La conjoncture demeure encore brumeuse, malgré quelques signes d’éclairci. Des pas ont été franchis dans le sens de la formation d’un nouveau Conseil Électoral Provisoire en vue d’élections législatives et municipales l’année prochaine. Mais des blocages persistent au niveau politique et la situation sociale tend à dégénérer.
CONJONCTURE POLITIQUE : VIENDRA-T-IL ENFIN, LE CEP ?
Par Gotson Pierre
Plus de 2 semaines après le délai arrêté par la résolution 822 de l’Organisation des Etats Américains (OEA) pour la mise en place du CEP, l’Exécutif n’a pu obtenir que la désignation conditionnée de la majeure partie des personnalités devant représenter des secteurs au sein de l’institution électorale. Les églises catholique, épiscopale et protestante, le secteur privé et les organismes de défense des droits humains, ont, a l’issue du moratoire de 15 jours demandé au Chef de l’Etat, communiqué à la Présidence le 19 novembre les noms de leurs représentants désignés.
Mais, les 5 personnalités en question ne pourront prêter serment comme membre du CEP que lorsque les résolutions 806 et 822 de l’OEA seront pleinement appliquées. Ces résolutions prévoient la poursuite des auteurs de violence, la réparation pour les victimes, le désarmement des bandes armées et des mesures favorisant un climat d’apaisement.
L’opinion se demande dans quel délai de tels objectifs pourront être atteints. Neanmoins, le pouvoir pousse un ouf de soulagement et n’a plus qu’a mettre le paquet sur la persuasion de l’opposition à choisir enfin ses délégués au CEP. Le Chef de Cabinet Particulier du President Aristide, Dr Jean-Claude Desgranges, a convoqué la presse le soir même du 19 novembre pour saluer le geste des secteurs d’églises, d’affaires et de droits humains et renouveler son appel a la Convergence Démocratique.
Encore sceptique … ou changement de priorité ?
Mais rien n’efface jusqu’à présent le scepticisme affiché par cette coalition ainsi que d’autres regroupements de l’opposition. Non merci, disent les dirigeants de plusieurs partis et organisations politiques, qui penchent plutôt en faveur de la démission du Président Aristide et des élections générales.
Cette position a été affirmée lors d’une manifestation, conduite le 17 novembre au Cap Haïtien, deuxième ville du pays (Nord), par l’association socio-politique Initiative Citoyenne, d’un commun accord avec plusieurs responsables de l’opposition. Ce mouvement anti-Aristide a su drainer, pacifiquement et sous les yeux de la police, une foule estimée entre 15 et 25 milles personnes par des journalistes.
C’est la première fois depuis 1990 qu’un tel mouvement a été enregistré, tandis que parallèlement, a Petit Goave (Ouest) des milliers de personnes sont descendues dans les rues pour exprimer leur rejet d’Aristide et du pouvoir lavalas. Et même, les manifestations ont repris le 20 novembre à Petit Goave. Ce sont cette fois des écoliers qui se sont mobilisés contre une éventuelle augmentation de frais d’examens officiels et la vie chère. Une dizaine de personnes a été blessée par balles, dont 7 écoliers.
Des manifestations pro-aristide de moindre ampleur ont également eu lieu, notamment dans la soirée du 17 novembre au Cap Haïtien. En outre, des actes de représailles de partisans du pouvoir contre des citoyens de cette ville, en particulier des fonctionnaires publics et des journalistes, ont été dénoncés.
De toute manière, avec la démonstration du 17 novembre, l’opposition anti-Aristide semble changer de priorité, lorsque l’administration lavalas paraît vouloir jeter du lest.
Coincé ?
Même s’il n’a pas spécifiquement abordé la question électorale dans son discours du 18 novembre (199ème anniversaire de la dernière grande bataille livrée par les esclaves avant la proclamation de l’indépendance le 1er janvier 1804), au milieu de ses récriminations contre la communauté internationale, Aristide a prôné la sécurité, la justice et la paix.
La présidence insiste, par ailleurs, sur le fait que les termes de références de l’appui technique de l’OEA au processus électoral ont été récemment établis, lors de séances de travail entre le gouvernement et l’organisation hémisphérique. Le document, selon le Secrétaire d’état à la Communication Mario Dupuy, devrait contribuer à créer le climat de confiance nécessaire à la mise en branle du processus électoral.
Le responsable promet également que le gouvernement jugulera l’insécurité, qui recommence à grimper depuis quelques semaines à travers le pays. Pas moins de 3 cas d’enlèvements, dont celui d’un commissaire de police, ont été annoncés par la presse durant ces derniers jours. Une dizaine de cas de disparitions a été relevée.
Sur le front social également, le gouvernement voudrait-il revoir ses cartes ? Aristide a eu une rencontre inattendue ce 20 novembre avec le Conseil de l’Université, en lutte contre les mesures gouvernementales de la fin du mois de juillet, notamment la nomination d’un Conseil Provisoire, remplaçant un Conseil Exécutif élu.
Selon le Conseil de l’Université, Aristide a promis de revenir officiellement sur les mesures incriminées. Mais la communauté universitaire n’entend pas lâcher prise jusqu’à ce que le nécessaire soit fait.
Etudiants et professeurs promettent de faire entendre leurs voix ce 21 novembre, après les manifestations des 13 et 15 novembre derniers. Plus de 5 mille personnes, en majorité des étudiants, avaient marché sur Port-au-Prince le 15 novembre et la communauté universitaire avait repris le rectorat, occupé depuis août dernier par un Conseil Provisoire. Par la suite des scellés ont été apposés sur le bâtiment.