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Économie : L’économiste Eddy Labossière craint une catastrophe, au cas où Haïti serait coupée du système financier international

P-au-P, 31 août 2022 [AlterPresse] --- Couper Haïti du système financier international en termes de sanctions risque de provoquer une catastrophe dans l’économie en Haïti, prévient l’économiste Eddy Labossière, dans une interview accordée à l’agence en ligne AlterPresse.

De telles sanctions seraient dévastatrices pour Haïti, qui ne pourra pas survivre comme la Russie, pays riche dont toutes les transactions avec l’étranger ont été coupées, après le déclenchement, le 26 février 2022, de la guerre contre l’Ukraine.

Le Groupe d’action financière (Gafi) n’hésitera pas à mettre à exécution, en août 2023, ses menaces de couper toute forme d’échanges entre Haïti et le système financier international, rappelle l’économiste haïtien Eddy Labossière.

La république d’Haïti risque d’être exclue du système financier international, au cas où ses promesses, pour remédier à ses piètres performances dans la lutte contre le blanchiment de capitaux, contre le financement du terrorisme et contre le financement de la prolifération d’armes, ne seraient pas tenues d’ici août 2023.

Cet avertissement a été lancé par le gouverneur de la Banque de la république d’Haïti (Brh), la Banque centrale, Jean-Baden Dubois, en conférence de presse, le lundi 22 août 2022.

Le Gafi a pour mission, au niveau des Caraïbes, de s’assurer que tous les pays de la région font une bonne gestion de la gouvernance, des finances, mais des finances publiques en particulier, pour éviter le blanchiment des avoirs, le financement du terrorisme et aussi le financement du trafic d’armes à feu, explique l’économiste Eddy Labossière.

Cette institution ne réfléchira pas, à deux fois, avant de sanctionner le pays, une fois le délai fixé arrive à échéance, selon Labossière.

L’ultime cause des menaces du Gafi envers Haïti est le constat d’un nombre important de transferts d’argent d’Haïti vers les pays étrangers, sans explications claires et nettes sur la provenance de l’argent, fait remarquer Labossière.

« Août 2023 est l’ultimatum donné par la communauté internationale au gouvernement haïtien, pour honorer ses promesses de résolution de cette crise économique dans le pays, qui est déjà, à cause de celle-ci, sur une liste sombre. Si tel n’est pas le cas, Haïti sera rétrogradée sur une liste encore plus faible que celle sur laquelle elle se trouve actuellement », a prévenu la Banque centrale.

Pour éviter l’arrêt des transferts de la diaspora, les transactions avec les banques étrangères, les autorités haïtiennes savent déjà quelles mesures appliquer, mais ne les appliqueront pas, soupçonne Labossière.

Le meilleur moyen de freiner le chaos actuel est de finaliser les procès en cours (notamment celui de PetroCaribe), mais aussi de retracer les transferts d’argent et sanctionner toutes celles et tous ceux, qui sont à l’origine des fraudes, quelles qu’elles soient.

Par ailleurs, la gourde n’est pas dépréciée par rapport au dollar américain dans la réalité. C’est une dépréciation frauduleuse, contrôlée par ceux qui cherchent à camoufler leurs blanchiments d’argent, relève l’économiste Labossière.

L’une des preuves concrètes est la baisse subite, depuis la semaine dernière, du taux de change, suite aux protestations populaires dans les rues de plusieurs villes et aux menaces du Gafi.

La Banque centrale avait annoncé une injection de 100 à 150 million de dollars américains dans l’économie, pour palier au problème de dépréciation de la gourde par rapport au dollar.

Le mardi 30 août 2022, la Banque centrale a, de nouveau, transmis aux banques commerciales un montant de 3 millions 500 mille dollars américains, afin de stopper la dépréciation accélérée de la gourde par rapport au dollar américain.

Le taux de change a connu une diminution brusque sur le marché formel. Il faut actuellement 115.88 gourdes pour un dollar américain, selon les chiffres officiels de la Banque centrale. [rdp emb apr 31/08/2022 13:15]