P-au-P, 20 juil. 05 [AlterPresse] --- A l’initiative de l’Association Nationale des Médias Haïtiens (ANMH) et de la Fondation Culture Création, une série d’émissions spéciales en multiplex a débuté tôt le 20 juillet 2005 pour honorer la mémoire du journaliste haïtien Jacques Roche, lâchement assassiné le 14 juillet dernier par des bandits qui l’ont séquestré pendant quatre jours.
« C’est un coup inacceptable. Ces activités traduisent l’expression de notre mécontentement devant le lâche assassinat de notre confrère », s’est indigné Telson Fleurismé, journaliste à la Télévision Nationale d’Haïti (TNH).
Les travailleurs de la presse haïtienne ont eu une pensée spéciale pour toutes celles et tous ceux qui sont constamment victimes d’actes d’enlèvement et de séquestration enregistrés dans la capitale depuis plusieurs mois.
Ils ont eu une pensée spéciale pour les consœurs et confrères ayant quitté le pays en raison de la montée du phénomène du kidnapping. Ils ont eu une pensée spéciale pour Roudy Bourdeau, le chauffeur du Directeur de la Radio Galaxie, qui a été enlevé le 2 juillet 2005. Depuis cette date, on est sans nouvelles de lui, a évoqué Yves Patrice Mérizier de Radio Galaxie.
« Jacques Roche, poète, journaliste, militant de droits humains s’était engagé dans la lutte pour le changement dans son pays. Il a posé la première pierre du « Centre Culturel Pyepoudre » et a beaucoup contribué à faire du centre ce qu’il est aujourd’hui », a indiqué la comédienne Paula Clermont Péan, responsable de ce centre culturel.
« Je suis en colère, je suis triste de Jacques et de tous les anonymes du Groupe des 184 qui ont déjà péri sous les balles assassines », s’est révoltée l’écrivaine Yanick Lahens du Groupe des 184.
« Jacques n’est pas mort. Ses rêves sont là et nous devons travailler pour les concrétiser. C’est un homme bourré de talents. Je savais le rencontrer dans des manifestations culturelles, telles Livres en Folie, Vendredi littéraire..., et je ne peux oublier la première émission (Randevou sosyete sivil la = Rendez-vous de la Société civile)que j’ai réalisée avec lui, a ajouté l’auteure de l’ouvrage « La Petite Corruption ».
Le secteur Lavalas de l’ancien Président Jean Bertrand Aristide est rendu responsable de l’enlèvement et de l’exécution de Jacques Roche. Dans des recommandations faites au gouvernement intérimaire, le Conseil des Sages a préconisé la disqualification du parti Famille Lavalas dans le processus électoral. Cette position suscite des controverses au sein des partis politiques qui prônent l’inclusion de tous les secteurs.
« Notre position pose effectivement des problèmes. Nous ne devrions pas prôner l’exclusion d’un groupe. Mais, vu le contexte qui se présente aujourd’hui, il est nécessaire de prendre des mesures drastiques en vue de faire échec à ce climat de violence qui terrasse la population », a martelé le professeur Christian Rousseau, Secrétaire général du Conseil des Sages.
Le professeur d’histoire Michel Soukar a, pour sa part, estimé que l’Etat d’Haïti se trouve totalement en liberté surveillée, sous contrôle des étrangers. Pour lui, le rêve de liberté, de démocratie, de progrès n’est pas en sécurité en Haïti. Il faut cesser de demander aux blancs de nous sécuriser, cesser de demander à l’Etat de nous sécuriser. C’est à nous d’organiser notre autodéfense, a-t-il poursuivi.
« La mort de Jacques nous fait penser à Gasner Raymond assassiné en 1976, quand nous avions 20 ans. A notre connaissance, depuis des dizaines d’années, l’Etat n’a jamais pensé à établir un plan de sécurité au bénéfice de tous les citoyens qui se sont engagés dans la lutte pour la liberté. Du reste, on ne peut pas continuer à exiger de cet Etat la sécurité de tous les citoyens qui rêvent de progrès et de liberté », a relaté Michel Soukar.
Mis à part Jacques Roche, le lot de victimes des actes violents enregistrés dans le pays est vraiment lourd. Des jeunes filles se sont suicidées après avoir été enlevées, torturées et violées, a dénoncé Marie Laurence Jocelyn Lassègue, ancienne professeure à l’Ecole Nationale des Arts (ENARTS) du poète assassiné et une des proches de Jacques Roche dont les parents (comme les siens) sont originaires de Cavaillon (Sud d’Haïti).
« Jacques était un de mes anciens étudiants à l’ENARTS. Les 550 millions de dollars, dont dispose la Mission de Stabilisation des Nations Unies (MINUSTAH), n’arrivent pas à donner de la sécurité, à sauver la vie de ce jeune intellectuel haïtien », a-t-elle déploré tout en indiquant que les élections constituent un passage obligé pour arriver à une paix durable dans le pays.
Pour Sabine Manigat, éditorialiste du Journal Le Matin, où le journaliste défunt était responsable de la section Culture et Société, Jacques Roche était un rude travailleur, un collaborateur très méticuleux.
« Cet homme symbolisait un combat. Il luttait pour la liberté, le respect des droits de la personne humaine, des droits de la femme. C’est tout le pays qui crie : c’en est trop », a-t-elle affirmé.
Né le 21 juillet 1961 à Port-au-Prince, Jacques Roche a fait ses études secondaires à l’Institution Saint Louis de Gonzague et des études universitaires en gestion à l’Institut National d’Administration, de Gestion et des Hautes Etudes Internationales (INAGHEI). Auteur de chansons, de pièces de théâtre et de recueils de poèmes, il a publié une série de 3 CD sous le titre ‘’Le Vent de Liberté’’.
Sur ces Compact disc, figurent des textes évocateurs dénonçant les violences aveugles qui secouent le pays.
« Tu ne peux pas tuer mon rêve
Tu ne peux pas tuer l’espoir
Tu peux tuer mes enfants,
Tuer ma femme
Mais tu ne peux pas tuer mon rêve
Tu ne peux pas tuer l’espoir ».
[do rc apr 20/07/05 11 :30]