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Troubles : Risques d’une grande pénurie en Haïti…

Par Ronald Colbert

P-au-P, 21 sept. 2022 [ AlterPresse] --- Le cyclone Fiona, qui a causé des dommages importants dans une partie des Grandes et des Petites Antilles, a changé de trajectoire. Il ne représente aucun danger pour Haïti, dont 7 sur les 10 départements géographiques pourraient, tout au moins, recevoir de fortes pluies orageuses, accompagnées d’épisodes de vents forts, avec des risques d’inondations sur les zones Nord, indique le dernier bulletin de l’Unité hydro-météorologique (Uhm) consulté par l’agence en ligne AltrPresse.

Cependant, eau potable et eau courante, nourriture et autres aliments indispensables, pain et farine, huile comestible, gaz propane et/ou charbon de bois, divers biens essentiels à la consommation, beaucoup d’autres accessoires utiles… commencent à manquer en divers endroits en Haïti, selon les témoignages recueillis par AlterPresse.

En cause : la rareté artificielle, provoquée et persistante, depuis plusieurs mois, comme à la fin de l’année 2021, des produits pétroliers sur le marché national, et ses conséquences : les mouvements de protestations antigouvernementales, qui s’amplifient dans sa deuxième semaine, partout en Haïti. Les habitantes et habitants en Haïti éprouvent des difficultés à se déplacer sur le territoire national.

Il y a, aujourd’hui un soulèvement populaire, de la colère et du mécontentement généralisés contre le premier ministre de facto, Ariel Henry, qui s’est installé, le 21 juillet 2021, à la suite d’un tweet de la communauté internationale.

Les routes et artères sont barricadées sur tout le territoire national. Comme un jeu de chat et de souris, les protestataires replacent les barricades, qui ont été enlevées, par des services municipaux et le ministère des travaux publics, dans certaines communes dans la zone métropolitaine de la capitale, Port-au-Prince.

Pneus usagés enflammés, troncs d’arbres, poteaux électriques, barrières et chaînes métalliques, carcasses de véhicules, grosses pierres, matériels divers… sont les éléments constitutifs des barricades, érigées dans la plupart des villes en Haïti. Les manifestations font tache d’huile, elles se répandent partout.

Depuis plus d’une semaine, toutes les activités sont globalement paralysées, incluant les banques commerciales, le commerce formel et informel, les bureaux et services ainsi que les stations de distribution de produits pétroliers, qui n’étaient pas approvisionnées.

La circulation de véhicules, de motocyclettes, de transports publics et de motos-taxis est compliquée. Seules les personnes à pied peuvent traverser les barricades sur les artères et les routes.

Une grande partie de la population est plutôt restée chez elle depuis plus de 10 jours, tandis qu’une autre partie manifeste et/ou s’exprime dans les barricades.

Quoi qu’il en soit, un nombre important de petites commerçantes s’échinent, déployent d’immenses efforts et stratégies, moyennant des débours considérables, pour continuer d’approvisionner les différents marchés nationaux en divers produits essentiels à la consommation.

Reportée du 5 septembre au lundi 3 octobre 2022, la réouverture officielle des classes semble encore compromise. Plus d’une trentaine d’établissements scolaires, dont 16 dans le département de l’Artibonite, ont été saccagés durant les mouvements de protestations, encore en cours.

Beaucoup de ces établissements scolaires doivent subir des réparations en toute urgence, selon une évaluation partielle du ministère de l’éducation nationale.

La rareté de carburant persiste encore, le 21 septembre 2022, en Haïti.

Entre-temps, depuis plusieurs semaines, beaucoup de médias éprouvent des difficultés pour offrir leurs services à la population. Non seulement, leurs équipes ne peuvent pas se rendre dans leurs espaces de travail, mais aussi et surtout la rareté persistante des produits pétroliers a des conséquences négatives sur le fonctionnement des médias, privés de courant électrique public depuis plusieurs mois.

Par ailleurs, le bureau et l’entrepôt du Programme alimentaire mondial / Pam aux Gonaïves (département de l’Artibonite), beaucoup d’institutions publiques, d’écoles, d’organisations non gouvernementales ainsi que d’entreprises privées et succursales de banques commerciales ont été saccagés et pillés, ces derniers jours en Haïti.

20 suspects ont été interpellés à Saint-Marc (Bas Artibonite), où un policier national a été blessé, lors d’opérations policières contre les actes de pillage dans les institutions publiques et entreprises privées. Plusieurs suspects ont aussi été interpellés à Léogane par la police, qui a pu récupérer 2 armes emportés par des hommes armés de machettes, lors du sac d’une succursale d’une banque commerciale, le 19 septembre 2022.

Des tranchées et barricades ont été aménagées non loin du terminal (centre de stockage) de Varreux, dans la commune de Cité Soleil. Ce qui, à côté des manifestations de rues, ne permet pas aux camions de venir s’approvisionner pour aller alimenter les stations de distribution, indiquent les responsables du Terminal de Varreux.

Les protestataires dans les rues manifestent également contre la décision d’augmenter à environ 100% les prix des produits pétroliers sur le marché national.

Au fort des mouvements de protestations, Ariel Henry a choisi de se rendre en Floride, le mercredi 14 septembre 2022, en vue de rencontrer de « potentiels investisseurs ».

De quels « potentiels investisseurs » s’agit-il, qui viendraient placer leurs fonds dans les conditions délétères de sécurité actuelle en Haïti, en l’absence d’un système fonctionnel de justice ?

De retour de cette visite aux États-Unis d’Amérique, qualifiée de « suspecte » par de nombreuses voix, Ariel Henry a décidé d’annoncer une augmentation substantielle des prix des produits pétroliers en Haïti.

Comment les ménages, incluant les parents, seront en mesure de supporter cette nouvelle hausse du carburant, qui provoquera des effets multiplicateurs sur l’ensemble des prix, notamment des biens essentiels à la consommation et des tarifs des transports publics ?

Qualifiant de « criminelle et sanguinaire » la décision de hausse substantielle des produits pétroliers, une vingtaine de syndicats de transports publics convie la population à intensifier la mobilisation populaire pour la contrecarrer à travers Haïti. [rc apr 21/09/2022 0:30]