de Patria, Minerva et María Teresa Mirabal, pour la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes.