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Crise : Haïti vit au ralenti depuis plus d’un mois

Par Emmanuel Marino Bruno

P-au-P, 10 oct. 2022 [AlterPresse] --- Les activités, de plus en plus perturbées depuis le lundi 12 septembre 2022, peinent à reprendre leur cours normal sur le territoire national, ce lundi 10 octobre 2022, selon les informations rassemblées par l’agence en ligne AlterPresse.

A part quelques rares motos-taxis, qui circulent dans les rues, les transports en commun demeurent globalement paralysés, contrairement au weekend écoulé, durant lequel la population a essayé de se ravitailler, pour prévenir l’incertitude des jours à venir qui pourraient être sombres en Haïti.

Le commerce formel et informel continue de fonctionner au ralenti dans la zone metropolitaine de la capitale, Port-au-Prince.

En certains endroits, notamment à Delmas et Gérald Bataille (vers le nord-est de Port-au-Prince), des protestataires se font très menaçants face aux chauffeurs de motos-taxis, qui tentent de franchir les barricades.

En plus de piles de fatras et de débris divers, un camion est mis au travers de la route, au niveau de Gérald Bataille, en direction de Delmas 33.

Des barricades, faites de pneus usagés enflammés, de pierres et d’objets divers, sont installées dans plusieurs communes de la capitale, Port-au-Prince, comme à Delmas, Carrefour (municipalité au sud) et dans la plaine du Cul de sac (au nord).

Les membres du gouvernement de facto et ceux du secteur privé des affaires ont distribué des armes aux gangs, qui bloquent l’accès au quartier de Martissant (dans la périphérie sud de Port-au-Prince) depuis le 1er juin 2021, dénoncent les protestataires.

Ils déplorent également la pénurie de carburant, d’eau, d’électricité ainsi que le niveau de plus en plus élevé de criminalité qui règne en Haïti, sous les yeux des autorités étatiques.

« Quand un sac de riz se vend à 2,250.00 gourdes (Ndlr : US $ 1.00 + + 135.00 gourdes ; 1 peso dominicain = 2.40 gourdes aujourd’hui) au centre-ville de la capitale, Port-au-Prince, les habitantes et habitants de Carrefour l’achètent à 4,500.00 gourdes. Quand un gallon de gazoline coûte 1,500.00 gourdes (sur le marché parallèle), nous le payons à 4,000.00 gourdes », rapporte un riverain.

La commune et les sections communales de Carrefour resteront mobilisées jusqu’au départ du premier ministre de facto, Ariel Henry, jurent des riverains, très furieux après la dernière décision du gouvernement de facto de solliciter l’intervention d’une force militaire étrangère en Haiti.

Ariel Henry n’a aucune légalité ni légitimité pour effectuer une telle demande, estiment-ils.

Une résolution du Conseil des ministres de facto, prise le jeudi 6 octobre 2022, autorise Ariel Henry à « solliciter et obtenir des partenaires internationaux d’Haïti un support effectif pour le déploiement immédiat d’une force spécialisée armée, en quantité suffisante pour stopper, sur toute l’étendue du territoire, la crise humanitaire causée, entre autres, par l’insécurité résultant des actions criminelles des gangs armes et de leurs commanditaires ».

Un arrêté, relatif à cette résolution, a été publié dans le journal officiel « Le Moniteur » du 7 octobre 2022, 10 jours avant l’ultimatum donné à Ariel Henry, par les Nations unies, pour faire part de son plan de sortie de crise en Haïti.

Dans un document, en date du 15 août 2022, le Conseil de sécurité de l’organisation des Nations unies (Onu) avait annoncé, au-delà de l’échéance du 17 octobre 2022, des mesures appropriées, qui pourraient inclure le gel des avoirs ou des interdictions de voyager, ciblant ceux qui participeraient à la violence en bande organisée et à des activités criminelles ou à des atteintes aux droits humains en Haïti.

