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Crise : La demande d’intervention militaire en Haïti, un crime et une trahison, estiment plusieurs organisations

P-au-P, 10 oct. 2022 [AlterPresse] --- La demande d’intervention militaire étrangère en Haïti, formulée par le gouvernement de facto à l’endroit de la communauté internationale, constitue un acte criminel et une trahison.

Telle est la position exprimée par l’Association militaire d’Haïti (Amidh), regroupant d’anciens militaires, ainsi que par différentes organisations syndicales de transports publics, entre autres, dans des notes séparées dont a pris connaissance l’agence en ligne AlterPresse.

L’Amidh critique le comportement des ministres, qui ont signé la résolution prise le jeudi 6 octobre 2022 en Conseil des ministres de facto, autorisant des militaires étrangers à fouler le sol d’Haïti.

Elle demande que les signataires soient à long terme jugés pour « crime de haute trahison » à l’encontre de leur pays.

« Nous contestons à Ariel Henry et aux membres de son gouvernement le droit, la qualité et la légitimité pour amener des bottes étrangères sur le sol national une fois de plus ».

L’Amidh rejette catégoriquement ce projet qu’elle qualifie de « scélérat ».

Nombreux sont les officiers, sous-officiers, soldats et adhérents à l’Association milliaire d’Haïti, qui « préfèreraient mourir mille fois des mains fratricides de leurs compatriotes que d’avoir à revivre encore l’humiliation souillure du sol national. »

Haïti a déjà connu plusieurs débarquements de militaires étrangers.

Des troupes américaines ont débarqué, le 28 juillet 1915, dans la capitale, à Port-au-Prince, pour restaurer la stabilité et la sécurité dans le pays, suivant ce qui est rapporté.

20,000 hommes de l’armée américaine ont foulé le sol haïtien, le 19 septembre 1994, sur ordre du président démocrate Bill Clinton, permettant le retour au pouvoir du président Jean-Bertrand Aristide, exilé à la suite d’un coup d’État sanglant, perpétré, dans la nuit du 29 au 30 septembre 1991, par les anciennes forces armés d’Haïti (Fad’H).

Trahison

De leur côté, le Secteur du transport terrestre haïtien (Stth), l’Association des propriétaires et chauffeurs d’Haïti (Apch) et la Fédération nationale de transport et des travailleurs haïtiens (Fenatrah) qualifient de trahison la demande d’envoi d’une force étrangère en Haïti.

Munir la Police nationale d’Haïti (Pnh) de moyens efficaces pour vaincre les gangs armés n’a jamais été la priorité du gouvernement de facto, qui attendait juste le moment opportun pour « trahir le peuple », soutiennent ces organisations syndicales.

« Nous demandons au peuple de rester vigilant et de poursuivre les mobilisations contre toute forme d’occupation ».

Déploiement immédiat d’une force spécialisée armée

Une résolution du Conseil des ministres de facto, prise le jeudi 6 octobre 2022, autorise Ariel Henry à « solliciter et obtenir des partenaires internationaux d’Haïti un support effectif pour le déploiement immédiat d’une force spécialisée armée, en quantité suffisante pour stopper, sur toute l’étendue du territoire, la crise humanitaire.

Cette crise est « causée, entre autres, par l’insécurité résultant des actions criminelles des gangs armés et de leurs commanditaires », souligne la résolution du gouvernement de facto.

Le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (Onu), le Portugais Antonio Guterres, a exhorté la communauté internationale, y compris les membres du Conseil de sécurité de l’Onu, à examiner en urgence la demande du gouvernement de facto en Haïti de déployer, sans délai, une force armée spécialisée internationale pour faire face à la crise humanitaire, a rapporté son porte-parole, le Français Stéphane Dujarric.

Ce déploiement viserait, notamment, à assurer la libre circulation de l’eau, du carburant, de la nourriture et des fournitures médicales, depuis les principaux ports et aéroports jusqu’aux communautés et aux établissements de soins, selon les Nations unies.

Le dimanche 9 octobre 2022, Guterres a remis au Conseil de sécurité une lettre présentant des options pour un soutien renforcé à la sécurité en Haïti.

Pour sa part, le tiers restant du sénat haïtien a demandé un sursis à l’exécution de la décision, prise en conseil des ministres de facto, autorisant le déploiement de forces armées étrangères sur le territoire national, dans une résolution adoptée le 9 octobre 2022 et adressée à la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (Cscca).

La demande du gouvernement de facto s’apparente « à une tentative d’un gouvernement illégitime, impopulaire et de plus en plus contesté, de recourir à des forces étrangères pour se maintenir coûte que coûte au pouvoir et retarder ainsi le retour d’Haïti à l’ordre constitutionnel et démocratique », fustige le tiers restant du sénat.

Ariel Henry ignore la Constitution amendée de 1987 et se fait usurpateur des prérogatives, qui sont dévolues, par notre charte fondamentale, au président de la république qui est le Chef de l’État, dénonce-t-il. [rdp emb apr 10/10/2022 18:00]