P-au-P., 27 oct. 2022 [AlterPresse] --- Si la résolution américano-mexicaine pour l’envoi d’une force internationale en Haïti, à la demande du gouvernement de facto d’Ariel Henry, ne reçoit pas un avis favorable du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (Onu), les États-Unis d’Amérique ont un plan B, suivant des informations rapportées par le Miami Herald, consulté par AlterPresse.
Alors que les responsables américains nourrissent l’espoir du passage du Conseil de sécurité, ils planifient également la mise en place éventuelle d’une force multilatérale qui entrerait en Haïti sans l’autorisation formelle de l’Onu, selon le quotidien de Floride.
Le secrétaire d’État adjoint étasunien pour les affaires de l’hémisphère occidentale, Brian Nichols, a déclaré, le 26 octobre 2022, à des journalistes, que la force multinationale envisagée serait composée principalement de policiers, avec quelques éléments militaires.
Un certain nombre de pays ont les compétences pour le faire, y compris le Canada, a-t-il déclaré.
Mais Nichols a reconnu que « le pays qui dirigera cet effort n’a pas été déterminé ».
Une délégation d’enquêteurs du Canada devrait se rendre à Port-au-Prince, cette semaine, pour discuter de la crise, ajoute le journal.
Le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, prévoit de visiter le Canada durant 48 heures, à partir de jeudi 27 octobre 2022, avec le secrétaire d’État adjoint Brian A. Nichols, pour rencontrer le premier ministre Justin Trudeau et la ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly. Haïti fait partie des sujets prioritaires à l’ordre du jour.
Le doute
24 heures auparavant, le doute planait sur une réponse favorable à la demande d’intervention militaire étrangère en Haïti, formulée au début du mois d’octobre 2022 par le gouvernement de facto à l’endroit de la communauté internationale.
Autant qu’en Haïti, le scepticisme règne au niveau de la communauté internationale autour de l’envoi d’une force d’intervention étrangère dans le pays, terrassé par une crise multidimensionnelle sans précédent, pouvait-on lire sur les sites de quelques médias internationaux.
Face au blocage du principal terminal pétrolier d’Haïti par des gangs armés, empêchant la distribution des produits pétroliers, depuis environ deux mois, la montée vertigineuse des actes de violence, l’éclatement de troubles antigouvernementaux et le resurgissement du choléra, le premier ministre de facto Ariel Henry a lancé, le 7 octobre 2022, un SOS à la communauté internationale. Une demande relayée par le secrétaire général de l’Onu, le Portugais Antonio Guterres, auprès de l’organisation internationale.
Mais, le Conseil de sécurité de l’Onu est divisé sur la question.
Les États-Unis et le Mexique, chargés de faire des propositions sur le dossier, ont dû se résoudre à travailler sur deux résolutions distinctes, dont une première sur les sanctions à l’encontre des chefs de gangs et de leurs soutiens.
Dans cette résolution, adoptée à l’unanimité, le vendredi 21 octobre 2022, par le Conseil de sécurité de l’Onu, les rédacteurs ont dû effacer toutes les références à une force internationale d’intervention en Haïti.
Une deuxième résolution en préparation, à propos de la force internationale d’intervention en Haïti, rencontrerait des difficultés, aucun pays ne voulant s’engager à contribuer au niveau des troupes.
Des yeux se tournent vers le Canada
« Le Canada est un partenaire incroyablement compétent dans une foule de domaines. Le Canada a des compétences incroyables, en matière de développement, et possède des forces armées très compétentes ainsi qu’une force de police nationale », a déclaré Nichols.
« Ce sont des compétences importantes dans la communauté internationale, et plus largement, c’est une nation respectée ».
On apprend que le Canada s’est entretenu avec les membres de la Communauté économique des Caraïbes (Caricom) de la demande du gouvernement d’Haïti.
Mais, le Canada s’interroge sur sa disposition à diriger une force internationale en Haïti, malgré son soutien financier continu et la formation de la police nationale d’Haïti.
Brian Nichols demeure confiant et pense que, d’ici début novembre 2022, « nous aurons quelque chose - à la fois la résolution du Conseil de sécurité et la direction de la force ».
Entre les États-Unis et le Canada
Aux États-Unis, des élections législatives de mi-mandat se tiennent le mardi 8 novembre 2022 et il est impensable que l’exécutif américain prenne une décision, qui engagerait des troupes américaines avant cette date, analysent des experts, dont l’ancien Colonel et homme politique haïtien Himmler Rébu, interrogé par AlterPresse.
Himmler Rébu relève également des difficultés techniques à mettre en place une mission militaire internationale, pour une action rapide contre les gangs, puisqu’une telle opération exigerait une coordination et des entrainements communs. Ce qui pourrait être compliqué à mettre en œuvre dans l’immédiat.
En dehors des États-Unis, « qui pourrait mener une telle mission ? », s’interroge Gilles Rivard, ancien ambassadeur canadien en Haïti, dont les propos sont rapportés par l’Afp.
Gilles Rivard exprime des doutes sur la réalisation d’une pareille opération, dans le contexte actuel.
« Ça fait 25 ans que la communauté internationale fait la même chose et ça n’a donné aucun résultat », commente Rivard.
« Le pays est ingouvernable » et « les Haïtiens sont incapables de livrer une feuille de route pour conduire à des élections », regrette Gilles Rivard, qui voit cette feuille de route comme un préalable à l’envoi d’une force internationale efficace. [apr 27/10/2022 00:30]