« Si Haïti est toujours sous le contrôle des gangs et bandits armés, après l’échéance de l’ultimatum (pour le 17 octobre 2022) donné à Ariel Henry par les Nations unies, nous comprendrons que seul le peuple est capable de rétablir la sécurité dans le pays », avait déclaré, le 18 août 2022, le parti politique Mouvement patriotique populaire dessalinien (Mopod)

Le parti politique Mopod envisageait, alors, de lancer, à partir du 24 octobre 2022, un « soulèvement général », visant à forcer le premier ministre de facto Ariel Henry et son gouvernement à laisser le pouvoir politique.

Toujours est-il qu’à la fin de la semaine écoulée, le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (Onu), le Portugais Antonio Guterres, a exhorté la communauté internationale, y compris les membres du Conseil de sécurité de l’Onu, à examiner en urgence la demande du gouvernement de facto en Haïti de déployer, sans délai, une force armée spécialisée internationale pour faire face à la crise humanitaire, a rapporté son porte-parole, le Français Stéphane Dujarric.

Ce déploiement viserait, notamment, à assurer la libre circulation de l’eau, du carburant, de la nourriture et des fournitures médicales, depuis les principaux ports et aéroports jusqu’aux communautés et aux établissements de soins, selon les Nations unies.

Le dimanche 9 octobre 2022, Guterres a remis au Conseil de sécurité une lettre présentant des options pour un soutien renforcé à la sécurité en Haïti, conformément à la demande du Conseil de sécurité dans sa résolution 2645 (2022), informe Stéphane Dujarric.

Pour sa part, le tiers restant du sénat haïtien a demandé un sursis à l’exécution de la décision, prise en conseil des ministres, autorisant le déploiement de forces armées étrangères sur le territoire national, dans une résolution adoptée le 9 octobre 2022 et adressée à la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (Cscca).

La demande du 7 octobre 2022 du gouvernement de facto s’apparente « à une tentative d’un gouvernement illégitime, impopulaire et de plus en plus contesté, de recourir à des forces étrangères pour se maintenir coûte que coûte au pouvoir et retarder ainsi le retour d’Haïti à l’ordre constitutionnel et démocratique », selon la résolution du tiers restant du sénat en Haïti.

Ariel Henry ignore la Constitution amendée de 1987 et se fait usurpateur des prérogatives, qui sont dévolues, par notre charte fondamentale, au président de la république qui est le Chef de l’État, dénonce le tiers restant du sénat.

Le tiers restant du sénat en profite pour demander au gouvernement de facto un sursis à la mise en œuvre des nouveaux prix du carburant à la pompe, pour soulager les petites bourses et les personnes les plus démunies.

Des mouvements de protestations, émaillés de violences et de pillages, ont éclaté, à travers Haïti, depuis le lundi 12 septembre 2022, après l’annonce d’une hausse à 100% des prix des produits pétroliers sur le marché national.

Le blocage, depuis plusieurs semaines, du terminal pétrolier de Varreux, dans la commune de Cité Soleil (au nord de Port-au-Prince), par les gangs armés de G9 an fanmi e alye, perturbe le fonctionnement de l’ensemble des activités scolaires et commerciales, à cause de la rareté de carburant provoquée dans le pays.

De plus, la résurgence du choléra vient amplifier le risque d’une crise humanitaire sans précédent.

Interrogé par AlterPresse/AlterRadio, l’agent exécutif intérimaire de Cité Soleil, Joël Janéus, a fait état de 12 décès sur plus d’une centaine de cas de choléra, recensés dans cette commune.

Neuf décès, deux cas confirmés de choléra et 39 autres suspects de choléra ont été dénombrés au pénitencier national de Port au Prince, par la Direction d’épidémiologie, des laboratoires et de la recherche (Delr), a indiqué le Ministère de la santé publique et de la population (Mspp), dans une note publiée le dimanche 9 octobre 2022. [emb rc apr 10/10/2022 11:40]