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Haïti : Sanctions américano-canadiennes contre le président du sénat Joseph Lambert et l’ex-sénateur Youri Latortue, accusés d’activités criminelles

P-au-P, 04 nov. 2022 [AlterPresse] --- Les gouvernements du Canada et des États-Unis d’Amérique ont imposé conjointement des sanctions au président du tiers restant du sénat, Joseph Lambert, et à l’ex-président du grand corps, l’ancien sénateur Youri Latortue, pour trafic illicite de drogue et financement d’activités criminelles, entre autres, apprend AlterPresse.

Lambert et Latortue « se sont livrés ou ont tenté de se livrer à des activités ou à des transactions, qui ont matériellement contribué ou présentent un risque significatif de contribuer matériellement à la prolifération internationale des drogues illicites ou de leurs moyens de production ».

C’est ce que révèlent l’Office of foreign assets control (Ofac) du département du trésor américain et le gouvernement du Canada, dans des communiqués dont a pris connaissance l’agence en ligne AlterPresse.

Le sous-secrétaire au trésor pour le terrorisme et le renseignement financier, Brian E. Nelson, dénonce Joseph Lambert et Youri Latortue, qui ont abusé « de leurs fonctions officielles, pour faire du trafic de drogue et ont collaboré avec des réseaux criminels et de gangs pour saper l’état de droit en Haïti ».

« Les États-Unis et nos partenaires internationaux continueront de prendre des mesures contre ceux qui facilitent le trafic de drogue, permettent la corruption et cherchent à profiter de l’instabilité en Haïti ».

Ces sanctions sont intervenues peu de temps après la déclaration du chargé d’affaires des États-Unis en Haïti, Eric Stromayer, qui annonce la participation des autorités américaines à un effort national majeur pour résoudre le problème de l’insécurité en Haïti.

« Un petit nombre de personnes de l’élite politique, commerciale et sociale en Haïti et à l’étranger tiennent le pays en otage pour leur profit personnel, utilisant la souffrance de la population pour remplir leurs poches ou réaliser leurs ambitions politiques », déclare Stromayer, sur un ton ferme et utilisant un langage direct, dans un message audio.

Il renouvelle la détermination des États-Unis à tenir ces criminels responsables, tout en rappelant que le département d’État américain a déjà imposé des restrictions de visas à ceux qui commettent et encouragent la violence.

« Nous empêcherons ces malveillants et les membres de leur famille d’entrer aux États-Unis. Nous allons continuer d’ajouter des noms à la liste au fur et à mesure que nous identifierons les responsables de cette situation tragique », menace-t-il, tout en annonçant d’autres sanctions.

Implication des sanctions contre Lambert et Latortue

Les autorités américaines demandent que tous les biens et intérêts des personnes désignées, qui se trouvent aux États-Unis, en possession ou sous le contrôle de personnes de nationalité américaine, soient bloqués et signalés à l’Ofac.

« Toutes les entités détenues, directement ou indirectement, à 50 % ou plus par une ou plusieurs personnes bloquées, sont également bloquées ».

« Les personnes, qui s’engagent dans certaines transactions avec les personnes désignées aujourd’hui, peuvent elles-mêmes s’exposer à des sanctions ou faire l’objet d’une action en justice ».

Des sanctions américaines pourraient également être appliquées, à moins qu’une exception ne s’applique, à toute institution financière étrangère qui facilite sciemment une transaction importante ou fournit des services financiers importants aux personnes désignées aujourd’hui, soulignent-ils.

Drogue et argent sale de Lambert et Latortue

« L’histoire de Lambert avec le trafic de drogue couvre deux décennies. Pendant ce temps, Lambert a utilisé sa position pour diriger et faciliter le trafic de cocaïne de la Colombie vers Haïti et pour faciliter l’impunité en Haïti pour d’autres trafiquants de stupéfiants », dévoile le communiqué du gouvernement américain.

En plus d’ordonner à d’autres de se livrer à la violence en son nom, Lambert a contribué, à travers le trafic de drogue et par ses tactiques de corruption et son mépris continu de l’État de droit, à la déstabilisation continue d’Haïti.

« Comme Lambert, Latortue a également été longtemps impliqué dans des activités de trafic de drogue. Latortue s’est engagé dans le trafic de cocaïne de la Colombie vers Haïti et a ordonné à d’autres de se livrer à la violence en son nom ».

La position détaillée du Canada

« Ces personnes utilisent leur statut d’ancien ou d’actuel titulaire d’une charge publique, pour protéger et permettre les activités illégales de gangs criminels armés, notamment par le blanchiment d’argent et d’autres actes de corruption », avance le gouvernement du Canada, dans un communiqué publié ce 4 novembre 2022 sur son site.

