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Haïti-Crise : Suite aux sanctions américaines, les lignes vont bouger, estime Me. Camille Leblanc

P-au-P, 09 nov. 2022 [AlterPresse] --- L’ancien titulaire (24 mars 1999 - 2 mars 2001) du Ministère de la justice et de la sécurité publique (Mjsp) en Haïti, Me. Camille Leblanc, estime que les lignes vont bouger très rapidement, suite aux sanctions prises par les autorités américaines contre des responsables haïtiens et des dispositions adoptées contre des chefs de gangs, dans une interview accordée à AlterPresse/AlterRadio.

Les sanctions, prises par les gouvernements des États-Unis d’Amérique et du Canada, concernent le président du tiers restant du sénat, Joseph Lambert, l’ex-président du grand corps, l’ancien sénateur Youri Latortue, pour trafic illicite de drogue et financement d’activités criminelles ainsi que des chefs de gangs qui sèment la terreur en Haïti.

« Ces mesures auront, de toute évidence, des effets sur les personnes concernées. Elles affecteront leur vie et leur personnalité », explique d’emblée Leblanc.

Il fait également remarquer que de telles mesures, même politiques, ne sont pas prises sans un minimum d’informations disponibles au sujet des concernés.

Ce n’est pas la première fois que des noms de hauts responsables sont cités dans des affaires louches en Haïti, rappelle Leblanc, se référant au cas de Fourel Célestin, qui a été arrêté et transféré à l’étranger.

Joseph Lambert bénéficie actuellement de l’immunité parlementaire. Ce qui serait difficile à enlever, du fait que le sénat est réduit à 10 membres, fait-il remarquer, considérant combien le président du tiers restant du sénat devrait se retirer de son poste, face à ces accusations.

Dans deux mois, il ne jouira plus de son immunité. A ce moment-là, la justice peut se charger du dossier, avance Camille Leblanc.

Joseph Lambert et Youri Latortue « se sont livrés ou ont tenté de se livrer à des activités ou à des transactions, qui ont matériellement contribué ou présentent un risque significatif de contribuer matériellement à la prolifération internationale des drogues illicites ou de leurs moyens de production », ont révélé l’Office of foreign assets control (Ofac) du département du trésor américain et le gouvernement du Canada, dans des communiqués.

Appel à la coopération internationale pour lutter contre les criminels

Quand quelqu’un fait du trafic de drogue dans un autre pays, il peut être poursuivi pour crime transnational, même si son propre pays ne fait rien, souligne Leblanc, pointant l’impunité en Haïti, qui autorise beaucoup de personnes à continuer de poser des actes malhonnêtes.

Il appelle Haïti à coopérer avec les États-Unis, notamment par la transmission de dossiers dans le cadre d’une lutte contre les criminels au bénéfice des deux pays.

Beaucoup de gens, qui blanchissent l’argent pour des gangs criminels, savent que leurs noms seront cités, après l’arrestation de ces derniers, et qu’ils feront l’objet d’une poursuite pénale, poursuit-il.

Me. Camille Leblanc encourage à étendre ces sanctions à tous les autres gangs armés, qui opèrent dans le pays, particulièrement dans la zone métropolitaine de la capitale, Port-au-Prince, recommandant à l’État de se mettre en position pour traquer les bandits et établir son autorité.

« Chaque accusé a des droits. Si quelqu’un estime que ses droits ont été violés, il peut prendre un avocat pour avoir accès à l’information le concernant. A partir de ce moment là, il pourra tirer ses propres conséquences », conseille Me. Camille Leblanc.

La personne accusée devra prendre au sérieux ces informations, si elles sont justifiées. Au cas où la collecte des informations aurait été mal faite, les autorités accusatrices permettront qu’il y ait une correction et la personne lésée sera rétablie dans sa dignité, signale-t-il.

Le commissaire du gouvernement pres le tribunal civil de Port-au-Prince, Jacques Guy Lafontant, a pour obligation d’ouvrir une enquête sur les accusés, parce que c’est une dénonciation publique, relève Leblanc.

Toutefois, le problème de prescription peut se poser, au cas où le crime remonterait à plus de 20 ou 30 ans, insiste-t-il..

A ce moment, la justice haïtienne ne peut pas intervenir pour juger pénalement la personne, parce que le délai de prescription (période au-delà de laquelle il n’est plus possible de poursuivre l’auteur d’une infraction) a expiré.

Aux termes de l’article 466 du Code d’instruction criminelle (Cic), « l’action publique et l’action civile résultant d’un crime se prescrivent, après dix (10) années révolues à compter du jour de sa commission, pourvu que, dans cet intervalle, il n’ait été fait aucun acte de poursuite ni d’instruction ».

S’agissant d’un délit, l’article 467 du Cic fixe la durée de la prescription à trois années révolues, à compter du jour de sa commission.

Toutefois, si la personne continue à poser les mêmes actions criminelles, le commissaire du gouvernement doit mener une enquête pour identifier ce qui se passe et trainer la personne devant la justice, nuance Leblanc.

Ce qui est très difficile en Haïti, malgré les efforts effectués, en ce sens, pour juger les personnes responsables de crimes, reconnait-il.

Le système judiciaire doit jouer sa partition, pour ne pas justifier l’intervention d’autres pays étrangers dans les dossiers haïtiens, plaide-t-il, tout en exhortant à sanctionnant les criminels qui violent la loi.

Dans une déclaration en date du 7 novembre 2022, le département d’État américain a aussi promis des récompenses, allant jusqu’à 3 millions de dollars, pour des informations menant à l’arrestation et/ou à la condamnation de Wilson Joseph, alias Lanmò Sanjou, Jermaine Stephenson, alias Gaspiyáy, opérant à Croix-des-Bouquets (municipalité au nord-est de Port-au-Prince) et Vitelhomme Innocent, opérant à Torcelle et Pernier (à l’est de Port-au-Prince).

Ces personnes sont accusées dans le kidnapping de 16 missionnaires chrétiens américains et d’un missionnaire canadien, le 16 octobre 2021, dans la zone de Ganthier (au nord-est de la capitale). Ils ont été séquestrés pendant des semaines et libérés contre rançon.

La justice américaine a aussi rendu publiques des accusations contre quatre chefs de gangs, dont deux parmi les principales bandes armées au centre de la capitale, Port-au-Prince, lesquels seraient impliqués dans des actes de kidnapping de cinq ressortissants américains en Haïti.

Les concernés sont Renel Destina, alias Ti Lapli, 40 ans, du gang Gran Ravin (secteur sud), Emanuel Solomon, alias Manno, la trentaine, du chef du gang Village de Dieu (côte ouest), John Peter Fleronvil et Jean Renald Dolcin, deux chefs du gang Kokorat san Ras basé à Lacroix Périsse (Artibonite/Nord), selon le document émis par le bureau des affaires publiques du Ministère américain de la justice. [emb gp apr 09/11/2022 12:25]