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Lettre au gouvernement suisse

22 organisations suisses de solidarité avec Haiti évoquent le principe d’ " assistance à peuple en danger "

"Le gouvernement suisse ne peut négliger l’ampleur et la nature de la violence qui semble de plus en plus organisée et converger vers la déstabilisation de l’État et le blocage du processus électoral."

Soumis à AlterPresse le 14 juillet 2005

Genève, le 14 juillet 2005

Madame Micheline Calmy-Rey, Conseillère Fédérale
Ministre suisse des Affaires Etrangères
Palais Fédéral Ouest
3003 Berne

Monsieur Blaise Godet, Ambassadeur
Mission permanente de la Suisse
auprès de l’Office des Nations Unies
Rue de Varembé 9-11, Case postale 194
1211 Genève 20

Madame la Conseillère Fédérale,

Monsieur l’Ambassadeur,

La Plate-Forme Haïti de Suisse, regroupement de 22 organisations solidaires avec Haïti dont 15 soutiennent actuellement des projets de terrain avec 45 partenaires haïtiens, lance un cri d’alarme devant l’urgence de la situation qui sévit en Haïti.

Les membres de la Plate-Forme Haïti de Suisse, à l’instar d’organisations haïtiennes et d’observateurs étrangers, sont consternés par les violations des droits humains, l’insécurité, l’impunité, l’escalade de la violence, par les gangs armés qui se réclament du parti Lavalas, par des ex-militaires et autres gens illégalement armés.

De nombreux témoignages ne cessent d’affluer, relatant meurtres, enlèvements, incendies criminels et autres atteintes aux droits humains sans que l’institution policière ne soit en mesure d’intervenir et sans que le système juridique ne soit en mesure de juger et de sanctionner quelque coupable que ce soit. En nombre insuffisant, avec une préparation et des armements inadéquats, avec un appui insuffisant et sporadique de la MINUSTAH, la Police Nationale Haïtienne est inopérante.

Des quartiers entiers de Port-au-Prince ainsi que des routes sont livrés aux bandes armées. Les enlèvements contre rançon se multiplient, y compris ceux de petites gens, sans qu’aucune force de police ne puisse garantir une sécurité quelconque. Sans compter que n’importe quelle police organisée devrait avoir les moyens d’intercepter les appels téléphoniques des kidnappeurs ... qui n’hésitent pas à réclamer des sommes astronomiques pour remettre en liberté leurs otages.

Les rapports les plus récents des organisations de défense des droits humains provenant d’Haïti confirment hélas un tel état de fait [1].

Le niveau d’alerte et les instructions données aux citoyens canadiens et américains font craindre le pire. S’il est correct pour un gouvernement de mettre en garde ses propres ressortissants, nous nous demandons ce qu’il en est de la population haïtienne - dont nos partenaires de terrain - qui n’a nulle part où se faire rapatrier le cas échéant.

Nous considérons qu’en l’état, nous pouvons vraiment évoquer la clause d’assistance à peuple en danger.

Le gouvernement suisse ne peut négliger l’ampleur et la nature de la violence qui semble de plus en plus organisée et converger vers la déstabilisation de l’Etat et le blocage du processus électoral.

Nous encourageons donc avec insistance le Gouvernement suisse à poursuivre ses efforts, (partout où il est en mesure de le faire) tant sur le terrain en Haïti qu’auprès du Conseil de Sécurité et des gouvernements des pays participant à la mission onusienne, en vue d’assurer l’application du nouveau mandat de la MINUSTAH, d’augmenter ses moyens d’action et de réviser sa stratégie de lutte contre la violence, pour le désarmement, la sécurité publique et le respect des droits humains.

Nous considérons enfin qu’aucune intervention militaire ou policière ne peut faire l’économie d’une aide massive et concomitante à la lutte contre la pauvreté, immédiatement, et en réduisant au minimum les longues procédures administratives de déblocage des fonds. Ceci permettrait notamment d’assurer les services essentiels et de mettre au travail les immenses couches appauvries à travers le pays et dans les quartiers populaires, en particulier pour soulager la misère des secteurs les plus défavorisés de la population [2]. Et on contribuerait ainsi à réduire l’insécurité.

Nous vous remercions de l’attention portée à nos propositions et vous prions d’agréer, Madame la Conseillère Fédérale, Monsieur l’Ambassadeur, l’expression de notre plus haute considération.

Au nom de la Plate-Forme Haïti de Suisse, le comité :
D. Charollais, G. Lustenberger, I. Narr Caetano,
C.-L. Z.-Deferne, R. Challandes, Ch. Ridoré.


[1RNDDH : Situation des droits humains après le 29 février 2004. Port-au-Prince, juin 2005, 32 pages.

Le Réseau national de défense des droits humains RNDDH est le nouveau nom de la NCHR-Haïti

[2RNDDH : op. cit., recommandation No 1, page 31.