Ces nouvelles mesures, qui imposeront une interdiction de transactions à ces personnes, auront pour effet de geler tout avoir qu’elles peuvent détenir au Canada. Ces sanctions contre ces personnes visent à mettre fin au flux de capitaux et d’armes illicites pour affaiblir et mettre hors d’état de nuire les gangs, précise le gouvernement canadien.

Le gouvernement du Canada déclare envisager l’imposition de nouvelles sanctions contre d’autres personnes et entités, ainsi que d’autres mesures, pour faire pression sur les responsables de la violence et de l’insécurité en Haïti.

Ces sanctions ciblées ont été imposées par le Canada, en vertu du règlement sur les mesures économiques spéciales visant Haïti, en réponse à la conduite inacceptable d’élites politiques haïtiennes, qui apportent un soutien financier et opérationnel illicite à des gangs armés, a annoncé la ministre canadienne des affaires étrangères, Mélanie Joly, en coordination avec les États-Unis.

« Le Canada ne restera pas inactif, alors que les gangs et ceux qui les soutiennent terrorisent les citoyens d’Haïti. Nous faisons pression sur ces personnes pour les obliger à mettre fin à leur violence insensée ».

« La communauté internationale a un rôle important à jouer, et nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour aider les Haïtiens et faire respecter les droits de la personne, la démocratie et la paix internationale », poursuit-elle.

Climat de terreur et sanctions contre les chefs de gangs dont « Barbecue »

La terreur imposée, en toute impunité, par les gangs armés et leurs partisans aux populations vulnérables en Haïti, précipite une crise humanitaire en Haïti, qui comprend la résurgence du choléra sur l’île, déplore le gouvernement du Canada.

Il condamne la perpétration, par ces gangs armés, d’actes de violence inqualifiables, notamment la violence sexuelle généralisée, à l’encontre des communautés touchées.

Ces gangs empêchent également la prestation de services essentiels.

Le terminal pétrolier de Varreux, dans la commune de Cité Soleil (au nord de Port-au-Prince), est bloqué depuis le mois de septembre 2022, par la fédération des gangs armés (G9), dirigée par le chef de gang haïtien Jimmy Chérizier, alias « Barbecue ».

Ce blocage entraînant une pénurie de carburant continue de paralyser les activités commerciales et scolaires dans le pays.

Le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (Onu) a voté à l’unanimité, le vendredi 21 octobre 2022, une résolution 2653 établissant « un régime de sanctions spécifiques, ciblant les chefs de gangs armés qui opèrent en Haïti et tous ceux qui les soutiennent », en finances et en armes.

Ces mesures restrictives consistent, pour ces personnes, en l’interdiction de voyager, le gel de leurs avoirs et un embargo sur les armes pour les acteurs non étatiques, suivant le texte approuvé par 15 nations.

« Barbecue » a été particulièrement ciblé par ces sanctions.

Un comité de suivi de mise en œuvre des sanctions

La résolution 2653 a établi un comité composé de tous les membres du Conseil de sécurité de l’Onu, « pour entreprendre le suivi de la mise en œuvre des sanctions, qui seront imposées aux personnes et entités désignées comme étant responsables ou complices d’activités faisant peser une menace sur la paix, la sécurité ou la stabilité d’Haïti, ou comme ayant pris part, directement ou indirectement, à de telles activités », rappelle le Bureau intégré des Nations unies (Binuh), dans un communiqué publié le jeudi 3 novembre 2022.

Ces sanctions concernent des activités criminelles et des actes de violence, impliquant des groupes armés et des réseaux criminels qui encouragent la violence, le fait de soutenir le trafic et le détournement d’armements ou les flux financiers illicites qui y sont liés, entre autres.

« La résolution demande également au Secrétaire général des Nations unies de créer un Groupe composé de quatre experts, qui aura la tâche d’aider le Comité à s’acquitter de son mandat. Le Groupe d’experts sera chargé de réunir, d’examiner et d’analyser toutes les informations qui concernent l’application des sanctions ».

Le Conseil de sécurité de l’Onu a exigé la cessation immédiate de la violence, des activités criminelles et des atteintes aux droits humains, qui compromettent la paix, la stabilité et la sécurité d’Haïti et de la région.

Il a aussi exhorté tous les acteurs politiques à engager de réelles négociations constructives, pour sortir de l’impasse politique actuelle et créer les conditions pour le rétablissement des institutions démocratiques. [emb gp apr 04/11/2022 11:55]